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Au cours de mon expérience en pratique privée comme conseillère d’orientation, j’ai vu de nombreuses femmes se questionner professionnellement à l’étape où leurs enfants atteignent un âge où ils deviennent autonomes. Comme si elles se permettaient de le faire après des années où elles sentaient qu’elles devaient être présentes pour leur famille avant tout. Une analyse réalisée par Carrefour RH (Genin et Michaudville, 2015) a confirmé sans surprise que la maternité influe directement et indirectement sur les trajectoires de carrière des femmes.
À travers ce portrait, nous nous intéressons à l’histoire de Sonia qui a enclenché une transition professionnelle après avoir mis en priorité sa famille pendant quelques années. De quelle façon peut-on revenir à soi dans ce contexte et comment concrétiser ses souhaits dans la réalité du marché du travail? Sonia nous parle de cette transition qui l’amène maintenant à travailler à un poste qui la stimule et qui lui ressemble.
Après avoir étudié en travail social et en enseignement, Sonia a eu quelques expériences plus ou moins satisfaisantes dans le milieu scolaire. C’est lorsqu’elle a eu l’occasion de travailler pour le programme Ma place au soleil, qu’elle s’est sentie véritablement à sa place : « Je trippais dans ce rôle-là à accompagner les mères, dans leur parcours maternel et scolaire. C’était la job sur mesure pour moi! »
Avant d’obtenir cet emploi, Sonia est devenue maman. « C’était un garçon extraordinaire qui avait des besoins particuliers. » Son rôle dans le programme Ma place au soleil, bien que très stimulant, était auprès d’une clientèle qui lui demandait beaucoup. Elle devait également travailler à Montréal, elle qui habitait sur la Rive-Nord. « J’allais porter mon garçon au service de garde à 7 h le matin. C’était vraiment difficile pour lui. Je le voyais que ça ne fonctionnait pas. » Elle sentait que son fils avait besoin de sa présence. Ses priorités ont alors changé.
La famille avant tout
Elle confirme que malgré son intérêt pour ce poste, elle a dû faire un choix en fonction de sa famille. Elle souligne : « Ça été un gros deuil parce que j’adorais ça. En même temps, c’était clair que c’est ce que je devais faire pour ma famille et mes enfants qui avaient besoin de moi. J’ai fait des démarches pour trouver des solutions et une fois que j’ai vu qu’elles ne fonctionnaient pas, je n’ai pas réfléchi. Je sentais qu’il fallait que je sois le pilier de cette famille-là. »
Ainsi, après ces changements, elle a commencé à travailler comme aide-éducatrice à la garderie de son fils tout en faisant de la suppléance. À la suite d’un déménagement, ils ont pu installer une garderie familiale à même leur résidence. La situation était donc parfaite pour que Sonia soit présente auprès des siens. Cependant, après quelques années, une certaine insatisfaction persistait.
Un dialogue intérieur s’est alors enclenché : « Quand j’avais un temps d’arrêt et que j’avais deux minutes pour respirer, je me demandais : “ Est-ce vraiment cela que je veux faire toute ma vie? Pourquoi ai-je fait ces études-là? ” Je le savais que j’étais importante, mais à long terme, je doutais de ma satisfaction. Je craignais de ne plus trouver un travail qui correspondait davantage à ce que je visais professionnellement. Je me demandais aussi comment mon CV pourrait sortir du lot. »
Redevenir sa priorité et réaliser sa transition professionnelle
Les enfants devenus autonomes, Sonia sentait qu’était venu le temps de se mettre à l’avant-plan. Sans savoir dans quelle direction, elle a pris la décision, une année et demie à l’avance, qu’elle fermerait les portes de sa garderie. « Il faut accepter de prendre des risques dans ce genre de transition. On me demandait souvent ce que je ferais s’il n’y avait rien après la garderie. Il faut juste plonger et une fois que tu plonges, tu ne regardes plus en arrière. C’est ça qui m’a sauvée. Je ne suis pas allée dans le réaliste. Mes enfants allaient bien et ils avaient grandi. C’était le moment parfait pour que je me mette de l’avant professionnellement. »
« Lorsque j’ai décidé de m’affirmer, de me respecter et de me concentrer sur une dernière année à mon image, j’ai senti qu’un nouveau livre s’écrivait enfin et que j’en étais le personnage principal. »
Sonia a donc cogné à toutes les portes pour se mettre en action. « Il fallait que toutes les personnes qui participent à ce changement soient en harmonie avec moi. Pour faire le grand saut et ne pas avoir de regret, je devais bien préparer cette réorientation professionnelle et être accompagnée selon la réalité du marché du travail actuelle. Ainsi, elle a entrepris une démarche avec une conseillère d’orientation. À travers les réponses qu’elle est allée chercher, elle a réalisé qu’elle n’irait plus vers l’enseignement; un questionnement qu’elle a eu longtemps dans sa vie. C’était la relation d’aide qui était davantage faite pour elle.
Parallèlement à cette démarche, Sonia avait décidé de devenir sa priorité en réalisant des actions en ce sens. « Lorsque j’ai décidé de m’affirmer, de me respecter et de me concentrer sur une dernière année à mon image tout en ayant le support de mes fils et de mon chum, j’ai senti qu’un nouveau livre s’écrivait enfin et que j’en étais le personnage principal. Après, tout a déboulé. Tout s’est mis en place, sans que je ne force rien. Les familles étaient ouvertes et compréhensives. Je ne pouvais donc plus reculer. Je devais, pour pouvoir m’envoler vers du nouveau, sentir que tout s’arrimait et que tout était simple et facile. » D’ailleurs, tout est allé si naturellement, qu’au lieu de fermer les portes de sa garderie en juin 2024, elle a pu le faire un an plus tôt sans mettre aucune famille dans l’embarras, puisqu’elles avaient trouvé leur plan B. Cela concordait avec le moment où Sonia choisissait d’aller en relation d’aide.
La recherche d’emploi
Lorsque ce chapitre a été conclu, Sonia a dû affronter le marché de l’emploi. « Ma recherche d’emploi s’est bien déroulée. Avec l’aide de la conseillère d’orientation, j’ai pu rafraîchir mon CV et mettre en valeur les qualités et aptitudes reliées aux emplois qui m’intéressaient. Mes recherches concernaient les emplois en intervention dans le milieu scolaire. J’étais confiante. Je savais ce que je voulais et ce que je ne voulais pas. Je me savais sur la bonne voie. »
Elle ajoute tout de même : « Malgré tout, je dois avouer que je n’ai pas eu beaucoup d’employeurs intéressés. Il en fallait un et c’est un cégep qui m’a téléphoné et a eu l’ouverture d’esprit de voir au-delà de mon parcours atypique. J’ai envoyé mon CV pour deux postes. Après avoir fait les entrevues où j’ai tout donné, j’ai dû choisir entre les deux. »
« Ce travail répond à toutes mes attentes. Je me sens à ma place, j’ai une belle reconnaissance, de bonnes conditions et je travaille en équipe. Le climat est sain. La clientèle est volontaire, avec de grands besoins, mais je me sens utile et je les accompagne dans un projet concret: leur avenir. C’est parfait pour moi! »
Aucun regret face à son parcours
Lorsque je lui demande si elle changerait des choses à son parcours et à ces moments où elle s’est oubliée pendant un certain temps, elle affirme : « Je ne changerais rien. Ç’a valu la peine, car je n’ai aucun regret de ce que j’ai investi pour mes enfants, qui étaient, à ce moment, mon projet. Je crois qu’une partie de moi savait qu’un jour, ce serait à mon tour et je devais être patiente. En attendant, j’avais l’incroyable chance de faire un travail important auprès des enfants. J’avais aussi l’honneur d’être présente au quotidien pour ma famille, de leur donner du temps, d’éviter les camps d’été, le service de garde et les trop longues journées passées dans le bruit et la discipline. »
Avec ce qu’elle voit aujourd’hui de ses enfants à l’aube de l’âge adulte, elle mentionne que le sacrifice en valait le coup : « Mes enfants sont maintenant devenus des hommes. Ils réussissent bien, ils sont passionnés et ont développé de saines habitudes de vie. Donc, je crois que ce temps, où j’ai mis mes aspirations professionnelles sur la tablette, en valait la peine. »
Sonia poursuit son travail auprès des jeunes adultes dans un cégep et souhaite maintenant, grâce à l’expérience qu’elle a acquise dans ce rôle, profiter de la flexibilité qu’elle a tant désirée. La quête de l’équilibre reste importante pour Sonia qui a tendance à donner son maximum autant dans sa vie personnelle que professionnelle. Elle aspire donc à s’écouter davantage. « J’aimerais arrêter plus souvent prendre des pauses et des congés en prévention. » Cela lui permettrait de conserver un bien-être dans les différentes sphères de sa vie afin de continuer à suivre son cœur et à se choisir de nouveau.
Genin, Émilie et Michaudville, Marie-Ève (2015), Femmes et carrière : les mères sont-elles pénalisées?, Carrefour RH, https://carrefourrh.org/ressources/revue-rh/archives/femmes-et-carriere-les-meres-sont-elles-penalisees
* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.