Chaque fois que je rencontre un recruteur pour discuter d’entrevue, j’ai toujours la phrase suivante : Moi, j’aime bien poser cette question…
En 38 ans de carrière, j’ai rencontré un grand nombre de recruteurs qui croient fermement que leur question est la meilleure. Je devrais donc avoir une gigantesque banque de meilleures questions d’entrevue au monde.
J’ai donc longuement réfléchi aux raisons qui font qu’il y ait autant de meilleures questions d’entrevue au monde, et laquelle parmi celles-ci est la meilleure des meilleures.
Premier constat : Il y a peu de formations sur la conduite d’entrevue de sélection. Les universités et collèges québécois offrent majoritairement des formations sur le recrutement, mais les techniques d’entrevue ne sont pas ou peu abordées.
Deuxième constat : La majorité des intervieweurs conduisent des entrevues comme ils ont été interviewés dans le passé. Il y a donc une propension à appliquer des pratiques plus ou moins efficaces.
Troisième constat : Chaque intervieweur peaufine ses questions selon ses succès et échecs obtenus. Il y a donc le développement de croyances très fortes des intervieweurs sur les bonnes questions et les moins bonnes questions.
Quatrième constat : Certains outils psychométriques donnent des questions d’entrevue ainsi que des sous-questions à explorer avec des candidats (Atman, MPO, EPSI, etc.). C’est plus facile pour un intervieweur d’avoir un questionnaire tout prêt à être utilisé.
Devant ces constats, je dois conclure qu’il y a une impression très forte pour les intervieweurs que leurs questions sont les meilleures.
Je fais des entrevues de sélection et des entrevues de relation d’aide depuis maintenant 38 ans. J’ai travaillé avec d’excellents psychométriciens, j’ai travaillé avec des recruteurs et des interviewés et j’enseigne l’entrevue comportementale depuis maintenant 15 ans. Voici donc 5 éléments qui vous permettront d’améliorer vos questions d’entrevue.
- Lors d’un processus de sélection, tous les candidats doivent avoir les mêmes questions.
C’est essentiel pour pouvoir comparer les candidats entre eux afin de choisir la personne qui convient le mieux pour le poste. - Chaque question doit être reliée à l’emploi à doter.
Vous éviterez ainsi les questions discriminatoires. Vos questions seront alors spécifiques. Certains recruteurs veulent apprendre à connaître une personne au-delà de ses expériences et compétences à occuper un poste. C’est légitime, mais ça ne doit pas être au détriment des compétences spécifiques à réaliser les tâches qu’il aura à accomplir. - Chaque question doit tenir compte des performances futures à produire.
Il faut ici s’assurer que le candidat puisse réaliser les tâches requises tout en maintenant la cadence requise dans l’entreprise. À titre d’exemple : Une personne analytique effectuera le travail à la perfection, mais elle prendra beaucoup plus de temps qu’une personne qui l’est moins. - Chaque question doit évaluer une seule compétence.
Si vous essayez d’interpréter les réponses des candidats en entrevue en regard de plusieurs compétences dans une même question, il y a de gros risques que votre interprétation soit erronée. - Donnez un pointage à chaque question.
Chaque compétence évaluée n’a pas la même valeur pour le travail à faire. Un simple exercice comptable pourra vous permettre de trouver le plus compétent et performant.
Pour votre prochain processus de sélection, faites l’exercice suivant : revoyez chaque question d’entrevue en appliquant les cinq règles énoncées. En appliquant ces conseils, vous structurerez vos questions d’entrevue et vos biais (votre feeling) de perception seront largement diminués.
Mon dernier conseil sera certainement plus controversé, car il fait partie des pratiques populaires de la majorité des recruteurs. Je m’attaque ici à une croyance très fortement ancrée dans les pratiques des intervieweurs qui est d’utiliser des questions de mise en situation (que feriez-vous si…).
Je pourrais vous citer de nombreuses études réalisées par des chercheurs réputés depuis plus de 40 ans sur le faible taux de validité des questions de mise en situation, mais je vous propose l’exercice suivant : Lors d’un processus de sélection, posez une question de mise en situation à un candidat et suite à sa réponse, enchaînez avec : Avez-vous déjà vécu une situation similaire et si oui, pouvez-vous me raconter comment cela s’est passé.
Je suis prêt à parier que la seconde réponse sera différente de la première et elle sera également beaucoup plus riche et détaillée. Vous aurez en plus, le résultat réel obtenu de cette expérience. Vous pourrez alors voir si les gestes posés ont eu un résultat positif ou négatif. Il est impossible d’avoir un résultat valide si vous demandez à un candidat ce qu’il ferait dans une situation fictive.
En conclusion :
Il n’y a donc pas, une « meilleure question d’entrevue au monde » il ne devrait y avoir qu’une série de questions structurées qui donnent avec le plus de précision possible, une probabilité que le candidat puisse faire le travail demandé tant en qualité qu’en quantité.
Bonne chance dans vos prochaines entrevues.