Pourquoi choisir est-il si difficile?
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Pourquoi choisir est-il si difficile?

À l’automne, des milliers de jeunes ont entrepris un programme d’études qu’ils ont choisi à l’hiver dernier, souvent après bien des hésitations et des remises en question. D’ici la fin de leur parcours au cégep, le tiers des étudiants aura changé de programme, ce qui est énorme quand on songe aux coûts et au temps investi. La question qui en découle est : pourquoi est-ce si difficile de choisir et surtout, de maintenir un choix?

On pense souvent que c’est le manque de connaissance des jeunes vis-à-vis les programmes existants et le marché du travail qui est en cause dans la difficulté qu’ils ont à choisir un programme et à le mener à terme.
Bien que ces connaissances soient en effet pertinentes dans un processus d’orientation et de prise de décision, le fait de ne pas en avoir suffisamment ne peut à lui seul expliquer pourquoi tant de jeunes remettent éventuellement en question leur choix.

Plusieurs éléments sont à prendre en compte afin de mieux comprendre ce qui vient affecter le processus décisionnel des jeunes. Tout d’abord, l’âge auquel ils doivent faire ce choix (16-17 ans), en sachant que dès la 1re secondaire et parfois même avant, les élèves sont sensibilisés – le mot est faible – à l’importance du choix à venir. Les études récentes en neurosciences font état que le cerveau des jeunes, jusqu’à l’âge de 25 ans, est soumis à des changements majeurs, notamment au niveau du lobe frontal, cet endroit du cerveau qui joue un rôle prépondérant au niveau de la prise de décision et de l’anticipation des conséquences découlant des actions posées. Comment s’étonner alors que le choix d’un programme, souvent vu comme le choix d’une vie, puisse faire vivre autant d’indécision et d’anxiété aux jeunes? Dans son excellent livre Le cerveau de votre ado, Dr. Dan J. Siegel explique comment le fait de devoir prendre une décision de cette importance, à l’âge où le cerveau vit des bouleversements, a de grandes chances d’être ardu pour plusieurs jeunes.

La surabondance de choix est un autre élément qui complexifie la prise de décision. Avec plus de 200 programmes préuniversitaires et plus de 200 programmes techniques, le collégial a augmenté d’année en année son offre aux nouveaux étudiants.

Rien pour faciliter la prise de décision. Le cerveau humain a de la difficulté à faire face à autant de choix. À l’ère de l’étudiant-client, on a développé toutes sortes de variations sur un même thème de programmes qui existaient déjà, rendant d’autant difficile la prise de décision.

Je ne compte plus le nombre de jeunes m’ayant dit : ‘’J’aimerais savoir quel programme pourrait me correspondre et auquel je n’ai jamais pensé’’ car, en effet, il y en a tellement qu’il est impossible de tous les connaître, ce qui laisse toujours planer un doute : et s’il y en avait un autre que je ne connais pas et qui me conviendrait mieux?

La pression des parents est aussi un facteur à prendre en compte. Nous sommes à l’ère des ‘’parents hélicoptères’’ qui veulent bien faire mais qui en rajoutent plutôt une couche au niveau de la pression et du stress que les jeunes ressentent, puisqu’ils partent souvent de leurs propres peurs : Est-ce que le programme choisi offre de bons débouchés? Est-ce que les salaires sont suffisamment élevés? Est-ce que c’est un domaine stable? Des préoccupations parentales qui finissent par teinter le regard que les jeunes portent sur les choix possibles.

À cela s’ajoute les éléments relevant de l’identité des jeunes : est-ce que leur identité est suffisamment formée et stable pour leur permettre de se lancer dans une direction, même en n’ayant pas toutes les certitudes et toutes les réponses? Dit autrement, ont-ils le sentiment de suffisamment ‘’être’’ une personne à part entière pour commencer à avancer, en sachant que ce n’est pas un tapis rouge qui est devant eux mais une route à construire? À cela s’ajoute les éléments de confiance en soi, comme la peur de se tromper, de faire le mauvais choix, avec tous les mythes qui accompagnent ces pensées : je ne dois pas me tromper; il n’y a qu’un bon choix pour moi, je dois trouver ce que c’est; tous mes amis savent ce qu’ils veulent faire sauf moi, suis-je normal, etc.

Le système d’éducation actuel, basé en grande partie sur les notes et sur le fait d’en avoir de très bonnes pour ne pas être limité dans les choix à venir, n’aide en rien les jeunes qui sont aux prises avec toutes sortes d’enjeux à l’âge où on leur demande de faire un choix ‘’pour la vie’’. En attendant que le système change et soit davantage au diapason des périodes de développement des jeunes, nous pouvons à tout le moins les accompagner dans leur choix à venir en démystifiant avec eux ce qu’ils s’apprêtent à faire, en relativisant la portée du choix d’un programme, en recadrant l’importance des notes (une personne n’est pas qu’une note, loin de là), en les éduquant au processus d’orientation qui est plus que le choix d’un programme, en les aidant à avancer sans avoir toutes les certitudes.

Référence : Dr. Dan J. Siegel, « Le cerveau de votre ado », 2018, Guy St-Jean éditeur


Article publié pour la premières fois le 11 novembre 2020.

Nathalie Ross Author
Nathalie Ross, c.o. et psychothérapeute, travaille depuis plusieurs années à titre de conseillère d’orientation et de psychothérapeute auprès d’une clientèle variée, en pratique privée et pour l’organisme en employabilité CODEM. Elle est également superviseure clinique pour des équipes de c.o. et de c.e. et donne aussi à l’occasion des ateliers de formation et des conférences. Elle travaille avec la perspective psychogénétique depuis ses études en orientation à l’UQAM et avec la perspective ACT depuis quelques années. Elle est également présidente de l’Institut de recherche fondamentale et clinique en psycho-orientation (IRFCPO), institut qui chapeaute la perspective psychogénétique.
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Nathalie Ross Author
Nathalie Ross, c.o. et psychothérapeute, travaille depuis plusieurs années à titre de conseillère d’orientation et de psychothérapeute auprès d’une clientèle variée, en pratique privée et pour l’organisme en employabilité CODEM. Elle est également superviseure clinique pour des équipes de c.o. et de c.e. et donne aussi à l’occasion des ateliers de formation et des conférences. Elle travaille avec la perspective psychogénétique depuis ses études en orientation à l’UQAM et avec la perspective ACT depuis quelques années. Elle est également présidente de l’Institut de recherche fondamentale et clinique en psycho-orientation (IRFCPO), institut qui chapeaute la perspective psychogénétique.
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