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La frontière entre vie professionnelle et vie personnelle est une question qui suscite de plus en plus d’intérêts, notamment à l’ère du télétravail et de la connexion permanente. La série télévisée Severance, réalisée par Ben Stiller et gagnante aux Emmy, pousse cette réflexion à l’extrême en proposant un scénario troublant : les employés de l’entreprise Lumon subissent une procédure appelée « severance » qui divise leur conscience en deux. Lorsqu’ils sont au bureau, ils n’ont aucun souvenir de leur vie personnelle, et inversement.
Cette dichotomie radicale pose une question fondamentale : jusqu’où doit aller la séparation entre le travail et la vie privée?
Dans la réalité, la réponse est plus nuancée. Loin de prôner une coupure aussi drastique, Jacques Forest, chercheur spécialisé en psychologie du travail, apporte un éclairage intéressant sur le sujet. Dans l’émission À la recherche du soi perdu (diffusée le 9 janvier 2025 dernier), il déconstruit certaines idées reçues sur le travail et le salaire. Il rappelle que les recherches démontrent que l’équilibre optimal n’est pas une séparation rigide, mais plutôt une capacité à s’engager pleinement dans chacune des sphères de sa vie. Autrement dit, être entièrement présent et investi au travail, tout comme il est essentiel de s’impliquer activement dans ses activités personnelles en dehors des heures de bureau.
Il contribue à structurer l’estime de soi et à donner un sens à l’existence. C’est dans cette perspective que la théorie de l’autodétermination de Deci et Ryan (1985) apporte un éclairage pertinent. Selon cette approche, trois besoins psychologiques fondamentaux guident la motivation humaine : l’autonomie, la compétence et l’affiliation sociale. Lorsque ces besoins sont satisfaits, les individus développent une motivation intrinsèque qui favorise leur bien-être et leur engagement, tant sur le plan professionnel que personnel.
Ce besoin d’accomplissement est crucial : il ne s’agit pas seulement d’avoir un emploi, mais d’exercer un travail qui permet de s’épanouir et de se sentir utile. Loin d’être un simple moyen de subsistance, le travail est une sphère où l’individu peut exprimer ses talents, développer ses compétences et créer du sens. Ainsi, pour les professionnels du développement de carrière, il devient essentiel d’accompagner les individus dans la recherche d’un équilibre où le travail s’intègre harmonieusement dans leur identité et leur parcours de vie.
Chaque individu étant unique, il n’existe pas de solution universelle en matière de séparation entre travail et vie personnelle. Certains préfèrent une stricte démarcation, tandis que d’autres trouvent du sens dans une intégration plus fluide entre les deux sphères. L’important est d’identifier un équilibre qui correspond aux besoins et aux valeurs de chacun, en s’assurant que ni le travail ni la vie personnelle ne deviennent envahissants au détriment du bien-être global.
Cette vision remet en question l’idéal souvent véhiculé d’un cloisonnement strict entre travail et vie personnelle. Dans un monde où les frontières entre les deux deviennent de plus en plus floues, il s’agit moins de tracer une ligne nette que de trouver un équilibre dynamique qui permet à chacun de s’épanouir tant sur le plan professionnel que personnel. Ainsi, au lieu de chercher à « oublier » son travail dès la sortie du bureau, il s’agirait plutôt de cultiver une présence consciente dans chaque sphère de sa vie, en évitant que l’une ne prenne le pas sur l’autre.
Finalement, la réflexion soulevée par Severance nous amène à nous interroger sur notre propre rapport au travail : cherchons-nous à le fuir ou à l’intégrer de manière plus harmonieuse à notre existence?
Références :
Deci, E. L., & Ryan, R. M. (1985). La théorie de l’autodétermination. (J. Forest, Trad.). Chenelière Éducation.
Forest, J. (2025, 9 janvier). À la recherche du soi perdu [Émission de radio]. Radio-Canada.
* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.