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Ce texte présente la suite du billet : L’adaptation : un processus dynamique au cœur de l’accompagnement en orientation – Partie 1
Lorsque l’adaptation devient un piège
Il est crucial de distinguer l’adaptation consciente et active, de l’adaptation subie, défensive ou contraignante. Certaines formes d’adaptation peuvent masquer des mécanismes protecteurs qui, à long terme, nuisent au bien-être et à l’épanouissement.
La suradaptation
Il s’agit d’un mécanisme qui consiste à répondre en permanence aux attentes externes, au détriment de ses propres besoins. Cette réponse adaptative est plutôt fréquente chez les personnes anxieuses ou en quête d’approbation. Ce mécanisme peut conduire à l’épuisement, à la perte de sens, au ressentiment, voire au burnout. La suradaptation peut fragiliser l’identité, car elle pousse la personne à adopter des rôles dictés par l’environnement au détriment de ses valeurs et de ses aspirations.
L’évitement de choix
L’indécision chronique, la procrastination ou l’évitement peut devenir des stratégies d’évitement, qui maintiennent une illusion de sécurité, mais empêchent la progression et la construction d’un projet cohérent.
L’angoisse liée à l’incertitude ou l’accumulation de pertes subies peut paralyser la prise de décision.
Ainsi, la personne repousse la prise d’action se retrouvant dans une situation où elle subit ce qui survient dans son environnement. Ceci crée un sentiment d’impuissance, perte de contrôle, d’insécurité.
L’adaptation rigide
Certains individus adoptent une posture rigide, cherchant à tout contrôler et à éviter le changement. Cette rigidité traduit souvent une peur profonde de l’échec ou du vide. Elle limite la capacité à accueillir l’imprévu, ce qui est pourtant inévitable dans toute transition. Cela peut conduire à une stagnation ou à une crise identitaire.
L’adaptation face aux deuils et transitions
Chaque période de changement majeur, qu’il s’agisse d’une réorientation, d’une perte d’emploi, d’un échec scolaire ou d’une rupture professionnelle, implique un processus de deuil. Ce deuil qui peut se retrouver sous la forme de la perte d’un projet, d’un statut ou d’une identité a un impact majeur sur la capacité d’adaptation.
Ce travail permet de retrouver l’énergie et la disponibilité nécessaires pour s’engager dans de nouveaux projets en intégrant les pertes vécues. Il favorise aussi une meilleure acceptation de soi et une reconstruction identitaire plus solide.
Soutenir l’adaptation en tant que professionnels de l’orientation
Le rôle d’un conseiller d’orientation dépasse l’aide à la prise de décision, il accompagne des processus complexes d’ajustement. Dans ce cadre, l’adaptation se manifeste par la capacité à faire face aux transitions scolaires, professionnelles et personnelles tout en intégrant les dimensions identitaires, émotionnelles et cognitives. Elle implique le développement de compétences telles que l’autonomie, la prise de décision éclairée, la gestion des émotions et la flexibilité face à l’incertitude. L’accompagnement vise ainsi à rendre les personnes actrices de leur parcours tout en les aidant à construire un projet personnel cohérent et en harmonie avec leur environnement social et professionnel. Ainsi, l’adaptation est au cœur du processus d’accompagnement en orientation. Ceci constitue un mécanisme dynamique essentiel pour aider les individus à naviguer dans un environnement en constante évolution.
Les professionnels de l’orientation jouent un rôle clé dans ce processus en créant un espace sécurisant, en valorisant les ressources individuelles, en clarifiant les objectifs et en soutenant les ajustements nécessaires. Ils interviennent également pour identifier les difficultés d’adaptation, notamment chez les personnes en situation de vulnérabilité ou présentant des comportements à risque, en proposant des stratégies personnalisées et en mobilisant les ressources du milieu.
Pour cela, il est important d’implanter un cadre d’intervention tenant compte de l’aspect global de l’individu tout en créant un climat propice à l’introspection :
- Créer un espace sécurisant où la personne peut explorer son adaptation sans crainte de jugement;
- Valoriser les ressources et les forces déjà mobilisées afin de renforcer la confiance en soi;
- Travailler sur la clarté des besoins et des objectifs afin d’orienter les choix vers un projet porteur de sens en cohérence avec ce que la personne est et ce qu’elle souhaite devenir.
- Identifier et décoder les mécanismes d’adaptation inadéquats ou coûteux en énergie afin d’accompagner dans les étapes de changement.
- Accompagner à travers les étapes de deuil, la perte de sens et les hésitations, et ce, sans précipiter la prise de décision.
Notre posture réflexive, empathique et bienveillante constitue un levier puissant pour favoriser une adaptation consciente, libre et alignée. En intervention, cela suppose qu’il est important d’élargir nos perspectives et de développer une vision globale afin de tenir compte de l’ensemble des sphères de vie de la personne que l’on accompagne.
Cultiver une adaptation en mouvement
S’adapter ne signifie pas se plier ni tout accepter passivement. C’est un processus de transformation qui préserve la cohérence personnelle. C’est accueillir l’inconfort des transitions tout en restant fidèle à ses aspirations profondes. Parfois, c’est savoir dire non, laisser aller un projet, attendre ou choisir autrement.
Dans un monde en perpétuelle mutation et dans un contexte où les repères professionnels et identitaires sont constamment bousculés, accompagner une personne à travers son processus d’adaptation, c’est accompagner la vie en mouvement. En tant que professionnels de l’orientation, nous avons le privilège d’être des témoins et des facilitateurs à travers ces passages qui sont souvent fragiles et surtout, toujours porteurs de sens. Accompagner une adaptation réfléchie et authentique, c’est contribuer à renforcer le pouvoir d’agir des personnes face à l’incertitude et pour favoriser des trajectoires professionnelles durables.
Quelques lectures pour aller plus loin
Bujold, C. (2004). Construction de l’identité et orientation professionnelle. Revue canadienne de counseling / Canadian Journal of Counselling.
Une ressource clé pour comprendre l’identité en construction dans les parcours professionnels.
Cloutier, R. (2010). L’accompagnement en orientation : soutenir la capacité de faire des choix. L’Orientation scolaire et professionnelle.
Aborde les enjeux liés à l’accompagnement et à la prise de décision en contexte d’adaptation.
Guichard, J. (2005). Life-long self-construction. International Journal for Educational and Vocational Guidance.
Théorie constructiviste appliquée à l’adaptation et au développement identitaire.
Meunier, S., & Savard, R. (2010). L’autorégulation de l’apprentissage : stratégies, émotions et motivation. Revue des sciences de l’éducation.
Pertinent pour l’analyse de l’autorégulation dans les processus d’adaptation et d’orientation.
Morin, E. M. (2001). Sens du travail : résultats d’une étude empirique menée au Québec. Revue européenne de psychologie appliquée
Aborde les liens entre sens, adaptation et bien-être dans les contextes de transition professionnelle.
Parent, D. (2016). De l’indécision à la capacité de choisir : regards sur le développement de l’adaptabilité professionnelle. L’Orientation scolaire et professionnelle.
Spécifiquement centré sur l’adaptation dans les contextes d’indécision et de choix difficiles.
Savard, R., & Michaud, G. (2015). L’adaptabilité professionnelle : un concept clé pour les transitions de carrière. Revue internationale de l’éducation et de la formation des adultes.
Présente le modèle de l’adaptabilité (Career Adapt-Abilities) en français.
Deci, E.L. & Flast, R. (2018). Pourquoi faisons-nous ce que nous faisons : motivation, auto-détermination et autonomie.
Aborde les mécanismes qui sous-tendent nos comportements à travers la théorie de l’autodétermination.
* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre
