Quelle importance peut avoir 0.1 point sur la population canadienne?
Marché du travail

Quelle importance peut avoir 0,1 point sur la population canadienne?

Au Canada, entre octobre et novembre 2022, une statistique particulière concernant la population surprend lorsque l’on prend le temps de s’y intéresser. Selon Statistique Canada le Tableau 14-10-0287-02 qui décortique les Caractéristiques de la population active selon le groupe d’âge, données mensuelles désaisonnalisées, le taux de population des 25 à 54 ans atteint 15,6, alors que celui des 55 ans et plus est de 15,7. 

Quand on s’y arrête, il est permis de se questionner sur ce 0,1. Quel impact a ce décimal sur le marché du travail? Sur la hausse du taux directeur de la Banque du Canada? Sur l’engorgement du système de santé qui semble sur le point d’imploser? Ou encore sur la fréquentation des établissements postsecondaires? Ce simple 0,1 point dérange. La population active, soit les personnes âgées de 25 à 54 ans, atteint un point de rupture qui pourrait être une première dans l’histoire du Canada. De ce fait, la population de 55 ans et plus est en voie de représenter la majorité. 

Nous faisons face à une explosion des coûts en santé que l’on paie avec nos impôts, hausse des paiements à la Régie des Rentes, manque de personnel dans le domaine des soins, et j’en passe.
Les enjeux sont innombrables et nous en constatons déjà certains effets pernicieux. Nous n’avons qu’à penser aux nombreux départs à la retraite qui, bien qu’anticipés par plusieurs, se sont avérés catastrophiques en raison du manque de relève. Comme société, il est de notre devoir de trouver des solutions viables et durables, et ce, dans un objectif de conciliation générationnelle. Nous le constatons déjà dans certaines universités par l’offre de cours, qu’elles veulent alléchante pour le troisième âge. Les représentants de ce groupe d’âge sont, la plupart du temps, une mine d’or de savoir au sein de l’organisation. En les laissant tout simplement partir, les organisations risquent de subir de grandes pertes surtout si elles ne veillent pas à assurer un transfert des connaissances, ou leur stockage. 

Comment expliquer une marge aussi mince? Chaque Québécois et spécialiste d’un domaine précis aura son explication. Tous pourront avoir tort, tous avoir raison, ou simplement un peu des deux. La réalité n’est jamais toute noire ou toute blanche. Tout est dans la nuance. Encore plus lorsque l’être humain entre en jeu. Cependant, ce 0,1 point d’écart doit nous faire réagir et cogiter. Il se peut qu’une personne n’ayant pas les connaissances requises pour analyser cette donnée ne décode pas les enjeux énormes de ce possible point de fracture. Mais comme société nous nous retrouvons sur le bord d’un précipice. Notre champ d’action doit se mettre en branle en mode urgence et surtout développer une vision à long terme, car les solutions à court terme, et ce qu’on appelle « éteindre des feux », sont en partie responsables de ce fameux chiffre. 

Toutefois, une main-d’œuvre vieillissante n’explique pas à elle seule la mince différence de 0,1 point. Où se trouve la relève? Au Québec, comme dans tous les pays occidentaux, nous observons un effet pernicieux d’un taux de natalité en chute libre. L’équation est simple : moins d’enfants signifie moins de relève. Ces générations ont le fardeau du paiement des rentes de vieillesse, prélevées à même leurs salaires. Fardeau de plus en plus lourd, puisqu’il y aura moins de population active que de retraités. Un phénomène d’engorgement se crée pour les jeunes travailleurs. Nous faisons face à une explosion des coûts en santé que l’on paie avec nos impôts, hausse des paiements à la Régie des Rentes, manque de personnel dans le domaine des soins, et j’en passe. 

Bien entendu, certains clameront que l’immigration est la solution magique. Toutefois, rien en ressources humaines n’est magique. L’immigration fait partie d’un ensemble de solutions qui devront être planifiées et coordonnées.  

Une de ses solutions consiste à conserver notre main-d’œuvre vieillissante et à s’adapter à leur réalité et à leurs besoins. Une autre solution est de hausser le taux de natalité au Québec. Pour ce faire, les femmes doivent avoir accès à des services de garde de qualité et abordables. Nous devons leur permettre de retourner facilement sur le marché du travail et faire de la conciliation travail-famille une priorité.

C’est par les générations futures que se creusera cet écart, loin du 0,1 point, qui facilitera la création d’un bassin de main-d’œuvre. 

De ce fait, l’ensemble des différents acteurs soit, en autres, le gouvernement, les syndicats, les spécialistes en ressources humaines/relations industrielles, les employeurs et les travailleurs, qui interviennent dans l’écosystème du monde du travail, doivent coordonner une action collective et collaboratrice visant à développer l’équité, la diversité et l’inclusivité (EDI). Il ne s’agit peut-être que de 0,1 point, mais ce petit chiffre démontre un portrait problématique que représente le marché du travail. Ce retour du balancier démontre l’importance, pour une société, de bien analyser et connaître son environnement afin d’anticiper le futur plutôt que le subir. 

 

* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre. 

Étudiante au doctorat en technologie éducative à l’Université Laval, Emilie est titulaire d’un MBA en gestion des affaires numériques, d’un certificat d’excellence pour le programme court de 2e cycle en gestion contemporaine de la TÉLUQ et d’un baccalauréat en administration concentration ressources humaines. Elle est également membre de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés depuis 2015. Elle cherche toujours à apprendre, à contester les silos des milieux académiques, puis de travail, et à maximiser l’utilisation des technologies. Elle s’intéresse principalement au Métavers, à la réalité virtuelle, augmentée, voire hybride. Ses recherches ont une tendance féministe, afin d’offrir des formations favorisant l’équité d’accès aux formations et aux conditions de travail.
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Étudiante au doctorat en technologie éducative à l’Université Laval, Emilie est titulaire d’un MBA en gestion des affaires numériques, d’un certificat d’excellence pour le programme court de 2e cycle en gestion contemporaine de la TÉLUQ et d’un baccalauréat en administration concentration ressources humaines. Elle est également membre de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés depuis 2015. Elle cherche toujours à apprendre, à contester les silos des milieux académiques, puis de travail, et à maximiser l’utilisation des technologies. Elle s’intéresse principalement au Métavers, à la réalité virtuelle, augmentée, voire hybride. Ses recherches ont une tendance féministe, afin d’offrir des formations favorisant l’équité d’accès aux formations et aux conditions de travail.