Travailler à la retraite : entre nécessité et accomplissement
Marché du travail

Travailler à la retraite : entre nécessité et accomplissement

Une étude annuelle de Statistique Canada portant sur les caractéristiques de la population active selon le sexe et le groupe d’âge nous apprend que plus de la moitié (53,2 %) des Canadiens âgés de 60 à 64 ans travaillaient en 2021, comparativement à 34,2 % en 2000. De leur côté, 25 % des 65 à 69 ans travaillaient en 2021 (11 % en 2000) et 7,1 % des 70 ans et plus (3,5 % en 2000). 

Si la majorité des gens attendent la retraite avec impatience pour se reposer enfin et s’adonner à des activités de loisir, ce n’est donc pas le cas de tous. Plusieurs ne s’arrêtent pas, par choix, quitte à se redéployer dans une carrière correspondant mieux à leurs aspirations et à leur âge alors que d’autres travaillent par nécessité financière. Les uns et les autres réalisent que la retraite, pourtant idéalisée, ne leur permet plus de combler tous leurs besoins, financiers, intellectuels, sociaux ou relationnels. Parfois, ils opteront pour un emploi-passerelle, le temps de s’adapter à leur nouvelle vie. 

J’aime dire que la retraite est une nouvelle et formidable proposition de vie dont il faut profiter amplement.

Il est temps de rapatrier les compétences, les connaissances et les expériences acquises au fil du temps, et parfois d’en acquérir d’autres, tout en abandonnant les contraintes, les exigences et les responsabilités excessives que le travail imposait jusque-là.  

Les retraités au travail : des besoins et des motivations variés

Pour accompagner adéquatement les retraités qui souhaitent encore travailler, il est bon de les encourager à préciser clairement leurs besoins et leurs attentes et, parfois aussi, à débusquer quelques motivations sous-jacentes qu’ils n’ont pas encore bien cernées. À la différence des plus jeunes qui ont toute la vie devant eux et toutes les capacités pour explorer le monde du travail, les ainés devraient aussi tenir compte, dans leurs choix d’activités, rémunérées ou non, du processus de vieillissement qui s’enclenche. En effet, pour demeurer autonomes le plus longtemps possible et éviter de vieillir dans les regrets, parfois l’amertume, il est essentiel, à mon avis, qu’ils se ménagent aussi du temps pour se maintenir en santé physique, mentale et intellectuelle, et pour se rapprocher de ceux et de celles qui comptent pour eux. 

Pourquoi travailler ? Pour certains, il s’agit de la passion pour leur métier restée intacte, du désir de rester actifs intellectuellement, d’apprendre et de se perfectionner encore, de continuer à mettre leurs connaissances, leurs compétences, leur créativité et leurs valeurs au service des autres et de continuer à relever des défis. Dans ce cas, travailler est un moyen de continuer à donner un sens à leur vie. D’autres cherchent surtout à maintenir leur statut social et leur niveau de vie aisé, quitte à accepter encore les concessions et les sacrifices que cela impose.  

Il y aussi les compulsifs du boulot, incapables de décrocher de leur ancienne profession, qui s’étourdissent ainsi dans l’action pour masquer leur mal de vivre, leur solitude ou parce qu’ils ne savent pas quoi faire d’autre. Ils auraient pourtant intérêt à ralentir un peu le rythme et à rectifier le tir pendant qu’ils le peuvent encore. Le lâcher-prise et le bonheur, ça s’apprend aussi! La retraite est le moment parfait pour s’y entraîner. 

La majorité des retraités ne travaillent pas parce qu’ils croient qu’ils payeront des impôts supplémentaires ou perdront une part de leur rente de retraite.
Et puis, il y a ceux et celles pour qui la cohabitation avec leur partenaire de vie est devenue difficile. Ils n’ont plus vraiment d’intérêts communs ou ne se sentent pas vraiment accueillis chez eux. Il vaut mieux alors continuer à travailler, même si cela ne les enchante guère. D’autres ont l’impression que s’ils restent chez eux à ne rien faire leurs enfants, leurs petits-enfants et même leur partenaire de vie les estimeront beaucoup moins.  

Pendant mes conférences, j’entends souvent aussi que plusieurs nouveaux retraités aimeraient travailler pour se gâter et voyager, pour aider leurs enfants et leurs petits-enfants ou pour se constituer un fonds de réserve en cas de maladie, afin de se faire soigner plus rapidement. La majorité des retraités ne travaillent pas parce qu’ils croient qu’ils payeront des impôts supplémentaires ou perdront une part de leur rente de retraite.

Encourager les retraités à travailler jusqu’à 75 ans?

Sur le plan collectif, le maintien des retraités au travail jusqu’à 75 ans pourrait ralentir le déclin économique annoncé pour 2030 avec le départ massif des baby-boomers à la retraite. Pour les attirer, les gouvernements auraient donc intérêt à consentir quelques efforts supplémentaires pour rendre le travail fiscalement plus attrayant. On trouvera d’ailleurs quelques stratégies dans cet article de La presse canadienne du 21 décembre 2021, trouvé sur le site de Radio Canada, intitulé « Travailler jusqu’à 75 ans : une solution au vieillissement de la population  ». On y apprend notamment que si au Québec, le taux d’activité des 60-64 ans était alors de 52 %, il était de 57 % en Ontario, de 71 % au Japon et de 74 % en Suède. 

Je termine avec cette phrase tirée du livre Une brève éternité (Grasset, 2019, p. 42), de Pascal Bruckner, que je rapporte souvent dans mes conférences pour inciter les participants à demeurer actifs à la retraite. 

La constitution de toute une classe d’âge en classe de loisir, renfermée sur le seul consumérisme, est une catastrophe, réalisée au nom des meilleures intentions, dans nos sociétés, après la Seconde Guerre mondiale. […] : garder ou retrouver une activité, c’est replacer les personnes dans le lien, dans le service aux autres, en refaire des acteurs au plein sens du terme. C’est en finir avec le préjugé des ainés comme classe parasite dont on attend avec impatience qu’ils s’éclipsent pour laisser la place aux plus verts. 

À suivre. Les retraités au travail : une mine d’or aux cheveux d’argent et aux multiples compétences. 

*Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.  

Docteure en sciences de l’éducation, Marie-Paule Dessaint est auteure de 15 livres consacrés au bien vieillir, à la crise du milieu de la vie et à l’entretien de la mémoire.
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Docteure en sciences de l’éducation, Marie-Paule Dessaint est auteure de 15 livres consacrés au bien vieillir, à la crise du milieu de la vie et à l’entretien de la mémoire.