Nombre de recruteurs embauchent presque exclusivement des jeunes. Et pourtant, les neurosciences montrent que les cellules grises âgées ne travaillent pas forcément moins bien et feraient même mieux dans certains cas.
Cette citation, extraite de l’article « Le retour des séniors » du magazine Cerveau & Psycho de mai-juin 2006 (no 15) par Michael Falkenstein et Sascha Sommer, des chercheurs de l’Institut de physiologie de Dortmund, en Allemagne, montre à quel point les préjugés et les clichés sont tenaces lorsqu’il est question de recruter des travailleurs âgés, même dans la cinquantaine. Dans la foulée, les auteurs ajoutent : On préfère un jeune de 25 ans sorti d’une école d’ingénieur, vif et malléable, à un vieux aux idées arrêtées, à la cervelle lente et au rendement affaibli.
Bien sûr, depuis ce temps, les mentalités ont évolué à propos des compétences des travailleurs plus âgés. Aujourd’hui, ils sont d’ailleurs de plus en plus recherchés en raison de la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs, même si la pandémie de COVID-19 a ravivé le fléau de l’âgisme, avec notamment d’horribles mots-clics comme #BoomerRemover.
Quels emplois pour les séniors?
Les nouveaux emplois exigeront une palette spécifique où le savoir-faire technologique, la capacité à résoudre des problèmes et l’esprit critique devront s’accompagner d’aptitudes liées au savoir-être, comme la persévérance, la collaboration et l’empathie. – Jim Yong Kim
Le site randstad.ca a établi une liste des emplois les plus recherchés en 2022 ainsi que des compétences attendues des travailleurs. Pour ma part, j’ai publié sur mon site web cet article intitulé « Dix compétences essentielles pour les travailleurs en 2025? » J’y ai aussi répertorié les principaux emplois qui risquent de disparaitre, alors que 52 % des tâches devraient être robotisées, ainsi que les compétences menacées. J’ai tiré ces informations des rapports de 2018 et 2020 du Forum économique mondial. Parmi les compétences essentielles, on trouve notamment la pensée critique et l’analyse, la capacité à apprendre, la créativité et l’esprit d’initiative, l’intelligence émotionnelle et l’empathie.
L’intelligence fluide des uns et l’intelligence cristallisée des autres
Le passage qui suit est tiré de mon livre Le cerveau. Comment entretenir votre mémoire et votre intelligence, p. 199 à 200.
« L’intelligence fluide est l’intelligence des jeunes. Elle regroupe les capacités de raisonnement et de logique : la réflexion pure. En voici les principales : la formulation de concepts, le raisonnement, la compréhension des relations entre les objets et les idées, ainsi que les capacités de résoudre des problèmes, de réagir et de s’adapter rapidement aux situations inédites, de passer rapidement d’une tâche à l’autre, de s’orienter facilement dans un endroit inconnu ou encore de traiter plusieurs informations en même temps.
L’intelligence fluide est innée et ne dépend pas de l’apprentissage, des connaissances acquises ou de la culture d’une personne. Elle s’érode au cours du vieillissement alors que l’intelligence cristallisée prend peu à peu la relève afin de compenser notamment la perte de rapidité.
L’intelligence cristallisée s’acquiert, grâce à l’intelligence fluide, par l’accumulation de connaissances, de capacités, d’expériences et de stratégies personnelles qui permettent de se débrouiller en (presque) toutes circonstances. La compréhension, le langage, la richesse du vocabulaire et les capacités de lecture se trouvent également au cœur de l’intelligence cristallisée qui s’accroît tout au long de la vie et se maintient assez bien malgré le vieillissement. Le jugement devient aussi plus nuancé et aiguisé et les priorités sont mieux cernées. »
Les retraités au travail : des plus et des moins?
En plus des compétences énoncées plus haut, il est reconnu qu’au travail, la majorité des retraités ont un bon sens des responsabilités et de l’engagement. Ils sont efficaces, disponibles, consciencieux, persévérants et fidèles à leur entreprise, qui peut compter sur eux en cas d’urgence ou d’échéanciers serrés. Ils sont patients avec leurs clients et comprennent bien leurs besoins. Ils peuvent aussi devenir de bons mentors pour les jeunes employés qui manquent d’expérience et commettent parfois des erreurs en voulant accomplir une tâche trop rapidement sans l’analyser en profondeur. Certains professionnels ont aussi tissé un réseau de contacts et de références dans leur domaine, un atout de taille pour l’employeur.
Bien sûr, on peut objecter que certains travailleurs âgés s’adaptent moins bien au changement, ne maîtrisent pas toujours bien les outils informatiques, prennent un peu plus de temps pour acquérir de nouvelles connaissances et compétences, sont plus rigides et moins dynamiques, préfèrent travailler avec des collègues de leur âge et s’attendent à un minimum de politesse et de savoir-vivre à leur égard.
Les employeurs espèrent d’ailleurs qu’ils soient non seulement parfaitement compétents dans leur domaine, mais aussi dynamiques, créatifs, motivés, flexibles, sociables (esprit d’équipe), capables de s’adapter rapidement aux changements, mais aussi en bonne santé physique et psychologique et démontrant des aptitudes au-dessus de la moyenne, notamment lorsqu’ils doivent accomplir des tâches manuelles.
Lorsqu’un travailleur âgé n’est pas choisi, ce n’est pas toujours parce qu’il ne satisfait pas à tous ces critères, mais plutôt parce que l’employeur cherche à équilibrer la pyramide des âges dans son entreprise ou encore parce qu’il ne veut pas lui offrir une formation de mise à jour ou lui accorder le salaire qu’il exige.
* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.
Pour aller plus loin…
Vous pouvez lire cet article « Des idées d’activités de retraite rémunérées, à temps partiel ou à temps complet, classées selon le code Holland ( RIASEC) » sur mon site à https://mariepauledessaint.com.
