Depuis la pandémie, le télétravail a beaucoup progressé; au plus fort de la crise sanitaire, il y avait environ 40 % de télétravailleurs au Québec et au Canada, avec un recul autour de 30 % aujourd’hui.
Le télétravail est défini comme un travail réalisé hors du lieu de travail habituel, mais connecté à celui-ci par des moyens de communication.
Les jeunes, hommes et femmes, ont moins la possibilité de télétravailler que les plus âgés, et cela s’explique par leur forte présence dans les emplois associés à la restauration, l’hôtellerie et au commerce de détail. Cependant, dans les TI, de plus en plus d’employés y ont accès, et c’est même devenu une demande à laquelle les employeurs doivent répondre positivement pour pouvoir recruter, surtout en contexte de pénurie de main-d’œuvre.
Alors que les femmes peuvent être davantage à risque de contracter la COVID, et maintenant la grippe, puisque surreprésentées dans les métiers de proximité et de soins (éducatrice en service de garde, enseignante, infirmière, et autres professions de la santé), les données de Statistique Canada montrent qu’elles ont globalement un peu plus accès au télétravail, ce qui peut protéger celles travaillant dans les administrations publiques et les assurances, ou comme employées de bureau. Les femmes de 35 à 54 ans présentent des taux de télétravail d’environ 15 points de pourcentage de plus que les hommes; c’est dans ce groupe d’âge que l’écart est le plus important. Comme il y a une partie de ce groupe d’âge où les femmes ont des enfants, cela peut présenter un risque pour l’égalité hommes-femmes.
En effet, si le télétravail peut parfois permettre de mieux concilier emploi et famille, cela peut induire des risques pour les femmes sur le plan de la progression de carrière, en raison d’une possible plus grande « invisibilité » en milieu de travail, d’une diminution de leur présence dans les réseaux sociaux de l’organisation, ou encore d’une exclusion de ces réseaux, notamment les réseaux d’influence masculins (Tremblay, 2022). Ce risque d’invisibilisation vaut aussi pour les personnes de groupes ethniques minoritaires ou encore de personnes à mobilité réduite, surtout si elles sont à plein temps ou la majorité du temps à domicile.
Cela nous amène à conclure sur les risques que peut présenter le télétravail pour les femmes en particulier, mais aussi pour les autres groupes sous-représentés dans les organisations.
Dans un contexte où l’on accorde de plus en plus d’importance aux questions de diversité et d’inclusion, il faudra certes suivre l’évolution de ces risques et enjeux au cours des prochaines années, car le télétravail semble bien ici pour rester.
Déjà les enquêtes montrent que nombre de salariés souhaitent continuer le télétravail, même si ce serait plutôt à temps partiel (2 ou 3 jours par semaine) et non à plein temps, donc en format hybride. Les données de Statistique Canada indiquent que seulement 15 % des personnes veulent travailler à plein temps à domicile et 10 % au bureau à plein temps, la majorité se situant vers le moitié-moitié ou un peu plus (3-4 jours). Il faudra donc voir à l’avenir si les avantages en matière de conciliation (Tremblay et Mathieu, 2021) et de réduction de temps de déplacement l’emportent sur les risques de carrière associés à l’absence au bureau et la possible exclusion des réseaux d’influence et de promotion pour les femmes et les groupes sous-représentés.
* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre
Bibliographie
Mathieu, Sophie et Tremblay, Diane-Gabrielle, 2021, « L’effet paradoxal de la pandémie sur la conciliation emploi-famille : le cas du Québec ». Interventions économiques, no spécial COVID et travail. Printemps 2021.
Tremblay, D.-G., 2022. « Les enjeux et risques du télétravail pour les femmes au Canada et au Québec ». Travail, genre et société. No 48, p. 157-161.
Tremblay, D.G., 2020. « Le télétravail et le cotravail (coworking) : enjeux socioterritoriaux dans la foulée de la pandémie de COVID-19 ». Organisations et Territoires, 29(2), 159-162.
Tremblay, Diane-Gabrielle, 2019. Conciliation emploi-famille et temps sociaux. (4e édition) Québec: Presses de l’Université du Québec.
Tremblay, Diane-Gabrielle et Elmustapha Najem (2010). « Le télétravail : qui le pratique et pourquoi? » Revue Gestion. Vol. 35, no 1. Pages 108-116.
Université Téluq, 2021, « Le télétravail, enjeux et défis ».
Diane-Gabrielle Tremblay est professeure à l’École des sciences administratives à l’Université Téluq (Université du Québec) et responsable de la concentration en gestion des ressources humaines du baccalauréat en Administration. Elle a également été professeure invitée dans plusieurs universités du monde.
Diane est aussi directrice de l’ARUC sur la gestion des âges et des temps sociaux. Elle a été titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les enjeux socio-organisationnels de l’économie du savoir de 2002 à 2016. En reconnaissance de la qualité et du rayonnement de ses recherches et enseignements, elle a été admise au Cercle d’excellence de l’Université du Québec en 2021 et comme membre de la Société royale du Canada en 2022.
Titulaire d’un doctorat en économie du travail et des ressources humaines de l’Université de Paris I, Panthéon-Sorbonne, elle mène des recherches sur la conciliation emploi-famille, le temps de travail, le télétravail, le cotravail (coworking) et l’organisation du travail. Elle fait aussi de la consultation, de la formation et de l’animation dans ces divers domaines.
Diane-Gabrielle Tremblay est professeure à l’École des sciences administratives à l’Université Téluq (Université du Québec) et responsable de la concentration en gestion des ressources humaines du baccalauréat en Administration. Elle a également été professeure invitée dans plusieurs universités du monde.
Diane est aussi directrice de l’ARUC sur la gestion des âges et des temps sociaux. Elle a été titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les enjeux socio-organisationnels de l’économie du savoir de 2002 à 2016. En reconnaissance de la qualité et du rayonnement de ses recherches et enseignements, elle a été admise au Cercle d’excellence de l’Université du Québec en 2021 et comme membre de la Société royale du Canada en 2022.
Titulaire d’un doctorat en économie du travail et des ressources humaines de l’Université de Paris I, Panthéon-Sorbonne, elle mène des recherches sur la conciliation emploi-famille, le temps de travail, le télétravail, le cotravail (coworking) et l’organisation du travail. Elle fait aussi de la consultation, de la formation et de l’animation dans ces divers domaines.