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Au Canada, on estime qu’environ une personne sur quatre âgée de 15 ans et plus (7,8 millions de personnes) est considérée comme proche aidante[1]. Au Québec, en 2020, on évaluait ce nombre à 1,5 million de proches aidants[2].
Les proches aidants fournissent des soins à un proche malade, handicapé ou vieillissant, sur une base régulière et sans rémunération. Ces activités comprennent de l’aide pour les tâches domestiques (lessive, repas, épicerie), le transport et la mobilité (mettre au lit, marcher, etc.) et pour les tâches de soins personnels (laver, accompagner aux toilettes, habiller et nourrir), sans compter les tâches administratives, de gestion financière, parfois l’entretien du logement et la gestion de rendez-vous médicaux.
Nous avons réalisé un projet de recherche qui a permis de déterminer la disponibilité, l’accessibilité et l’efficacité des mesures de soutien aux employés proches aidants dans les entreprises, du point de vue des gestionnaires. Les répondants étaient des membres de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés du Québec qui ont répondu à un questionnaire entre novembre 2019 et mars 2020, puis à un deuxième sondage, durant la pandémie, entre janvier et avril 2021. Nous avons reçu 122 réponses au premier sondage et 46 au deuxième. Nous avons aussi mené huit entrevues semi-dirigées avec gestionnaires.
Nous présentons ici quelques grands constats et renvoyons à d’autres articles pour obtenir plus de détails.
En comparaison avec une autre enquête semblable que nous avions menée en 2019, une plus forte proportion d’employeurs avait eu connaissance d’employés avec responsabilités d’aide en 2021. Bien qu’étant toujours jugées moins importantes que les responsabilités parentales, les responsabilités de soin ont pris plus de place qu’auparavant.
On observe aussi une amélioration dans l’offre de congés pour proches aidants. L’offre de congé de compassion sans solde et à paie complète était plus élevée en 2021 qu’en 2019, avec 59 % contre 40 %, et 13 % contre 4 % respectivement. Par ailleurs, il était également plus fréquent de pouvoir s’absenter ou de mettre du temps en banque pour un futur congé d’aidant (33 % contre 25 %) et de réduire temporairement ses heures de travail pour prendre soin (50 % contre 43 %).
Pour ce qui est de l’offre d’aménagements flexibles du temps et lieu de travail, on note que la seule mesure ayant été davantage offerte durant la pandémie est le télétravail, occasionnel et régulier. Les autres formes d’aménagements étaient moins répandues en 2021 qu’en 2019, mis à part pour le partage de poste où les chiffres sont à peu près équivalents. Nous constatons donc une plus grande offre de télétravail et une réduction des autres formes de flexibilité, notamment celle des horaires.
Cela dit, globalement, les sondages rapportent une augmentation des demandes formulées par les aidants auprès de leur employeur, avec en 2021, 48% des répondants gestionnaires indiquant une augmentation des demandes d’aménagements parmi les employés avec responsabilités de soin au cours de l’année passée, comparativement à une augmentation de 31 % pour l’année 2019. Ainsi, les employeurs tendent à faire face à de plus nombreuses demandes de soutien de la part d’employés proches aidants et la pandémie semble avoir accentué cette tendance. C’est donc ici un enjeu majeur en matière d’emploi pour les prochaines années, avec le vieillissement de la main-d’œuvre.
Si la pandémie a permis certains gains sur le plan de la conciliation emploi-famille, grâce au télétravail, notre recherche suggère que les proches aidants sont plus susceptibles de voir leur conflit accentué malgré ou peut-être en raison de la possibilité de travailler à domicile, la frontière entre le travail et la famille étant parfois plus brouillée.
C’est donc un enjeu majeur en termes de travail gratuit, et ce, d’autant plus que la majorité des proches aidants canadiens combinent leur activité de soins avec un emploi rémunéré.
* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.
Article publié pour la première fois le 21 août 2023.
Références
Nogues, S. et D.-G. Tremblay (2022). « Managers’ views about employed carers’ well-being: A qualitative study in Quebec. » In Well-Being, Space and Society.
Managers’ views about employed carers’ well-being: A qualitative study in Quebec – ScienceDirect
Nogues, S. et Tremblay, D.-G. (2021). « Les configurations d’aide répondent-elles aux besoins de soutien des aidants principaux? » dans Gérontologie et société. Vol. 2021, no 164. https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe.htm
Tremblay, D.-G. et S. Nogues (2019). « À l’aide! Les proches aidants sont épuisés et nous en payons tous le prix! » dans The Conversation.
Tremblay, Diane-Gabrielle, Maryse Larivière et Donna Lero (2013). « La conciliation emploi-famille-soins : quel soutien des entreprises pour les proches aidants? » Note de recherche n°3 2013-05 de l’ARUC sur la gestion des âges et temps sociaux, accessible en ligne : http://benhur.teluq.uquebec.ca/SPIP/aruc/spip.php?article13
[1] https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/200108/dq200108a-fra.htm
[2] https://www.quebec.ca/famille-et-soutien-aux-personnes/personne-proche-aidante
Diane-Gabrielle Tremblay est professeure à l’École des sciences administratives à l’Université Téluq (Université du Québec) et responsable de la concentration en gestion des ressources humaines du baccalauréat en Administration. Elle a également été professeure invitée dans plusieurs universités du monde.
Diane est aussi directrice de l’ARUC sur la gestion des âges et des temps sociaux. Elle a été titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les enjeux socio-organisationnels de l’économie du savoir de 2002 à 2016. En reconnaissance de la qualité et du rayonnement de ses recherches et enseignements, elle a été admise au Cercle d’excellence de l’Université du Québec en 2021 et comme membre de la Société royale du Canada en 2022.
Titulaire d’un doctorat en économie du travail et des ressources humaines de l’Université de Paris I, Panthéon-Sorbonne, elle mène des recherches sur la conciliation emploi-famille, le temps de travail, le télétravail, le cotravail (coworking) et l’organisation du travail. Elle fait aussi de la consultation, de la formation et de l’animation dans ces divers domaines.
Diane-Gabrielle Tremblay est professeure à l’École des sciences administratives à l’Université Téluq (Université du Québec) et responsable de la concentration en gestion des ressources humaines du baccalauréat en Administration. Elle a également été professeure invitée dans plusieurs universités du monde.
Diane est aussi directrice de l’ARUC sur la gestion des âges et des temps sociaux. Elle a été titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les enjeux socio-organisationnels de l’économie du savoir de 2002 à 2016. En reconnaissance de la qualité et du rayonnement de ses recherches et enseignements, elle a été admise au Cercle d’excellence de l’Université du Québec en 2021 et comme membre de la Société royale du Canada en 2022.
Titulaire d’un doctorat en économie du travail et des ressources humaines de l’Université de Paris I, Panthéon-Sorbonne, elle mène des recherches sur la conciliation emploi-famille, le temps de travail, le télétravail, le cotravail (coworking) et l’organisation du travail. Elle fait aussi de la consultation, de la formation et de l’animation dans ces divers domaines.
