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Une entreprise avait pignon sur rue à Montréal. Le gérant avait travaillé fort pour trouver l’équilibre entre huile et sable ainsi qu’un bon usage de ces deux leviers organisationnels. Voyons l’huile et le sable comme les images de deux leviers complémentaires. Vint le temps pour les employés de demander une réduction de leur temps de travail, mais le gérant les congédiait illico. Pas moyen d’avoir une goutte d’huile! Il a renvoyé ses employés les plus dévoués. Il parlait de pénurie de main-d’œuvre. Les autres employés, en surcharge et connaissant leur sort s’ils demandaient une réduction de leur temps de travail, ont quitté l’entreprise. Car sans huile pour eux, point de santé! Et avec trop d’huile pour eux, point de travail! L’entreprise a mis la clé sur la porte. Il n’y avait plus que du sable inerte. Il y avait une structure. Il y avait des murs. Il y avait des équipements. Par contre, il n’y avait plus un seul employé à bord.
La goutte d’huile se réfère à l’action, à la vitesse, à l’excitation, aux défis, à la concrétisation des projets, à l’obtention des résultats, mais aussi au statut.
Voyez sa force dans sa puissance de travail et son désir de bien réaliser le travail. Si elle pouvait parler, elle dirait que ses performances ont deux objectifs : prendre du plaisir et renvoyer à autrui une belle image d’elle-même. Son estime de soi repose sur l’utilité, l’efficacité et la performance, et celles perçues par les autres. L’angoisse de performance, elle ne connaît pas. Elle vit plutôt une jubilation de performance. Cette jubilation peut aller jusqu’à l’aveugler. Elle n’a pas le temps de réfléchir aux questions de pouvoir, de proximité et de sens.
Elle permet à son organisation de continuer avec moins de ressources. Elle optimise l’organisation à moindres frais à court terme. Elle est attendue pour faciliter le mouvement. D’ailleurs, les éléments autour d’elle apprécient son efficacité, mais ils craignent sa froideur. En effet, son entourage doit constamment s’adapter à un fonctionnement qui va de plus en plus vite, qui exige de plus en plus de résultats avec de moins en moins de ressources. Ces éléments souffrent aussi de son incapacité à établir une relation d’aide et à soutenir les autres. Selon où, quand, comment, pourquoi, en quelle quantité et par qui l’huile est injectée ou pas dans l’organisation, la goutte d’huile et le grain de sable coopèrent, s’évitent ou se confrontent. Incarnée en subordonnée ou en gestionnaire, l’huile peut payer et faire payer le prix de sa nature froide.
Le grain de sable est la partie la plus visible de l’organisation. Pourtant il semble devenir visible aux yeux du gérant quand l’activité est trop tendue, trop difficile, grippée, voire quand elle s’est arrêtée. Il semble apparaître lorsqu’il fait un malaise et n’arrive plus à fonctionner. Pour qui sait être attentif aux signaux faibles et observer ces signes avant-coureurs, le grain de sable était déjà fébrile avant l’arrêt de l’activité. Le grain de sable est celui qui réalise le travail au quotidien et rend service jour après jour sur le terrain. Le grain de sable se réfère au prendre soin, au service d’autrui, à la proximité, au sentiment d’utilité, à la bonne foi, à l’apprentissage. Pourtant, s’il pouvait parler, le grain de sable dirait que lorsqu’il se montre tel qu’il est, chaleureux et solide, il n’a pas l’impression d’avoir une très bonne réputation au sein des organisations ni aux yeux de la gouvernance. Pourtant, sa présence incarnée, ses valeurs humaines, son souci du travail bien fait, sa réflexion, sa créativité, ses compétences techniques et relationnelles apportent du sens, de la solidité à l’organisation et de la souplesse à son fonctionnement. Sa nature d’aidant ou de service apporte du corps, de l’épaisseur et de la convivialité à l’organisation. Bien que de plus en plus de tâches se virtualisent, il est le fonctionnement réel auprès des clients. Le grain de sable apporte de l’authenticité et du bon sens dans son métier. Il soutient les êtres humains et son organisation grâce à la goutte d’huile qu’il sait mettre à sa juste place. Bien que sa texture, pour ne pas dire sa « rugosité », soit remise en question par l’huile, il reste solide, chaleureux et en bonne estime de lui-même. Mais quand l’organisation se fige ou va froidement trop loin, trop vite, trop fort, il se grippe et grippe le fonctionnement. Pourtant, le grain de sable peut indiquer à la goutte où il serait utile d’injecter une huile douce et d’autres belles valeurs.
Mais la goutte d’huile n’a pas vraiment d’état d’âme. Tant que ça avance, elle glisse. La goutte d’huile a donc son utilité, mais avec une sérieuse limite sur le plan humain : elle manque d’altruisme. Les humains peuvent glisser sur elle et être blessés. Le grain de sable aussi a une limite. Sans la juste quantité d’huile dans son organisation, le grain de sable ne peut pas travailler de façon décente. Et s’il n’y a pas d’huile, il se durcit. Alors les clients peuvent être blessés par la dureté du grain de sable. Lorsque le grain de sable est subordonné ou gestionnaire, sans huile ou avec beaucoup trop d’huile dans le fonctionnement, il peut nuire à la santé des personnes et des organisations.
Pour son nouveau projet professionnel, le gérant de cette feue entreprise montréalaise pourrait s’offrir en cadeau, si ce n’est les services d’un C.C.O.*, au moins une amorce d’état d’esprit de carrière ou de C.C.O. Il pourrait ainsi se donner la chance de déterminer et de maintenir une dynamique d’équilibre entre besoins d’huile et de sable des employés et de l’organisation.
*Conseiller d’Orientation Organisationnel
Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.
