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Ce troisième d’une série de cinq présente des contenus qui proviennent d’un ouvrage collectif, L’accompagnement visant l’intégration des personnes réfugiées faiblement scolarisées. Rédigé par un comité composé de trois professeures (Bengaly M., Goyer L., Dionne P.) et deux c.o. candidates au doctorat (Morissette J., Gourde A.), le projet à l’origine de cet ouvrage a été financé par le CERIC (ci-après nommé «le guide»).
Intervenir auprès des personnes réfugiées faiblement scolarisées demande de comprendre les bases de nos cultures respectives et de connaitre l’environnement dans lequel s’est construit le monde de chacun. Pour les personnes conseillères, il est important de rester vigilantes devant une lecture ethnocentrique d’une situation interculturelle (Cohen-Emérique, 2015) et devant les stéréotypes qui suscitent une interprétation inadéquate des comportements de la personne réfugiée. La compréhension des cultures aide aussi les conseillers et conseillères à comprendre leurs propres déterminants culturels et l’impact que ceux-ci peuvent avoir sur leur perception de l’autre. Dans ce troisième article, nous aborderons quelques repères théoriques trouvés dans l’ouvrage collectif de Morissette et al. (2024) et disponible sur le site du CERIC.
Premièrement, dans le modèle d’Hofstede et al. (2010), nous retrouvons la dimension individualisme/collectivisme faisant référence à l’intégration de l’individu dans sa collectivité. Dans une société à tendance individualiste, les gens se décrivent comme indépendants, leurs choix se font davantage selon leur intérêt individuel. Dans une société à tendance collectiviste, les personnes connaissent leur rôle dans la vie qui est davantage déterminé socialement. Elles accordent une grande importance à maintenir l’harmonie du groupe. À cet effet, Dionne et al. (2022b) soulignent que pour l’intervention auprès des personnes réfugiées faiblement scolarisées, le groupe permet de récréer une communauté où le soutien apporté par les conseillers et conseillères et les personnes réfugiées participantes entre elles, favorise l’entraide, la valeur et la confiance en ses capacités et en l’atteinte de ses objectifs. En revanche, puisque le « nous » est dominant dans cette culture, les personnes réfugiées peuvent être moins familières avec les exercices écrits d’introspection qui se définissent à partir du « je ».
Le fait d’apprendre ensemble par l’expérience, la discussion ou à partir de situations authentiques favorise davantage les apprentissages sur le plan de la compréhension de soi et du métier.
Deuxièmement, la distance hiérarchique ou le rapport à l’autorité représente une autre dimension de Hofstede et al. (2010). Elle se définit comme la répartition du pouvoir attendue et acceptée par les individus dans une société. Il y a une faible distance hiérarchique lorsque la relation avec l’autorité est horizontale, particulièrement dans les pays individualistes, comparativement à une forte distance hiérarchique, à une autorité plus verticale, dans les sociétés collectivistes (Hofstede, 1994, Agodzo, 2014). À cet effet, les personnes réfugiées peuvent percevoir le conseiller ou la conseillère comme une personne experte détenant un pouvoir formel. Cela peut les amener à lui remettre le pouvoir de choisir en pensant que celle-ci connait la réponse à leurs besoins. Il est recommandé d’apprendre graduellement aux personnes réfugiées – par exemple, en favorisant l’expression des opinions et l’affirmation par rapport aux propositions des conseillers et conseillères – à reconnaitre leur pouvoir d’agir et leur liberté dans la prise de décision.
Troisièmement, la dimension « masculinité/féminité » ou les rôles sociaux de genre, permet de comprendre que certaines valeurs culturelles et religieuses associées au patriarcat (Castro Zavala, 2013) peuvent être observées chez plusieurs. Ces valeurs ont un impact sur la répartition des charges domestiques et peuvent constituer un obstacle supplémentaire à l’ISP, notamment pour les femmes. Dans certaines cultures, dont celle de la société d’accueil dans certains contextes, une plus grande importance est accordée à la parole des hommes au détriment de celle des femmes. Il est primordial de reconnaitre ces situations, qui amènent le conseiller ou la conseillère à composer avec ses propres valeurs culturelles et celles de l’autre. Il est recommandé de reconnaitre les valeurs liées aux rôles sociaux de genre et d’expliquer la valeur de l’égalité homme-femme de la société d’accueil dans un but de sensibiliser et de donner un sens au cadre qu’on souhaite installer dans les rencontres; par exemple accorder une place égale à la parole des uns et des autres dans un groupe sans distinction de genre. Il est aussi pertinent de discuter de la répartition des tâches domestiques, de la présence auprès des enfants dans un contexte où les deux parents ont des emplois à temps plein. Ainsi, en faisant le lien avec la valeur de l’égalité homme-femme, les personnes réfugiées peuvent mieux comprendre comment cette valeur se manifeste dans la société et graduellement trouver un sens pour elles-mêmes. Le conseiller ou la conseillère ne devrait pas perdre de vue qu’on « ne rencontre pas une culture, mais des individus et des groupes qui mettent en scène une culture » (Cohen-Émérique, 1993, p. 72).
Finalement, pour mieux comprendre les différences culturelles, Hall (1976), a étudié deux dimensions : l’une temporelle et l’autre contextuelle. Concernant le rapport au temps, Hall (1976) le définit selon deux perspectives : la culture monochronique, qui signifie que le temps est réparti et que les activités se font une à la fois (temps pour la vie privée et temps pour la vie publique); à l’inverse, il y a la culture polychronique, où le temps peut contenir plusieurs activités simultanées. Brown (2007) mentionne que les personnes de culture polychronique ont tendance à vivre dans le moment présent et que les relations représentent l’aspect dominant dans leur quotidien. Elles peuvent avoir de la difficulté à se projeter dans le futur, car elles considèrent avoir peu de contrôle sur l’avenir.
Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.
Agodzo, D. (2014). Six Approaches to Understanding National Cultures: An Overview of Hofstede’s Dimensional Paradigm. Université Spring Arbor.
Brown, D. (2007). Career information, career counseling, and career development (9e éd.). New York: Allyn & Bacon.
Castro Zavala, S. (2013). « Politiques d’immigration: femmes et violence conjugale dans le contexte québécois ». Violence conjugale et diversité culturelle, 3(2) 97-109. https://doi.org/10.7202/1077524ar
Cohen-Émérique, M. (2015). 6. « Les ethnocentrismes et leurs origines : enculturation, socialisation et professionnalisation ». Dans M. Cohen-Émérique (dir.), Pour une approche interculturelle en travail social : Théories et pratiques (pp. 103-122). Rennes : Presses de l’EHESP.
Cohen-Émérique, M. (1993). « L’approche interculturelle dans le processus d’aide ». Santé mentale au Québec, 18(1), 71-91. https://doi.org/10.7202/032248ar
Dionne, P. Joncas, J-A. et Charrette, J. (2022). « Pratiques de soutien au cours d’un groupe d’intégration sociale et professionnelle : retombées sur les capabilités de personnes réfugiées dans leur parcours d’apprentissages », Nouveaux Cahiers de la recherche en éducation.
Hall, E.T., Hall, M.R. (1990), Understanding cultural differences – Germans, French and Americans. Yarmouth, Maine.
Hall, E. T., & Hatchuel M.-H. (1987). Au-delà de la culture (Ser. Points, 191). Éditions du Seuil.
Hall, E.T. (1976) Beyond culture. Doubleday; Trad. française : 1979, Au-delà de la culture. Éditions du Seuil.
Hofstede, G. Hofstede, G.J. & Minkov, M., (2010). Cultures et Organizations: Software of the mind. McGraw-Hill Professional: Éd. 3.
Hofstede, G. (1994). «The business of international business is culture. International Business» Review, 3(1), 1-14.
Morissette, J., Gourde, A., Goyer, L., Dionne, P. et Bengaly, M. (2024). L’accompagnement visant l’intégration des personnes réfugiées faiblement scolarisées : une perspective interculturelle en orientation. CERIC. https://ceric.ca/fr/publications/laccompagnement-visant-lintegration-des-personnes-refugiees-faiblement-scolarisees-une-perspective-interculturelle-en-orientation/
Rive, J. & Roger, A. (2014). « La communication interculturelle ». Dans U. Mayrhofer (dir.) Les grands auteurs en management international (pp.375-390). EMS Éditions.