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Première partie de deux :
En dépit de sollicitations fréquentes en ce sens, je refuse toujours d’entreprendre une autobiographie, convaincu que ma vie, quoique bien remplie, n’est pas si exceptionnelle. Néanmoins, celles et ceux qui survolent mes billets sur ce blogue depuis un certain temps savent que j’y fais souvent – et de plus en plus souvent – référence à mon vécu tant personnel que professionnel.
Depuis que je suis octogénaire, par ailleurs, j’ai amorcé une série de Devoirs de mémoire à l’intention des êtres qui me sont chers, devoirs portant essentiellement sur des enjeux familiaux et personnels particuliers.
Quant au présent billet, il aborde quelques-unes de mes prises de risque comme éducateur; des risques calculés, mais muent par un désir de remplir pleinement mon mandat, pour ne pas dire ma mission. Si j’ai choisi les prises de risque qui suivent, c’est que la vie m’a permis de constater par la suite leur impact. Ne sachant pas trop dans quel ordre les aborder (chronologique, intensité, etc.), j’ai finalement opté pour un tirage au sort!
Il se peut que certains lecteurs se reconnaissent ici ou là, mais comme les issues sont positives, c’est tout en leur honneur!
Va te coltailler sur le terrain
Étant sur le point de compléter une maitrise de type recherche, une étudiante fort douée insista pour que je lui donne mon avis quant à son désir de poursuivre au doctorat. Dans des échanges antérieurs, elle avait déploré le manque d’exemples concrets à l’intérieur de certains cours, car les chargés et chargées de cours ignoraient totalement les enjeux de sa future profession. Je savais par ailleurs qu’elle avait étudier de la maternelle à la maitrise en continu et à temps plein.
Je lui demandai alors ce qu’elle souhaitait faire une fois ce doctorat terminé. Elle me répondit sans aucune hésitation qu’elle désirait, comme je le faisais, s’investir dans la formation pratique de la relève. Conséquemment, et en dépit des pressions de l’université que nous recevions pour promouvoir les doctorats nouvellement créés, je lui suggérai de quitter l’université et d’aller pendant quelques années sur le terrain travailler dans divers milieux avec diverses clientèles.
C’est ce qu’elle fit et, à maintes reprises par la suite elle me remercia d’avoir pris le risque de lui donner ce judicieux conseil.
Tais-toi, mais touche les gens!
Au cours de ma vie publique, par exemple par mon habillement ou mes modes de déplacement, j’essayais d’être le plus anonyme possible. Un jour, j’optai pour un transport collectif pour me rendre à une réunion. L’autobus venait à peine de s’éloigner du trottoir, qu’un individu alors assis quelques bancs dernières moi s’approcha et, poliment, me demanda s’il pouvait s’assoir à mes côtés. Je lui fis signe que oui et voyant que son visage m’interpellait, il se présenta en disant : « Il y a une quinzaine d’années, je m’étais inscrit à votre practicum en counseling groupal et, à votre suggestion, je l’ai abandonné car vous m’aviez fait part que j’allais résolument vers un échec. »
Voyant que ce verdict chamboulait de fond en comble mon projet de carrière, vous avez pris le temps d’accueillir mon désarroi et ma détresse puis, une fois que je fus conforté, vous avez ajouté : « Dans les groupes, j’ai pu constater que tu manifestes beaucoup de présence physique. Par exemple, si quelqu’un vit une émotion intense, tu lui rapproches la boite de papiers-mouchoirs ou tu lui mets avec tact la main sur l’épaule pour l’encourager. Visiblement, tes gestes sont appréciés et aidants. En revanche, dès que tu ouvres la bouche, tu deviens rapidement moralisateur et ton propos est truffé de projections et de jugements qui, eux, sont loin d’être aidants. Tu es ici dans une formation menant à une pratique professionnelle où de part et d’autre (conseiller-client) le dire est dominant. Cherche une profession où c’est le toucher qui est prioritaire et la parole secondaire. »
« Alors, après quelques semaines à m’apitoyer sur mon sort et à vous détester, j’ai décidé de m’inscrire à une formation en sciences infirmières, et aujourd’hui j’ai la fierté de vous annoncer que suis l’infirmer en chef à Hôpital X. » Et, visiblement ému, il ajouta : « Merci énormément d’avoir pris un tel risque avec moi. Grâce à vous, ma vie est une réussite et je vous en suis reconnaissant »
Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.