Soins communautaires – Une perspective systémique pour composer avec les traumatismes en milieu de travail
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Soins communautaires – Une perspective systémique pour composer avec les traumatismes en milieu de travail

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Pour composer avec les traumatismes en milieu de travail, c’est-à-dire les traumatismes qui surviennent au travail ou les effets de traumatismes qui se font sentir au travail par le biais d’histoires du personnel et des clients, il faut une perspective systémique.

Pour les professionnels de la carrière, que veut dire « adopter une perspective systémique »?  Tout d’abord, nous devons reconnaître que nous faisons partie d’un système. En examinant les éléments qui ont une incidence sur le bien-être des clients, nous commençons souvent par la personne. Nous utilisons des pratiques qui tiennent compte des traumatismes afin de favoriser le bien-être de nos clients. Pour ce faire, nous adoptons des valeurs telles que la sécurité, le sentiment d’importance à l’égard des autres, le sentiment d’appartenance, l’établissement de liens, la transparence et le choix. Dans nos échanges avec nos clients, nous reconnaissons qu’il existe de nombreux facteurs systémiques et structurels qui influent sur ce qu’ils vivent. Nous reconnaissons l’interdépendance de la personne avec la famille, la communauté, les organisations, les bailleurs de fonds et les décideurs.

En tant que professionnels de la carrière, nous faisons partie intégrante de cette interdépendance. Nous sommes, nous aussi, des personnes et faisons partie de systèmes, sur les plans personnel et professionnel.

Et si nous étions tous responsables des systèmes et touchés par ceux-ci? Comment faire le lien entre les interactions individuelles avec nos clients, leur bien-être, notre bien-être et les systèmes dont nous faisons tous partie?

Les traumatismes ne sont pas « externes », mais bien à l’intérieur de nous

La définition d’un traumatisme est « une blessure invisible non guérie causée par un événement ou une série d’événements bouleversants, ou des conditions qui se prolongent et qui sont présentes dans notre corps, notre psyché et notre façon d’entrer en relation avec les autres ». Cette définition illustre que les traumatismes sont les effets ou les répercussions des événements, plutôt que les événements eux-mêmes. C’est pourquoi deux personnes peuvent vivre le même événement traumatique très différemment. Sachez aussi que les traumatismes peuvent être liés à des conditions chroniques, comme la discrimination, les pénuries alimentaires, la négligence psychologique, un salaire inférieur au seuil permettant de mener une vie normale, la pénurie de logements ou une longue pandémie.

Pour mettre en contexte, environ 70 % de la population mondiale a été exposée à un événement traumatisant. Six personnes sur dix ont vécu une ou plusieurs expériences négatives au cours de leur enfance (en anglais, adverse childhood experience ou ACE), qui menacent leur bien-être. Nous savons également que ces chiffres sont plus élevés pour les personnes marginalisées. Bien que toutes les personnes exposées à un événement traumatique n’aient pas reçu un diagnostic de stress post-traumatique, notre compréhension des effets des traumatismes s’accroît, comme le montre la pyramide ACE.

Ce que cela signifie pour notre travail     

Si les traumatismes se logent dans notre système nerveux, alors il nous faut reconnaître que ni nous ni nos clients ne pouvons « les laisser à la porte ».

 

Nos traumatismes nous accompagnent partout et se reflètent dans notre façon d’établir des liens avec les autres et de prendre des décisions. Peut-être n’avons-nous pas conscience d’avoir une blessure non guérie.

Lorsque nous prenons conscience du fait que les conversations sur la carrière s’inscrivent dans le contexte plus large de notre propre vie et de celle de nos clients, d’autres types de conversations deviennent possibles. Par contre, cela ne veut pas dire porter le fardeau dans son intégralité; il ne nous appartient pas, en tant que professionnels, de guérir les effets des traumatismes. Nous nous intéressons plutôt à la manière dont notre travail recoupe les déterminants sociaux de la santé et du bien-être.

Prenons, par exemple, un scénario dans lequel une conversation sur la carrière permet de découvrir des besoins en matière de logement ou de soutien en santé mentale. Dans de nombreuses communautés, qu’elles soient urbaines, rurales ou isolées, autochtones ou non, les réseaux de recommandation sont limités ou inexistants. Il se peut qu’il n’y ait personne vers qui on peut diriger les gens, que l’attente pour accéder à une source de recommandation empêche la prise en charge immédiate, ou qu’un tel accès nécessite que la personne dispose d’un moyen de transport, fasse garder ses enfants ou obtienne du financement. Il est possible que ces éléments ne soient pas disponibles ou qu’ils coûtent trop cher. De plus, tout cela laisse entendre que nous avons le temps et les capacités nécessaires pour mettre en place des réseaux de recommandation. Travailler en tenant compte des traumatismes remet en question l’ensemble du système.

Cela nous mène à reconnaître que des traumatismes sont également présents dans nos systèmes. On les retrouve dans les politiques établies et la manière de les établir, la façon d’établir et de gérer nos organisations, et la nature de notre profession et son évolution. Cela est ancré dans notre identité individuelle et dans ce qui nous a précédés sur les plans intergénérationnel et systémique. Voyez tous les préjugés, entre autres le racisme, la misogynie, le capacitisme, qui ont influé sur les politiques, ainsi que sur la conception des organisations, du travail, des villes et des communautés.

Ce que nous pouvons faire

Lorsque nous prenons conscience de la prévalence des traumatismes dans nos systèmes, nous éprouvons parfois des sentiments d’accablement, de désespoir et de colère. Nous sommes attristés, et nous aimerions de tout cœur que les choses soient différentes. Ensuite, nous nous demandons ce que nous pouvons faire dans l’immédiat avec les plateformes et les privilèges dont nous disposons, les interactions quotidiennes avec nos clients, les réseaux de recommandation et nos interactions avec les collègues.

 


Cet article est le deuxième (de 2) de la série thématique «Trauma et développement de carrière» dans OrientAction. Restez à l’affût sur OrientAction cette semaine pour accéder à une multitude de ressources en lien avec cette thématique ou inscrivez-vous à notre infolettre hebdomadaire OrientAction en bref pour recevoir les publications thématiques.


 

Nous proposons les points de repère suivants pour nos actions :

  • Reconnaître que les traumatismes ne sont pas « externes ». Ils nous habitent, tout un chacun. Nous devons cheminer individuellement pour guérir. Une façon d’y arriver est de faire preuve de curiosité.
  • Commençons à défendre les intérêts dans nos communautés. Ainsi, chacun d’entre nous est responsable du bien-être collectif. Nous intervenons dans les conversations difficiles et embarrassantes au sein de nos communautés en posant des questions qui suscitent des émotions. Nous remettons en question les modèles de financement et le leadership : leurs approches tiennent-elles compte des traumatismes? Reconnaissons-nous collectivement la présence de traumatismes? Nous parlons des traumatismes et des déterminants sociaux de la santé mentale et du bien-être, en mettant en place des réseaux de recommandation qui tiennent compte des traumatismes.
  • Pour ce faire, nous tenons compte des traumatismes, en reconnaissant les actions sur mesure : suffisamment petites pour être réalisables, suffisamment grandes pour être importantes. Nous utilisons aussi des concepts qui tiennent compte des traumatismes, tels que le rythme et l’espacement, pour favoriser la régulation du système nerveux. Ainsi, nous ne nous attendons pas à ce que chaque personne contribue aux soins de la même manière; la contribution sera plutôt fonction des capacités personnelles et professionnelles de chaque personne, et des systèmes utilisés. Cela signifie que les gens ne peuvent pas tous suivre nos programmes au même rythme.
  • Nous reconnaissons que certaines personnes ont besoin de régler leurs problèmes de santé mentale avant de s’atteler à des tâches professionnelles. Ce sont des façons de voir le rythme, l’espacement et les actions sur mesure.

Des parties au tout

Lorsque nous appliquons cette perspective systémique pour tenir compte des traumatismes en contexte de conversation de carrière, nous sommes outillés pour travailler avec toutes les parties du système. Nous ne nous contentons pas de tenir la personne responsable de la gestion de ses propres traumatismes et des traumatismes systémiques.

Au cours de notre webinaire, nous explorerons les concepts suivants : la pensée axée sur les systèmes, le continuum de bien-être, les conversations qui soutiennent les progrès individuels dans les systèmes et les conversations difficiles et embarrassantes.

 

* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre. 

* Cet article est une traduction de l’article original publié par les mêmes autrices, sur le site careerwise.ceric.ca. Les sources ou références nommées sont donc en anglais.

 


Seanna Quressette et Catherine Hajnal. Ph. D., présenteront avec le CERIC une série de webinaires sur les « déterminants sociaux de la santé mentale : avoir des conversations difficiles pour améliorer le bien-être des clients », à partir du 4 avril (en anglais, sous-titres en français générés en direct par l’IA). Pour en savoir plus et pour vous inscrire : ceric.ca/fr/evenements-formation/webinaires.


 

* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.

 

La Dre Catherine Hajnal travaille à faciliter la compréhension des traumatismes, des pertes et des deuils, ainsi que de leur potentiel de transformation. Elle s’est engagée à créer des environnements d’apprentissage qui favorisent une meilleure compréhension de la condition humaine. | Seanna Quressette, M.Éd., CCDP, est une thérapeute spécialisée dans les traumatismes et possède plus de 30 années d’expérience en développement de carrière. Elle vit avec un trouble de stress post-traumatique et souffre d’anxiété. Seanna a enseigné aux intervenants en développement de carrière pendant plus de 20 ans et elle est actuellement membre du corps professoral du Collège Douglas.
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La Dre Catherine Hajnal travaille à faciliter la compréhension des traumatismes, des pertes et des deuils, ainsi que de leur potentiel de transformation. Elle s’est engagée à créer des environnements d’apprentissage qui favorisent une meilleure compréhension de la condition humaine. | Seanna Quressette, M.Éd., CCDP, est une thérapeute spécialisée dans les traumatismes et possède plus de 30 années d’expérience en développement de carrière. Elle vit avec un trouble de stress post-traumatique et souffre d’anxiété. Seanna a enseigné aux intervenants en développement de carrière pendant plus de 20 ans et elle est actuellement membre du corps professoral du Collège Douglas.
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