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Pourquoi travaillez-vous en développement de carrière? Sans vous connaître, nous serions prêtes à spéculer que c’est principalement parce que vous en retirez du plaisir, parce que cela rejoint vos valeurs ou parce qu’il vous tient à cœur d’aider les autres à enrichir leur carrière et leur vie. Cependant, comme tout travail émotionnel, la relation d’aide peut devenir épuisante si nous ne maintenons pas un équilibre entre prendre soin des autres et prendre soin de nous-mêmes. Si cet équilibre est rompu, nous risquons de nous ressentir un débordement, d’éprouver de la rancune envers les personnes que nous aidons et d’avoir envie de tout quitter. Il est donc primordial de préserver cet équilibre, car il assure notre résilience dans notre pratique professionnelle.
Qu’est-ce qu’une limite?
Le Petit Robert définit une limite comme le « point qu’on ne peut dépasser ». Une limite évoque la démarcation psychologique ou physique qui protège l’intégrité d’un individu ou d’un groupe ou qui définit sa participation dans une relation ou une activité (APA Dictionary of Psychology, 2007). Un exemple de limite professionnelle pourrait être de communiquer à nos personnes clientes que nous ne répondons pas aux courriels ni aux appels la fin de semaine, afin de préserver notre temps personnel.
Se ramener en équilibre avec des limites personnelles
Une vie sans limites saines devient chaotique, insatisfaisante et dépourvue de sens. Dans un monde où les frontières physiques sont de plus en plus floues, en particulier en raison des nouvelles technologies et du télétravail, il est essentiel de poser des limites psychologiques. Pensons aux technologies comme les cellulaires et les tablettes qui peuvent nous déranger constamment si nous ne bloquons pas activement les notifications, ou encore à la démarcation de plus en plus floue entre le travail et la vie personnelle, surtout pour les personnes qui font du télétravail (Tawwab, 2021), où l’on peut avoir l’impression de ne jamais vraiment « décrocher » du travail.
Comment établir des limites personnelles
Beaucoup de personnes n’ont pas appris à établir des limites dès leur plus jeune âge. Il est donc normal de ne pas savoir comment s’y prendre. Voici quelques conseils pour commencer à poser des limites claires et saines dans votre vie, tirés de notre livre, Présence attentive et autocompassion au service de la carrière, qui paraîtra en janvier 2025 chez Septembre Éditeur.
1. Réfléchir à ses limites actuelles
Avant de poser de nouvelles limites, il importe de prendre un moment pour réfléchir aux différents domaines de votre vie où des limites sont importantes, soit la famille, le travail, les relations amoureuses, les relations amicales et les technologies. Identifiez les situations où vous avez eu envie de dire non, mais ne l’avez pas fait. Quels domaines nécessitent une meilleure gestion des limites? Dressez une liste des situations où vous voudriez poser de nouvelles limites.
2. Pratiquer l’autocompassion
L’autocompassion, c’est la bienveillance envers soi – c’est d’avoir de la compréhension pour soi lorsqu’on se sent en échec. Cela implique aussi de reconnaître notre humanité commune – c’est-à-dire que nos difficultés ne nous séparent pas des autres, mais font bien partie de l’expérience humaine. L’autocompassion inclut aussi la présence attentive (ou « pleine conscience ») – qui consiste à observer ses pensées, ses sensations et ses émotions, sans jugement de valeur, et leur permettre d’exister, sans s’y attacher (Taylor, 2021).
En pratiquant l’autocompassion, nous apprenons à reconnaître nos besoins réels, ce qui facilite l’établissement de limites.
Par exemple, si vous ressentez de l’épuisement, vous pouvez vous offrir une pause pour ressentir cette fatigue (présence attentive), vous rappeler que nous vivons toutes et tous ces moments (humanité commune) et vous parler de façon aimante (ex. : « c’est OK de prendre une pause de cinq minutes pour respirer ») (bienveillance envers soi). Cela vous permettra de poser une limite en vous rendant indisponible durant certains moments pour éviter de vous sentir constamment épuisé.
3. Dire « non » plus souvent, pour dire « oui » à soi-même
Apprendre à dire non est une des clés pour établir des limites. Avoir des réponses préparées peut être très utile. Voici quelques exemples tirés de notre livre (Taylor et Beaupré, 2025) :
- La phrase « Oui, qu’est-ce que je devrais mettre de côté? » : Posez cette question si une demande de votre supérieure ou supérieur vous empêche de prioriser vos autres tâches. Elle ou il devra ainsi évaluer l’importance de sa demande par rapport à vos autres tâches.
- Mentionner ce que vous êtes prête ou prêt à faire : Cette approche permet de fixer une limite tout en suggérant une alternative. Par exemple, « Tu peux consulter mes notes si tu veux » laisse entendre que vous n’êtes pas disponible pour discuter d’un projet.
- Communiquer une promesse que vous vous êtes faite : Exprimez clairement que vous avez réservé du temps pour vous, comme : « Je ne peux pas accepter ta demande, je me suis promis de ne rien ajouter à mon calendrier aujourd’hui. »
4. Tolérer la culpabilité et l’inconfort
Établir des limites peut être difficile, surtout avec des proches. Il est normal de ressentir de la culpabilité, mais il est important de comprendre que cette culpabilité n’indique pas que vous faites du mal à l’autre, mais que vous êtes en train d’essayer quelque chose de nouveau. En tolérant cette culpabilité, avec autocompassion, vous pouvez avancer dans la mise en place de vos limites, en vous rappelant qu’elles sont nécessaires pour votre bien-être.
5. S’attendre à des réactions négatives de notre entourage
Certaines personnes peuvent réagir négativement lorsqu’on leur pose des limites, surtout si elles ne sont pas habituées à ce que l’on dise non. Il est important de ne pas laisser la peur de ces réactions dicter notre comportement.
Voici quelques stratégies pour gérer ces réactions :
- Réitérez vos limites avec assurance : Si quelqu’un ne respecte pas votre limite, réaffirmez-la calmement.
- Mentionnez l’incident en temps réel : Expliquez que la limite n’a pas été respectée.
- Acceptez que l’autre réagisse : Même si cela peut être décevant, l’autre personne a droit à sa réaction. Ne le prenez pas personnellement.
- Gérer votre inconfort : Il peut être difficile de tolérer les réactions des autres, mais il est important de garder en tête que vous avez le droit de poser des limites.
Les limites représentent un outil indispensable pour préserver notre résilience, tant dans notre pratique professionnelle en développement de carrière que dans notre vie personnelle. Elles demandent du temps, de l’introspection, de l’autocompassion et une certaine tolérance à l’inconfort. Cependant, elles permettent de vivre une vie plus équilibrée, en harmonie avec nos besoins et nos valeurs. En développant des limites saines, nous nous rapprochons d’une vie satisfaisante, qui nous apporte paix intérieure et autodétermination.
Références
Tawwab, N. G. (2021). Set Boundaries, Find Peace: A Guide to Reclaiming Yourself. New York, NY : Tarcher Perigee.
Taylor, G. (16 juin 2021). L’autocompassion : une pratique à adopter pour une carrière plus résiliente [billet de blogue]. OrientAction. Récupéré de https://orientaction.ceric.ca/2021/06/16/lautocompassion-une-pratique-a-adopter-pour-une-carriere-plus-resiliente/
Taylor, G. et Beaupré, G. (2025). Présence attentive et autocompassion au service de la carrière : Moi, ma pratique, ma clientèle. Québec, Québec : Septembre Éditeur.
Ressources pour aller plus loin
- L’Essentialisme : faire moins, mais mieux ! : l’art d’être réellement efficace, de Greg McKeown
- Set Boundaries, Find Peace: A Guide to Reclaiming Yourself, de Nedra Tawab
- Quand le corps dit non, de Gabor Maté, M.D.
- L’autocompassion sans compromis, de Kristin Neff, Ph. D.
- Parents attentifs : un guide pour privilégier l’empathie envers l’enfant… et envers soi, de Dr Becky Kennedy, Ph. D.
Geneviève Taylor et Gabrielle Beaupré animeront : “Beyond Self-care: Building Self-compassion into Your Career Development Practice” au congrès canadien Cannexus25 du CERIC, qui aura lieu en mode hybride (en virtuel et en présentiel) et ce, à Ottawa du 27 au 29 janvier 2025. Pour en savoir davantage et/ou pour vous inscrire : cannexus.ceric.ca
Geneviève Taylor
Geneviève Taylor est professeure en counseling et développement de carrière au département d’éducation et pédagogie à l’Université du Québec à Montréal, ainsi que chercheure au sein du Groupe de recherche et d’intervention sur la présence attentive (GRIPA).
Gabrielle Beaupré
Gabrielle Beaupré, c.o., est conseillère d’orientation et doctorante en éducation à UQAM. Ses travaux de recherche ont pour but d’explorer les facteurs psychologiques qui favorisent les comportements de carrière authentiques et satisfaisants.
Geneviève Taylor
Geneviève Taylor est professeure en counseling et développement de carrière au département d’éducation et pédagogie à l’Université du Québec à Montréal, ainsi que chercheure au sein du Groupe de recherche et d’intervention sur la présence attentive (GRIPA).
Gabrielle Beaupré
Gabrielle Beaupré, c.o., est conseillère d’orientation et doctorante en éducation à UQAM. Ses travaux de recherche ont pour but d’explorer les facteurs psychologiques qui favorisent les comportements de carrière authentiques et satisfaisants.
