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Marché du travail

Cinq ans après : quels défis pour le développement de carrière?

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Il y a cinq ans, la pandémie de COVID-19 bouleversait nos modes de vie et de travail. Les mesures sanitaires, telles que la distanciation sociale, le télétravail et la fermeture de certains secteurs d’activité, ont profondément perturbé l’organisation du travail. Les professionnels et professionnelles du développement de carrière
1 (PPDC) ont vécu doublement ces perturbations : d’abord en accompagnant les travailleurs et travailleuses, ensuite en tant que personnes travailleuses elles-mêmes.  

De 2021 à 2023, un projet de recherche visant à identifier les effets de la pandémie de COVID-19 sur le sens accordé au travail et sur le développement de carrière2 a mis en évidence les transformations du domaine. Le projet de recherche s’est intéressé à la fois au public de PPDC à travers une approche qualitative par groupes de discussion menée en janvier 2022 3, soit au cœur de la pandémie. Les travailleurs et travailleuses ont également fait l’objet d’une recherche, cette fois avec une approche quantitative par questionnaire, au premier trimestre 2023, soit quelques mois avant la fin officielle de pandémie4. Les résultats ont montré que les mesures sanitaires ont alourdi la charge de travail mentale et émotionnelle des PPDC, tout en limitant les ressources pour y faire face. Du côté de la clientèle, la perception du travail a été transformée, notamment chez ceux et celles ayant expérimenté le télétravail ou subi une interruption d’activité. 

Avec cinq années de recul, certaines pratiques adoptées en période de crise se sont pérennisées, comme le télétravail, mais sous des formes plus adaptées au contexte post-pandémie. Cet article fait le point sur la situation actuelle des PPDC en s’appuyant sur les résultats de la grande enquête quinquennale du CERIC, publiée début 2025.

 

Un nouveau paradigme du travail : l’essor du modèle hybride 

Pendant la pandémie, le télétravail s’est imposé par les mesures sanitaires en vigueur. Si cette modalité a nécessité une adaptation des pratiques de conseil, les PPDC interrogés en 2022 appréciaient l’autonomie et l’efficacité qu’elle apportait. Cependant, ceux travaillant entièrement à distance regrettaient un manque d’interactions sociales et de soutien entre collègues. 

Aujourd’hui, le modèle hybride est devenu majoritaire. Un tiers des répondants à l’enquête du CERIC de 2024 indiquent offrir un équilibre entre services virtuels et mode présentiel. Une part importante (18 %) continue de privilégier une approche en face à face, tandis que seuls 3 % a adopté une offre entièrement virtuelle. 

Cette transition traduit une évolution durable des pratiques, conciliant flexibilité et besoin d’interaction sociale.

Toutefois, elle pose des défis en matière de collaboration et de maintien du soutien entre pairs, éléments essentiels à la qualité de l’accompagnement. 


Une clientèle en quête de sens et d’équilibre
 

En 2022, les PPDC constataient une augmentation des demandes axées sur la recherche de sens au travail. Les confinements ont favorisé une remise en question des valeurs et aspirations professionnelles, conduisant de nombreuses personnes à revoir leurs priorités. 

Cette tendance se confirme en 2024 : 83 % des répondants à l’enquête du CERIC accordent une plus grande importance au sens de leur carrière.

Derrière cette quête de sens, l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle s’impose comme une priorité.

Près de 94 % des travailleurs sondés expriment un besoin accru de concilier ces deux sphères. 

Cette évolution influe aussi sur les critères de choix en matière d’emploi. Si 86 % des répondants considèrent la flexibilité du travail comme essentielle, la sécurité de l’emploi demeure la principale préoccupation pour 90 % d’entre eux. Ce dernier point souligne l’impact des licenciements et fermetures d’entreprises vécus durant la crise sanitaire, ainsi que les incertitudes économiques actuelles. 


Une santé mentale toujours fragilisée
 

Dès 2022, les PPDC signalaient une hausse de leur charge de travail, en raison de l’afflux de demandes de réorientation et de la pénurie de main-d’œuvre. Accompagner un public plus vulnérable, tout en s’adaptant à un contexte incertain, avait augmenté leur charge mentale et émotionnelle. Beaucoup rapportaient une fatigue empathique, exacerbée par l’isolement professionnel. 

En 2024, la situation ne s’est guère améliorée. Près de 38 % des PPDC estiment que leur santé mentale est restée fragile ; 33 % jugent qu’elle s’est détériorée. Cette dégradation s’explique par le maintien d’une charge de travail élevée et par la complexité croissante des situations à accompagner. Bien que le retour partiel en présentiel ait rétabli certaines interactions, les moments d’échanges et de soutien entre collègues restent plus rares qu’avant la pandémie.

 

Conclusion : quel avenir pour les PPDC? 

Cinq ans après le début de la pandémie, le domaine du développement de carrière a évolué, entre adoption de nouvelles pratiques de travail et mutations des attentes de la clientèle. Si le modèle hybride s’est imposé, la santé mentale des PPDC demeure un enjeu critique. L’avenir de la profession repose sur un meilleur soutien organisationnel et collectif. Dans un marché du travail incertain, l’adaptabilité et la résilience des PPDC resteront des atouts essentiels pour accompagner les travailleurs vers un avenir professionnel plus épanouissant. 

 

[1] Ce terme regroupe l’ensemble des intervenants et intervenantes du domaine du développement de carrière, telles que les personnes conseillères en emploi, en orientation, en développement de carrière, etc.

[2] https://ceric.ca/fr/projets/limpact-de-la-pandemie-de-covid-19-sur-le-developpement-de-carriere/.

[3] Chevallier, É., Brien, A., & Savard, R. (2024). Expérience des personnes conseillères d’orientation et en employabilité durant la COVID-19: exigences du travail perçues et ressources disponibles. Contexte post-Covid: nouvelles pratiques professionnelles, conciliation des temps de vie et questions d’égalité, 229.

[4] Chevallier, É., Savard, R., Brien, A., Zaniewski, P., & Bernaud, J. L. (2024). Effets de facteurs induits par la pandémie de Covid-19 sur les caractéristiques d’un travail qui a du sens. L’orientation scolaire et professionnelle, 53(1), 115-148.

[5] https://ceric.ca/fr/sondages/sondage-de-2024-aupres-des-specialistes-en-developpement-de-carriere/.

 

* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.    

 

 

Élodie Chevallier, Ph.D. est chercheuse et consultante sur la thématique du sens au travail. Ses activités de recherche portent sur les causes et les processus de perte de sens au travail et leurs influences sur le développement de carrière. Titulaire d’un Ph.D. en éducation, elle est chercheuse associée au CRTD (Centre de Recherche sur le Travail et le Développement) du CNAM à Paris et membre du comité de recherche appliquée et universitaire du CERIC. L’engagement d’Elodie Chevallier va au-delà du domaine académique pour s’appliquer de manière concrète ; elle collabore avec les institutions et les organisations afin de créer des environnements favorisant des carrières porteuses de sens. À travers son activité de conseil, elle met en œuvre les résultats de ses recherches pour améliorer les pratiques de développement de carrière et répondre aux défis et aux opportunités contemporains du monde du travail.
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Élodie Chevallier, Ph.D. est chercheuse et consultante sur la thématique du sens au travail. Ses activités de recherche portent sur les causes et les processus de perte de sens au travail et leurs influences sur le développement de carrière. Titulaire d’un Ph.D. en éducation, elle est chercheuse associée au CRTD (Centre de Recherche sur le Travail et le Développement) du CNAM à Paris et membre du comité de recherche appliquée et universitaire du CERIC. L’engagement d’Elodie Chevallier va au-delà du domaine académique pour s’appliquer de manière concrète ; elle collabore avec les institutions et les organisations afin de créer des environnements favorisant des carrières porteuses de sens. À travers son activité de conseil, elle met en œuvre les résultats de ses recherches pour améliorer les pratiques de développement de carrière et répondre aux défis et aux opportunités contemporains du monde du travail.
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