Le soutien parental fait partie des éléments composant la complexe équation de la réussite scolaire du primaire à l’université.
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Comment les jeunes adultes inscrits en formation professionnelle au Québec perçoivent-ils le soutien de leurs parents?

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Le soutien parental fait partie des éléments composant la complexe équation de la réussite scolaire du primaire à l’université. Bien que plusieurs travaux s’intéressent à ce constat pour la formation primaire et secondaire générale, ce sujet s’avère moins documenté en formation professionnelle au secondaire (FP), où 75 % des élèves sont âgés de 20 ans et plus (Beaucher et al., 2021) et la moyenne d’âge est de 27 ans (Goyer, 2017). Avec Julie Courcy, Marc Molgat et Louis Cournoyer, nous avons publié un article dans la Revue Jeunes et société en 2024 à ce sujet. Ce court texte vise à en faire un résumé.  

En tenant compte du fait que plus de 100 000 personnes s’inscrivent en FP chaque année et que 20 000 personnes, soit une sur cinq, quittent son programme de formation sans obtenir le DEP visé, il importe de mieux comprendre le vécu scolaire de ces personnes. Sans s’attarder aux considérations pédagogiques ou didactiques liées à la réussite scolaire, cet article porte plutôt sur la perception du soutien que reçoivent les élèves de la FP. Ainsi, il vise à répondre à la question suivante : quels types de soutien les jeunes adultes inscrits en formation professionnelle estiment-ils recevoir de la part de leurs parents?  

En tout, 80 participants constituent l’échantillon de recherche. Les entretiens, préalablement transcrits, ont d’abord été codifiés par des assistants de recherche, permettant la division du corpus de données en rubriques issues du guide d’entretien. Ce corpus de données a été analysé au moyen d’une analyse thématique dans une logique inductive modérée (Paillé et Mucchielli, 2021), conduite à l’aide du logiciel QSR NVivo. 

Le résultat des analyses qualitatives permet de dégager différentes formes de soutien déjà connues par la recherche (soutien financier et soutien moral), mais ce résumé s’attarde aux attitudes parentales dégagées des entretiens, soit l’attitude encourageante, inquiète, exigeante et contrôlante. 

L’attitude encourageante 

L’attitude parentale encourageante se réfère à des attentes minimales, bien qu’implicites, qu’entretiennent les parents par rapport à la formation professionnelle. En effet, certains participants mentionnent l’appui manifeste de leurs parents sans pour autant qu’il soit explicitement assorti d’attentes quant à la scolarité ou au type d’emploi occupé. Par exemple, comme le rapportent plusieurs jeunes, dont Geneviève, les parents semblent adopter cette attitude d’ouverture aux attentes minimales : « Fais ce qui te tente ».

Les élèves qui évoquent une attitude parentale encourageante insistent sur le fait que leurs parents souhaitent explicitement que le métier qu’ils choisiront les rendra heureux.

Les jeunes ne sont pas complètement « libres » toutefois ; il semble y avoir un « mais », chaque fois. Cet extrait, parmi plusieurs autres, l’illustre bien : « Ma mère m’a dit : j’te laisse maître de tes affaires, j’te laisse maître de ce que tu choisis, mais j’veux que tu choisisses un métier, je veux que tu te sentes bien dans c’que tu fais, mais j’veux quand même que tu aies un métier parce que c’est important. » (Harry) 

L’attitude inquiète 

L’attitude inquiète par une intervention minimale des parents dans le choix des enfants qui prend la forme d’interventions et d’insistances des parents sur certains aspects de la vie des jeunes, comme la nécessité de faire des études ou d’avoir un emploi stable. L’attitude inquiète des parents concerne, par exemple, l’avenir de leurs enfants et peut se manifester par des attentes explicites et non seulement des allusions. Stéphane explique : « [Mes parents] veulent juste que je me trouve une bonne job pis que j’aie un bon avenir dans le fond. Ils veulent que je puisse être capable de voler de mes propres ailes. » 

L’attitude exigeante 

Cette expression du soutien parental est dirigée vers des attentes précises, explicites, où l’autonomie du jeune est minimalement reconnue.

En d’autres termes, cette attitude exigeante est la manifestation la plus directe des attentes parentales liées à la scolarisation.

En effet, les jeunes qui évoquent ce type de soutien parental reconnaissent que sans l’intervention de leurs parents, ils auraient interrompu leur parcours scolaire au secondaire. Le témoignage de Stéphane est particulièrement éloquent : « C’est ma mère qui me botte le c…. C’est ma mère qui me pousse à continuer, même si elle me menace, c’est sa façon de faire, pis pour moi c’est la bonne façon […]. Mais c’est ma mère qui m’a vraiment poussé dans le c… et c’est une bonne chose parce qu’aujourd’hui, j’ai trouvé ma voie […] j’ai découvert l’infographie. » 

L’attitude contrôlante 

L’attitude parentale contrôlante est caractérisée par un niveau d’attentes maximales, faisant en sorte que les parents contrôlent et adoptent ainsi des actions de soutien (orientantes et non négociables) ou d’interférence.  

Selon les propos de plusieurs jeunes l’attitude contrôlante se réfère à une posture stricte et limitante, où « y’a pas d’échange qui s’fait, c’est juste des ordres » (Luc). De la même façon, Marc explique : « C’est pour ça qu’il faut souvent être de son avis à ma mère, parce que si on n’est pas de son avis, on est son ennemi. Faut souvent y dire : “Ouin j’d’accord avec toi”, ou sinon a va commencer une chicane ». Dans certains cas plus extrêmes, ce contrôle peut même s’apparenter à de l’intransigeance : « Mon père était beaucoup plus strict dans l’temps. C’était “tu fais du cégep ou j’t’envoie dans l’armée” » (Nicolas). 

En conclusion 

Ainsi, cet article a permis de mieux comprendre que la nature et le type de soutien qui seront transmis par le parent dépendent fortement de sa propre expérience (passée, comme actuelle) et se communiquent au travers de valeurs plus ou moins orientées sur l’actualisation de soi. À cet effet, le parent cherchera, par son soutien, à jouer un rôle d’éclaireur, bienveillant et rassurant pour son enfant, face à la vie adulte qu’il connait de sa propre expérience.  

Notre recherche met également en lumière l’importance du soutien parental, et ce, même pour de jeunes adultes qui pourraient sembler ne pas s’en soucier. Cette situation pose des questions aux acteurs des milieux de formation, notamment sur le fait de devoir considérer cette dimension dans l’examen des mesures à mettre en place pour favoriser la réussite scolaire en formation professionnelle et ainsi, augmenter le nombre de diplômés de ces filières dans un marché de l’emploi qui en aurait grand besoin. 

 

Références 

Beaucher, C., Gagné, A., Gagnon, C., Coulombe, S., Breton, S. et Maltais, D. (2021). Portrait des élèves en formation professionnelle. Observatoire de la formation professionnelle du Québec. https://observatoirefp.org/wp-content/uploads/2021/06/Rapport-Portrait-eleves-FP_30juin-2021-MJ.pdf 

Goyer, R. (2017). Promouvoir la formation professionnelle autrement. Observatoire compétences-emploi, 8(1). https://oce.uqam.ca/promouvoir-formation-professionnelle-autrement/ 

Paillé, P. et Mucchielli, A. (2021). L’analyse qualitative en sciences humaines et sociales. Armand Colin. 

* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.    

Frédéric Deschenaux est professeur titulaire à l’unité départementale des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Rimouski, où il enseigne la sociologie de l’éducation et les méthodes de recherche depuis 2004. Ses recherches récentes portent sur la place des parents dans le parcours scolaire et professionnel de leurs enfants. Il travaille aussi sur les méthodologies d’enquête en sciences sociales et les techniques d’analyse des données qualitatives. Il est directeur de la revue Recherches qualitatives depuis juin 2018.
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Frédéric Deschenaux est professeur titulaire à l’unité départementale des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Rimouski, où il enseigne la sociologie de l’éducation et les méthodes de recherche depuis 2004. Ses recherches récentes portent sur la place des parents dans le parcours scolaire et professionnel de leurs enfants. Il travaille aussi sur les méthodologies d’enquête en sciences sociales et les techniques d’analyse des données qualitatives. Il est directeur de la revue Recherches qualitatives depuis juin 2018.
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