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Le retour en force du travail en présentiel, après des années de télétravail largement adopté pendant la pandémie, marque un tournant significatif dans l’organisation du travail. Des entreprises d’envergure, telles que la Banque Royale du Canada (RBC), exigent désormais un minimum de quatre jours par semaine au bureau, suivant une tendance similaire observée chez des institutions comme JPMorgan Chase et la Banque Nationale. Cette volonté de réimposer la présence physique suscite des interrogations légitimes quant aux motivations réelles des employeurs : cherche-t-on à favoriser la collaboration ou à reprendre un contrôle direct sur les employés?
Selon Statistique Canada, 90 % des télétravailleurs canadiens estiment que leur productivité est égale ou supérieure à celle qu’ils avaient en présentiel. De plus, 68 % des répondants déclarent être satisfaits, voire très satisfaits, de l’équilibre entre leur vie professionnelle et personnelle lorsqu’ils travaillent à distance, comparativement à seulement 56 % de ceux qui sont contraints de se rendre physiquement au travail chaque jour. En moyenne, le télétravail permettrait d’économiser plus d’une heure par jour en temps de déplacement, un avantage non négligeable pour la santé mentale et l’organisation familiale.
Malgré cela, certaines organisations justifient le retour au bureau en invoquant la perte supposée de cohésion d’équipe ou de culture organisationnelle. Toutefois, ces arguments s’appuient rarement sur des données empiriques solides. À l’inverse, plusieurs études internationales menées entre 2020 et 2023 montrent que le travail à distance peut renforcer l’engagement des employés lorsqu’il est bien encadré. Une méta-analyse récente souligne même que le télétravail contribue à réduire le stress, à améliorer la concentration et à favoriser la rétention du personnel dans les organisations ouvertes à la flexibilité.
Les impacts concrets de ce recul du télétravail se font sentir directement chez les travailleurs.
Moins de flexibilité signifie plus de stress lié aux déplacements, une perte de temps personnel et une difficulté accrue à concilier les responsabilités familiales et professionnelles. Pour ceux qui avaient enfin trouvé un équilibre grâce au travail à distance, ce retour imposé en présentiel représente une régression des conditions de travail, avec des effets possibles sur la motivation, la satisfaction et la santé psychologique.
Dans ce contexte, l’accompagnement professionnel prend tout son sens. Les professionnels du développement de carrière doivent être particulièrement vigilants face à cette nouvelle donne. Ils jouent un rôle essentiel pour outiller les travailleurs qui souhaitent négocier des modalités flexibles avec leurs employeurs ou envisagent une transition vers des organisations qui valorisent encore le télétravail. Leur intervention peut aussi viser à renforcer les compétences d’adaptation, de résilience et de communication des clients pour mieux composer avec cette réalité changeante du marché du travail.
De plus, ces professionnels ont la responsabilité d’informer leurs clients sur les tendances du marché, les secteurs plus ouverts à la flexibilité et sur leurs droits en matière d’organisation du travail. Dans un marché où les talents demeurent rares et convoités, les entreprises qui persistent à imposer une présence rigide risquent de perdre des employés qualifiés au profit de celles qui offrent encore des conditions de travail souples et respectueuses des besoins individuels.
En définitive, le recul du télétravail soulève des enjeux de fond pour l’évolution des milieux de travail. Si certaines organisations semblent vouloir revenir à des pratiques d’un autre temps, les professionnels en développement de carrière peuvent agir comme des alliés stratégiques pour les travailleurs afin d’éviter que ce mouvement ne devienne une fatalité. Leur rôle est de préserver, autant que possible, les acquis des dernières années et de promouvoir un modèle d’organisation du travail qui respecte l’équilibre, l’autonomie et le bien-être des personnes.
Références
Bloom, N., Han, R., & Liang, J. (2023). How hybrid working from home works out. National Bureau of Economic Research (NBER Working Paper 30292). https://www.nber.org/papers/w30292
Choudhury, P., Larson, B., & Foroughi, C. (2021). Is remote work effective? We finally have the data. Harvard Business Review. https://hbr.org/2021/11/is-remote-work-effective-we-finally-have-the-data
Jolicoeur, M. (2025). La Banque Royale passe au « quatre jours par semaine ». Le Journal de Montréal. https://www.journaldemontreal.com/2025/05/29/la-banque-royale-passe-au-quatre-jours-par-semaine
Oakman, J., Kinsman, N., Stuckey, R., Graham, M., & Weale, V. (2020). A rapid review of mental and physical health effects of working at home: how do we optimise health? BMC Public Health, 20(1), 1-13. https://bmcpublichealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12889-020-09875-z
Statistique Canada. (2022). Télétravail et équilibre travail-vie personnelle : perceptions des Canadiens. Rapport analytique sur le marché du travail. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/75-006-x/2022001/article/00004-eng.htm
Statistique Canada. (2023). Travail à domicile : productivité et satisfaction des travailleurs canadiens. Enquête sociale générale 2023. https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/230224/dq230224b-eng.htm
* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre