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Changer de pays, changer de vie : trois leçons de leadership tirées d’un parcours migratoire

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Je me souviens encore de ce premier entretien professionnel au Canada. Face à moi, un recruteur bien intentionné qui feuilletait mon CV avec attention avant de me lancer cette phrase : « Vous avez beaucoup d’expérience… mais ici, c’est différent. » Cette phrase, je l’ai entendue plus d’une fois, parfois formulée différemment, mais avec le même sous-texte : ce que j’ai accompli ailleurs ne suffit pas ici.

Chaque année, des milliers de professionnels hautement qualifiés immigrent au Canada avec l’espoir de contribuer pleinement à leur nouveau pays. Pourtant, derrière cette volonté d’intégration se cache une réalité bien plus complexe : celle de devoir réapprendre les codes, rebâtir sa crédibilité, parfois repartir de zéro malgré une solide expérience. À travers cette transition, j’ai découvert, comme beaucoup d’autres, que l’immigration est aussi une école du leadership et de la résilience.

Voici trois leçons tirées de ce parcours, qui pourraient résonner tout autant pour les recruteurs, que les professionnels RH ou les coachs de carrière.

1. Le leadership commence par l’humilité active

Lorsque l’on change de pays, même avec une feuille de route impressionnante, il faut faire preuve d’une forme nouvelle d’humilité.

Mais attention, il ne s’agit pas d’une humilité passive, qui consiste à s’effacer.

Il s’agit plutôt d’une humilité active : savoir observer, apprendre les codes, poser des questions, accepter de ne pas tout maîtriser dès le départ, sans jamais renier ce que l’on apporte ni notre valeur ajoutée.

Dans mon cas, issue d’un parcours de plusieurs années en gestion de projets dans le secteur bancaire, j’ai rapidement compris que mes méthodes éprouvées ne seraient pas suffisantes si je ne les adaptais pas au contexte local. Le langage, les attentes, la dynamique d’équipe : tout demandait une nouvelle lecture. Ce n’était pas une régression, mais un ajustement stratégique.

Du point de vue des RH, cela soulève une question essentielle : sommes-nous capables de reconnaître et de valoriser ces compétences d’adaptation silencieuses, souvent absentes des CV traditionnels, mais essentielles en contexte de transformation?

*Selon un rapport de McKinsey les organisations qui intègrent la diversité des parcours au niveau décisionnel enregistrent jusqu’à 36 % de performance financière supérieure à la moyenne de leur secteur.

2. La résilience professionnelle, c’est aussi savoir se repositionner stratégiquement

L’une des principales difficultés rencontrées par les professionnels formés à l’international n’est pas le manque de compétence, mais le décalage entre leur profil et les critères locaux de reconnaissance. Diplômes non équivalents, manque d’expérience canadienne, barrière linguistique ou réseaux limités : ces éléments créent un fossé entre la valeur réelle d’un candidat et sa valeur telle qu’elle est perçue par le marché.

Dans ce contexte, la résilience ne signifie pas uniquement « tenir bon », mais plutôt agir avec stratégie : compléter une formation, obtenir des certifications locales, cibler un poste-passerelle, ou encore adapter sa façon de communiquer ses acquis professionnels.

Prenons l’exemple de nombreux nouveaux arrivants hautement qualifiés qui choisissent, dès leur arrivée, des postes en dessous de leur niveau de compétence. Ce choix, souvent pragmatique, est aussi une démonstration de flexibilité et de clairvoyance professionnelle : il leur permet d’acquérir les codes culturels, d’élargir leur réseau local et de rebondir vers des postes mieux alignés avec leur potentiel.

Cette réalité ne devrait pas être interprétée comme une faiblesse, mais plutôt comme un levier de repositionnement dans un marché du travail différent.

3. Le leadership interculturel est une richesse sous-estimée

Naviguer entre plusieurs cultures, que ce soit dans la vie ou en entreprise, développe des compétences uniques : intelligence culturelle, écoute active, adaptabilité, communication nuancée. Ces « soft skills », encore trop souvent reléguées au second plan, sont pourtant au cœur des enjeux de leadership contemporains.

J’ai eu l’occasion de piloter des projets où les équipes étaient multiculturelles, aux approches très différentes (Business-Versus- IT). Cette expérience m’a appris à faire le lien entre les visions, à créer des espaces de dialogue et à maintenir la cohésion dans des environnements parfois complexes.

Ces capacités sont devenues centrales dans ma manière de collaborer et de gérer.

Pour les recruteurs et les décideurs, il est temps de dépasser la simple volonté de « diversifier les équipes » pour reconnaître la valeur stratégique de ces compétences interculturelles. Il ne s’agit pas de cocher une case, mais de renforcer les capacités d’innovation et de leadership au sein des organisations.

 

Accueillir le potentiel, pas seulement le parcours!

Enfin, changer de pays, c’est aussi changer de regard sur soi-même. Ce parcours m’a appris que le leadership ne dépend pas uniquement du poste occupé, mais de la capacité à s’adapter, à apprendre, à se réinventer dans l’action.

Les professionnels issus de l’immigration ont souvent déjà traversé, en début ou en milieu de carrière, des défis que d’autres doivent surmonter seulement en fin de parcours : repositionnement, transition, remise en question. Les considérer uniquement à travers leur expérience « locale », c’est passer à côté d’un potentiel riche, mais encore trop souvent invisible.

Et si, finalement, le leadership de demain s’écrivait aussi au pluriel, avec des histoires, des cultures et des trajectoires multiples?

Références

 

* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre

 

 

 

Lamiae Arafan Author
Lamiae Arafan est une professionnelle du secteur bancaire, où elle cumule plus de 14 ans d’expérience en gestion de projets et développement des affaires dans des environnements complexes. En parallèle de sa carrière en entreprise, elle est aussi fondatrice et CEO de LA Coaching & Consulting Inc., une pratique privée basée à Toronto qui accompagne les professionnels et les leaders à bâtir une carrière alignée et porteuse de sens. Elle intervient notamment auprès de personnes en transition de carrière, en reconversion, en prise de poste, en retour à l’emploi ou en passage à l’entrepreneuriat. Son approche, à la fois stratégique et humaine, intègre le travail sur l’état d’esprit, la clarté professionnelle, le développement du leadership et de la marque personnelle. Auteure et conférencière, elle prend la parole sur des sujets tels que le leadership inclusif, la visibilité au travail et le développement de carrière. Canadienne issue de l’immigration et femme d’affaires engagée, Lamiae agit également comme mentore bénévole au sein de divers organismes, soutenant notamment l’intégration des talents nouvellement arrivés au Canada.
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Lamiae Arafan est une professionnelle du secteur bancaire, où elle cumule plus de 14 ans d’expérience en gestion de projets et développement des affaires dans des environnements complexes. En parallèle de sa carrière en entreprise, elle est aussi fondatrice et CEO de LA Coaching & Consulting Inc., une pratique privée basée à Toronto qui accompagne les professionnels et les leaders à bâtir une carrière alignée et porteuse de sens. Elle intervient notamment auprès de personnes en transition de carrière, en reconversion, en prise de poste, en retour à l’emploi ou en passage à l’entrepreneuriat. Son approche, à la fois stratégique et humaine, intègre le travail sur l’état d’esprit, la clarté professionnelle, le développement du leadership et de la marque personnelle. Auteure et conférencière, elle prend la parole sur des sujets tels que le leadership inclusif, la visibilité au travail et le développement de carrière. Canadienne issue de l’immigration et femme d’affaires engagée, Lamiae agit également comme mentore bénévole au sein de divers organismes, soutenant notamment l’intégration des talents nouvellement arrivés au Canada.
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