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Depuis plus de 20 ans, la proportion de femmes dans les domaines des sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (STIM) se maintient autour de 30 %. Ce faible pourcentage soulève plusieurs enjeux. Dans un marché du travail où la demande de main-d’œuvre qualifiée dans ces secteurs ne cesse de croître, la sous-représentation des femmes constitue non seulement une perte de talents, mais aussi un frein à la diversité des idées et à l’innovation. Pour mieux comprendre ce qui favorise la persévérance et le succès des femmes dans ces secteurs, une recherche a été réalisée par Louis Cournoyer et Lise Lachance, tous deux professeurs titulaires à l’UQAM, en collaboration avec l’organisme Femmes regroupées en options non traditionnelles (FRONT) et le Service aux collectivités de l’UQAM.
Cette recherche a été menée auprès de 44 participantes, étudiantes, techniciennes et professionnelles afin de mieux connaître le rôle des expériences de parcours de vie et des projets personnels sur leur décision de poursuivre des études ou une carrière en STIM. Cet article expose, plus spécifiquement, les principaux thèmes qui ressortent des entretiens semi-dirigés à propos des expériences de parcours de vie, de l’enfance à l’âge adulte, qu’elles soient scolaires, professionnelles ou personnelles, et que ces femmes reconnaissent comme particulièrement significatives. Loin de se limiter aux obstacles connus (isolement, biais de genre, préjugés), ces résultats mettent en lumière des leviers positifs pour entretenir la motivation, la confiance et le sentiment de légitimité, en plus d’éclairer les interventions en counseling de carrière, mais également les personnes enseignantes et les employeurs.
La capsule vidéo ci-dessous contient des informations complémentaires à celles présentées dans cet article.
Sept enseignements clés
1. Des figures masculines comme premiers alliés
Beaucoup de participantes identifient leur père, grand-père ou certains collègues masculins comme les premiers moteurs de leur intérêt. Dès l’enfance, des expériences comme réparer un objet, manipuler des outils ou observer un métier scientifique ont éveillé leur intérêt et agi comme déclencheurs. À l’âge adulte, certains hommes de leur entourage ont également joué un rôle facilitateur, par exemple en les recommandant pour un poste, en les encourageant à postuler dans un milieu compétitif ou en reconnaissant publiquement leurs compétences. Ces gestes de soutien, bien que parfois perçus comme anodins, se sont révélés déterminants pour légitimer leur place dans des environnements masculins.
2. Le mentorat, une ressource incontournable
Le mentorat ressort comme un facteur central. Qu’il soit formel (programmes de mentorat) ou informel (rencontre lors d’un colloque ou d’une école d’été), il permet aux femmes de s’identifier à des modèles. Ces mentors offrent un regard extérieur, encouragent à persévérer dans les moments de doute et ouvrent des perspectives insoupçonnées. Pour beaucoup, ces relations de mentorat ont renforcé le sentiment d’appartenance à une communauté professionnelle. Elles montrent que la réussite n’est pas seulement individuelle, mais qu’elle se construit aussi grâce à des réseaux de soutien et de collaboration.
3. Les enseignants comme révélateurs de potentiel
Plusieurs participantes se remémorent des enseignantes et des enseignants qui ont su rendre l’apprentissage concret et captivant et qui ont joué un rôle déterminant. Grâce à des projets pratiques, des expériences en laboratoire ou des activités de vulgarisation scientifique, elles ont découvert un intérêt insoupçonné qui s’est ensuite transformé en véritable choix de carrière en STIM. Ces témoignages soulignent l’importance de l’enseignement au secondaire et au collégial, au moment où les jeunes femmes peuvent douter de leurs aptitudes. Un mot d’encouragement, une note valorisée ou un projet réussi peuvent suffire à transformer un sentiment d’hésitation en véritable vocation.
4. Les loisirs scientifiques comme catalyseurs
Les promenades en nature, la visite de musées, la lecture ou encore certaines émissions scientifiques ont stimulé la curiosité dès le plus jeune âge. Ces activités de loisirs, souvent considérées comme anodines, ont jeté les bases d’un intérêt durable qui a orienté les choix scolaires et professionnels. Ces résultats montrent que l’intérêt pour les STIM se construit dans divers contextes.
5. La richesse des parcours non linéaires
De nombreuses femmes ont raconté des parcours d’études et parfois d’emplois ponctués de pauses, de détours et de réorientations. Loin de constituer un frein, ces transitions ont renforcé leur résilience et permis de consolider un choix plus réfléchi et engagé. Ces expériences montrent que la construction d’une carrière est un processus évolutif, où les transitions et les détours peuvent devenir des atouts. Cette perspective invite les personnes conseillères à valoriser la flexibilité et les bifurcations comme éléments positifs de la construction de carrière.
6. L’influence des supérieurs et des pairs
Les relations avec les personnes professeures, superviseures, collègues et gestionnaires se révèlent décisives. En effet, des possibilités concrètes, comme présenter ses travaux, collaborer à un projet novateur ou recevoir une rétroaction constructive, nourrissent la confiance et la motivation. À l’inverse, un climat compétitif ou hostile, le manque de reconnaissance ou des comportements discriminatoires peuvent entraver considérablement le développement professionnel. Ces résultats rappellent l’importance de créer des milieux de travail et d’études inclusifs, où le soutien mutuel prime sur la compétition.
7. La puissance des « petits quelque chose »
Bourses, encouragements, réussites ponctuelles : autant de petits signes de reconnaissance qui, mis bout à bout, consolident le sentiment de légitimité. Ces micro-expériences, répétées au fil du temps, sont fondamentales pour renforcer l’ancrage des femmes dans leur parcours.
Implications pour la pratique en counseling de carrière
Cette recherche souligne que la persévérance en STIM ne relève pas seulement des compétences techniques, mais qu’elle s’inscrit dans un tissu d’événements, de situations, de rencontres, de relations, de décisions et d’actions significatives à différents moments du parcours. Pour les personnes professionnelles du counseling de carrière, plusieurs axes d’intervention émergent :
- Sur le plan intrapersonnel : travailler sur l’image de soi, la confiance et le sentiment de légitimité des femmes qui envisagent ces domaines ;
- Sur le plan interpersonnel : encourager la participation à des réseaux, valoriser le mentorat et la création de liens de soutien réciproques;
- Sur le plan organisationnel : promouvoir l’accès équitable à des projets stimulants, à la reconnaissance et à de réelles occasions de progression.
Conclusion
Les parcours des femmes soulignent comment certaines expériences marquantes, de l’enfance à l’âge adulte, et qu’elles soient manifestes ou subtiles, formelles ou informelles, peuvent façonner le choix de poursuivre des études ou une carrière en STIM. Pour les personnes professionnelles du counseling de carrière, l’enjeu est d’identifier et de valoriser ces leviers, souvent invisibles, afin d’accompagner chaque femme vers une trajectoire professionnelle qui lui ressemble. En reconnaissant la richesse des expériences, y compris les détours et les pauses, il est possible de contribuer à bâtir des parcours authentiques, porteurs de sens et essentiels à la diversité et à l’innovation dans les STIM.
* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre
Lise Lachance, Ph. D. est psychologue et professeure titulaire dans la section Counseling de carrière au Département d’éducation et pédagogie de l’Université du Québec à Montréal. Ses travaux de recherche se rattachent à la conciliation des rôles de vie et aux facteurs qui facilitent ou compromettent les projets personnels ainsi que les parcours scolaires et professionnels. Ils visent à mieux comprendre le processus d’adaptation et de prise de décision des individus dans l’accomplissement de leurs rôles multiples, d’importantes transitions ou d’événements de vie majeurs et à identifier les ressources et les stratégies les plus efficientes pour favoriser leur adaptation en regard de leur contexte.
Elise Martinez est étudiante à la maîtrise en counseling de carrière à l’UQAM. Elle travaille comme auxiliaire de recherche et d’enseignement et a également travaillé en tant que conseillère en développement de carrière auprès de jeunes adultes.
Louis Cournoyer est professeur titulaire à la section Counseling de carrière de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il occupe également les fonctions de directeur des programmes de premier cycle en développement de carrière. À ce titre, il enseigne au premier et au deuxième cycles des cours portant sur les théories du développement de carrière, la pratique et la supervision du counseling de carrière, ainsi que sur la santé mentale. Ses travaux de recherche s’articulent autour du modèle d’action décisionnelle adaptative, qui met en lumière le rôle des expériences de parcours de vie, des projets personnels, des contextes et de leurs forces, ainsi que des stratégies d’ajustement dans la satisfaction des besoins d’adaptation et de développement, tant sur le plan personnel que professionnel et de carrière.
Lise Lachance, Ph. D. est psychologue et professeure titulaire dans la section Counseling de carrière au Département d’éducation et pédagogie de l’Université du Québec à Montréal. Ses travaux de recherche se rattachent à la conciliation des rôles de vie et aux facteurs qui facilitent ou compromettent les projets personnels ainsi que les parcours scolaires et professionnels. Ils visent à mieux comprendre le processus d’adaptation et de prise de décision des individus dans l’accomplissement de leurs rôles multiples, d’importantes transitions ou d’événements de vie majeurs et à identifier les ressources et les stratégies les plus efficientes pour favoriser leur adaptation en regard de leur contexte.
Elise Martinez est étudiante à la maîtrise en counseling de carrière à l’UQAM. Elle travaille comme auxiliaire de recherche et d’enseignement et a également travaillé en tant que conseillère en développement de carrière auprès de jeunes adultes.
Louis Cournoyer est professeur titulaire à la section Counseling de carrière de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il occupe également les fonctions de directeur des programmes de premier cycle en développement de carrière. À ce titre, il enseigne au premier et au deuxième cycles des cours portant sur les théories du développement de carrière, la pratique et la supervision du counseling de carrière, ainsi que sur la santé mentale. Ses travaux de recherche s’articulent autour du modèle d’action décisionnelle adaptative, qui met en lumière le rôle des expériences de parcours de vie, des projets personnels, des contextes et de leurs forces, ainsi que des stratégies d’ajustement dans la satisfaction des besoins d’adaptation et de développement, tant sur le plan personnel que professionnel et de carrière.

