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Je termine la lecture méditée de L’irrationalité nécessaire de Jean Désy (2020), un essai brillant et fort bien documenté par cet érudit à la fois médecin omnipraticien, docteur es lettres et maitre en philosophie. De Platon à Einstein, en passant entre autres par les Jung, Lispector, Saint-Exupéry, Weil, Planck et Lao-Tseu, l’auteur répertorie dans l’histoire de l’humanité moult cas d’abus de la raison – lire de rationalité – et en démontre les conséquences, dont une vision étriquée voire amputée de la réalité et, partant, des solutions laissant grandement à désirer.
Chapitre après chapitre, Jean Désy démontre que l’irrationalité est nécessaire à l’ordre social et qu’elle est à la fois scientifique, médicinale, pédagogique et artistique.
Sans elle, impossible de sonder le mystère.
L’auteur conclut que sans une part essentielle d’irrationalité, il est impossible d’appréhender pleinement la réalité quelle qu’elle soit, et si l’humanité ne mise que sur la rationalité, elle disparaitra à très court terme!
Mon expérience
Mon expérience professionnelle m’a maintes fois montré comment l’irrationalité et ses dérivés comme la subjectivité, la créativité, la spontanéité et la pensée divergente étaient mal vus, car, entre autres, associés à la folie, à l’illogisme et à l’irresponsabilité.
Ainsi, en début de carrière, pour mieux différencier l’irrationalité de la rationalité, et inspiré par Languirand, j’ai d’abord utilisé les notions de Principe féminin et de Principe masculin en prenant soin de spécifier qu’il était bien question de principe donc l’un et l’autre autant applicables aux femmes qu’aux hommes, plusieurs y voyaient un référentiel stéréotypé, voire sexiste, particulièrement défavorable à la gent féminine. Il est vrai qu’en 1980 dans Mater Materia, Languirand avait proposé un quiz pour aider son lecteur à trouver son principe dominant. Dans ce questionnaire, certains mots, surtout associés au Principe féminin, pouvaient être perçus comme péjoratifs. Alors en 1998, lors de la rédaction d’OPTRA avec la collaboration de Réjeanne Lahaie, j’ai refait ce quiz en évitant, selon moi, toutes connotations négatives, tant pour un principe que pour l’autre. En dépit de cet effort, certains répondants se croyant futés optent alors pour la désirabilité sociale, malheureusement facilement repérable dans un tel dispositif!
Pour contourner ces objections, je faisais habituellement un rapprochement entre ces principes et le yin, le yang, et tous les caractéristiques associées à ces termes. Ici, c’était le référentiel chinois qui soulevait quelques réticences.

J’optai alors pour les notions de Cerveau droit et Cerveau gauche, mais s’il n’y a pas un consensus quant aux fondements neuroscientifiques[1] de ces concepts. Pourtant, bien des expériences de terrain montrent leur pertinence, entre autres lorsqu’il est question de compréhension et surtout de motivation!

De plus en plus, j’utilise maintenant et aussi les notions de Nocturne et de Diurne; la première étant associée au Principe féminin, au yin et au Cerveau droit alors que la seconde aux opposés, donc à la rationalité. Un parallèle fort révélateur s’en dégage : dans une journée de 24 heures, il suffit à peine du tiers de ce temps pour que le nocturne contrebalance, voire prédispose, le diurne!

Dans son essai, Désy va encore plus loin en rapprochant l’irrationalité à la théorie quantique, laquelle soutient qu’un « objet quelconque peut potentiellement se trouver dans n’importe quel état, l’univers de cet objet se divise en une série d’univers parallèles correspondant au nombre d’états possibles de l’objet, chacun de ces univers contenant un seul et unique état possible de cet objet ». En somme ce n’est pas 0 ou 1, mais 0 & 1; rationalité et irrationalité coexistent.
Quelques applications de mon cru
En counseling groupal pour optimiser pleinement l’atteinte de l’objectif terminal, je propose de double-axer la démarche, c’est-à-dire de tenir compte à la fois de la dynamique du contenu associée au temps chronos (rationalité) et de la dynamique groupale, laquelle incarne le temps kairos (irrationalité).
Dans Stratégies du maintien au travail, tous les chapitres sont dans un premier temps écrit rationnellement (logique, rigueur, cohérence, documenté, etc.), puis, dans un deuxième temps, le même propos est repris irrationnellement à l’aide de contes, poèmes, métaphores ou symboles.
Dans mes guides pratiques pour accompagner le maintien professionnel selon les tiers de carrière, chaque séance inclut près d’un tiers d’activités nocturnes : métaphore, rêverie, création artistique, etc.
Enfin, pourrait-il en être autrement, mon mot préféré est évidemment autrement !
Conclusion
Le propos de ce billet se veut un chaleureux clin d’œil à toutes les personnes que la vie a mises sur mon chemin et vice versa. Bon gré mal gré, il y a eu dans ces interactions une dose d’irrationalité et je souhaite qu’elle fût aussi bénéfique pour elles que pour moi!
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[1] Pourtant lors d’un IRN, on demande au patient s’il est gaucher ou droitier!
* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre




