En ce qui a trait au marché du travail, les organismes spécialisés sur ces questions (dont le Comité consultatif pour les travailleuses et travailleurs de 45 ans et plus (CC45+), au Québec) considèrent que les enjeux du vieillissement commencent autour de 45 ans, alors qu’il peut être difficile de se retrouver un emploi si on perd le sien. Il faut dire toutefois que ce seuil avait été établi à un moment où le Québec connaissait un taux de chômage élevé et que cet âge peut paraître un peu jeune. Aujourd’hui, de plus en plus d’organismes prennent davantage en compte les travailleurs et travailleuses de 50 ans et plus, souvent de 50 à 70 ans, et c’est ce que je retiens dans mes travaux (Tremblay, 2022a, b).
Les obstacles
Pour ce qui est des obstacles à l’extension de la carrière, 42 % de mes répondants indiquent que c’était financièrement possible de prendre sa retraite (16 % en premier choix), 38 % mentionnent des motifs personnels (6 % premier choix), 36 % soulignent la surcharge et la fatigue (6 % premier choix), 28 % indiquent la charge mentale trop lourde (10 % premier choix), et 26 % font état de problèmes de santé (14 % en premier choix). Les femmes évoquent davantage une charge mentale trop lourde (34 % contre 22 % pour les hommes), la prise de retraite par le conjoint (20 % contre 8 %), la santé d’un membre de la famille
(12 % contre 6 % – possiblement proche aidance), la pandémie de Covid 19 (9 % contre
4 %). Les deux groupes mettent au premier plan le fait qu’il est financièrement possible de ne plus travailler (39 % pour les femmes et 46 % pour les hommes), les motifs personnels (35 % contre 41 %), la surcharge et la fatigue (40 % vs 31 %). Les personnes ayant une scolarité universitaire indiquant à 51 % qu’il était financièrement possible de prendre la retraite, ce qui n’est le cas que pour 28 % des personnes avec diplôme de niveau secondaire.
Quelles sont les mesures qui incitent à prolonger sa carrière?
D’abord, il est plus facile de garder les gens en emploi que de les faire revenir.
Mes répondants affirment qu’une retraite graduelle sans obligation de départ les inciterait à rester en emploi (pour 54 %).
Viennent ensuite la retraite avec la possibilité de travail à contrat pour l’entreprise (52 %), une retraite et un retour possible dans un emploi similaire ou un autre emploi, à temps plein ou partiel (46 %), et enfin, une retraite et la possibilité de faire partie d’une banque d’experts accessibles sur demande (45 %).
Les répondants sont intéressés par une rémunération adaptée qui tient compte des années d’expérience (66 %), des mesures comme un crédit d’impôt favorisant la prolongation de carrière (66 %), ainsi que l’horaire flexible (66 %). Le télétravail et l’aménagement ou la réduction du temps de travail sont aussi sollicités.
Notons qu’il existe malheureusement des préjugés à l’endroit des travailleurs vieillissants, et cela peut intervenir dans l’intention de continuer à travailler ou pas, mais on peut espérer qu’avec la pénurie de personnel, les employeurs considéreront plutôt une approche de parcours de vie (McDaniel et Bernard, 2011) ainsi que les avantages qu’apporte cette main-d’œuvre : expérience, connaissances, loyauté.
En conclusion, heureusement, au fil des ans, mais surtout avec la pénurie de main-d’œuvre, on constate que certains employeurs commencent à s’ouvrir à la perspective d’embaucher et de maintenir en emploi les travailleurs vieillissants. Ils commencent aussi à offrir les mesures souhaitées par cette main-d’œuvre, soit les horaires variables, des semaines plus courtes, du télétravail et parfois aussi des vacances plus longues.
* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.
Références
McDaniel, Susan & Paul Bernard ( 2011). Life Course as a Policy Lens : Challenges and Opportunities. Canadian Public Policy / Analyse de Politiques. pp. S1-S13 (13 pages). Presses de l’Université de Toronto.
Tremblay, Diane-Gabrielle (2022a). Attirer et retenir la main-d’œuvre d’expérience; la situation au Québec. Rapport de recherche sur les aspirations des travailleurs d’expérience et les pratiques des entreprises. Montréal : Comité consultatif 45+ et université TÉLUQ. 25 pages.
Tremblay, Diane-Gabrielle (2022b). Comment attirer et fidéliser la main-d’œuvre d’expérience : Quelques propositions pour les employeurs. Rapport de recherche sur les pratiques des entreprises à l’endroit de la main-d’œuvre d’expérience remis au projet «La compétence n’a pas d’âge». Rapport de recherche diffusé par LCNA et l’université TÉLUQ. Montréal. 22 pages.
Tremblay, Diane-Gabrielle (dir., 2007). D’une culture de la retraite à un nouveau management des âges et des temps sociaux. Québec : Presses de l’Université du Québec. Collection Économie politique. 281 p.
Diane-Gabrielle Tremblay est professeure à l’École des sciences administratives à l’Université Téluq (Université du Québec) et responsable de la concentration en gestion des ressources humaines du baccalauréat en Administration. Elle a également été professeure invitée dans plusieurs universités du monde.
Diane est aussi directrice de l’ARUC sur la gestion des âges et des temps sociaux. Elle a été titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les enjeux socio-organisationnels de l’économie du savoir de 2002 à 2016. En reconnaissance de la qualité et du rayonnement de ses recherches et enseignements, elle a été admise au Cercle d’excellence de l’Université du Québec en 2021 et comme membre de la Société royale du Canada en 2022.
Titulaire d’un doctorat en économie du travail et des ressources humaines de l’Université de Paris I, Panthéon-Sorbonne, elle mène des recherches sur la conciliation emploi-famille, le temps de travail, le télétravail, le cotravail (coworking) et l’organisation du travail. Elle fait aussi de la consultation, de la formation et de l’animation dans ces divers domaines.
Diane-Gabrielle Tremblay est professeure à l’École des sciences administratives à l’Université Téluq (Université du Québec) et responsable de la concentration en gestion des ressources humaines du baccalauréat en Administration. Elle a également été professeure invitée dans plusieurs universités du monde.
Diane est aussi directrice de l’ARUC sur la gestion des âges et des temps sociaux. Elle a été titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les enjeux socio-organisationnels de l’économie du savoir de 2002 à 2016. En reconnaissance de la qualité et du rayonnement de ses recherches et enseignements, elle a été admise au Cercle d’excellence de l’Université du Québec en 2021 et comme membre de la Société royale du Canada en 2022.
Titulaire d’un doctorat en économie du travail et des ressources humaines de l’Université de Paris I, Panthéon-Sorbonne, elle mène des recherches sur la conciliation emploi-famille, le temps de travail, le télétravail, le cotravail (coworking) et l’organisation du travail. Elle fait aussi de la consultation, de la formation et de l’animation dans ces divers domaines.