Avec la pénurie de main-d’œuvre, il est de plus en plus difficile d’attirer et de maintenir en poste la main-d’œuvre de plusieurs secteurs. On a souvent mentionné les difficultés accrues à retenir les jeunes en emploi. Cette pénurie touche presque tous les secteurs et les solutions sont assez semblables pour l’ensemble de ceux-ci. Plusieurs facteurs contribuent à cette pénurie : l’évolution démographique, qui s’est traduite au Québec par la baisse du nombre de naissances, et le non-remplacement des générations du baby-boom sur le marché du travail. Récemment, quelques grands enjeux ont été mis de l’avant pour tenter d’expliquer la difficulté d’attirer et de retenir les employés dans divers milieux : les travaux citent habituellement l’organisation du travail, de même que les difficultés de conciliation travail-famille, ou vie professionnelle-personnelle-familiale. Au cours des dernières années, les problèmes de conciliation travail-famille et de contrôle ou d’autonomie dans l’emploi ont ainsi souvent été présentés comme une difficulté ou un enjeu majeur pour divers groupes (dont les enseignantes, les infirmières, etc.), les poussant à quitter leur métier tôt, parfois même peu après l’obtention de leur diplôme (Tremblay, 2014).
Nous avons mené des recherches auprès de divers groupes professionnels pour tenter de déterminer quelques facteurs qui aideraient à solutionner ce problème de pénurie de main-d’œuvre (Tremblay, 2019, 2012). Selon une de nos recherches, il est intéressant de noter que les infirmières affirment avoir assez d’autonomie, être en mesure d’exercer leur jugement et de prendre des décisions dans leur milieu de travail (Tremblay, 2021), de sorte qu’il ne s’agit pas d’une source majeure de difficulté.
En ce qui concerne l’interférence entre l’emploi et la famille, comme c’est le cas pour beaucoup d’employés aujourd’hui, la conciliation entre vie professionnelle et personnelle-familiale est au cœur des enjeux (Tremblay, 2019, 2021). Il semble que le travail interfère parfois avec les activités et les responsabilités familiales, bien que la plupart des répondants (en soins infirmiers, enseignement, services de police, et aussi dans d’autres métiers) considèrent qu’ils arrivent à assumer leurs responsabilités et activités familiales, dont on ne peut souvent pas se dégager, d’autant qu’il est évidemment difficile d’admettre ne pas assumer ses responsabilités familiales. Toutefois, les données montrent qu’il y a débordement du travail sur la vie familiale dans divers groupes (Tremblay, 2019, 2012 – ces ouvrages couvrant le travail social, la police, les soins infirmiers, entre autres).
Ainsi, les personnes considèrent qu’elles ne peuvent pas faire tout ce qu’elles souhaitent dans leur vie privée en raison des exigences du travail et qu’elles doivent souvent modifier leurs projets personnels ou familiaux en raison de ces exigences.
En ce qui concerne les stratégies de gestion allégée (lean management), le phénomène semble s’être appliqué dans plusieurs milieux, avec parfois une intensification du travail, ce qui semble constituer un enjeu important dans plusieurs secteurs.
Les travailleurs de plusieurs milieux indiquent qu’ils manquent souvent de temps pour réaliser leurs tâches, ce qui est difficile, étant donné qu’ils sont souvent très engagés dans leur travail, en particulier dans les services à la personne, tels que le travail social, infirmier ou policier (Tremblay, 2012, 2021).
Pour conclure, les recherches montrent que des mesures de conciliation (horaires flexibles, horaires réduits, etc.) peuvent aider à atténuer les enjeux d’attraction et de rétention de main-d’œuvre.
* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre
Références
Tremblay, D.-G. (2021). « Issues of attraction and retention of nurses: job control, time and work-family issues ». Journal of Human Resource and Sustainability Studies Vol. 9 No 4 2021! [ID: 2830675] https://www.scirp.org/journal/jhrss/
Tremblay, Diane-Gabrielle (2019). Conciliation emploi-famille et temps sociaux. Québec : PUQ.
Tremblay, Diane-Gabrielle (2014). Infirmière : vocation, engagement et parcours de vie. Montréal : Éditions du Remue-ménage. 153 pages.
Tremblay, D.-G (2012). Articuler emploi et famille : Le rôle du soutien organisationnel au cœur de trois professions (infirmières, travailleuses sociales et policiers). 284 p. Québec : Presses de l’Université du Québec.
Ce texte a initialement été publié le 18 septembre 2023
Diane-Gabrielle Tremblay est professeure à l’École des sciences administratives à l’Université Téluq (Université du Québec) et responsable de la concentration en gestion des ressources humaines du baccalauréat en Administration. Elle a également été professeure invitée dans plusieurs universités du monde.
Diane est aussi directrice de l’ARUC sur la gestion des âges et des temps sociaux. Elle a été titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les enjeux socio-organisationnels de l’économie du savoir de 2002 à 2016. En reconnaissance de la qualité et du rayonnement de ses recherches et enseignements, elle a été admise au Cercle d’excellence de l’Université du Québec en 2021 et comme membre de la Société royale du Canada en 2022.
Titulaire d’un doctorat en économie du travail et des ressources humaines de l’Université de Paris I, Panthéon-Sorbonne, elle mène des recherches sur la conciliation emploi-famille, le temps de travail, le télétravail, le cotravail (coworking) et l’organisation du travail. Elle fait aussi de la consultation, de la formation et de l’animation dans ces divers domaines.
Diane-Gabrielle Tremblay est professeure à l’École des sciences administratives à l’Université Téluq (Université du Québec) et responsable de la concentration en gestion des ressources humaines du baccalauréat en Administration. Elle a également été professeure invitée dans plusieurs universités du monde.
Diane est aussi directrice de l’ARUC sur la gestion des âges et des temps sociaux. Elle a été titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les enjeux socio-organisationnels de l’économie du savoir de 2002 à 2016. En reconnaissance de la qualité et du rayonnement de ses recherches et enseignements, elle a été admise au Cercle d’excellence de l’Université du Québec en 2021 et comme membre de la Société royale du Canada en 2022.
Titulaire d’un doctorat en économie du travail et des ressources humaines de l’Université de Paris I, Panthéon-Sorbonne, elle mène des recherches sur la conciliation emploi-famille, le temps de travail, le télétravail, le cotravail (coworking) et l’organisation du travail. Elle fait aussi de la consultation, de la formation et de l’animation dans ces divers domaines.