Réflexion sur l’intégration du concept de bien-être dans la préparation à la carrière des personnes adolescentes
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Cet article fait partie de la série thématique « Préparation des jeunes à la carrière ». Restez à l’affût sur OrientAction dans les jours à venir pour plus d’articles thématiques, ou inscrivez-vous à notre infolettre hebdomadaire OrientAction en bref pour recevoir les publications thématiques.
Intégrer le concept de bien-être au counseling de carrière aide à comprendre ce qui soutient ou freine la capacité d’un jeune à se projeter dans son avenir. Le bien-être ne se réduit pas à un état de bonheur, mais à un équilibre entre les émotions, les pensées, les comportements et les relations, soutenant l’adaptation, la motivation et le sens.
Les dimensions du bien-être : description et mise en garde
Selon Mastorci et al. (2020), le bien-être des personnes adolescentes est multidimensionnel. Il inclut la socialisation, qui façonne l’identité et le sentiment d’appartenance, la régulation émotionnelle, qui soutient l’équilibre psychologique, ainsi que les comportements de vie, qui influencent la santé physique et mentale. Le bien-être subjectif peut être vu sous un angle « hédoniste », soit la recherche de plaisir immédiat, souvent éphémère et répétitif (Deiner et Scollon, 2003). En orientation, cela peut se traduire par des choix de carrière impulsifs fondés sur la recherche d’émotions positives ou l’évitement d’émotions négatives, par exemple, une quête de prestige ou de revenus (Cournoyer, 2019). À l’inverse, une vision « eudémonique » met l’accent sur la réalisation de son potentiel, la cohérence avec ses valeurs et la mobilisation de ses compétences dans des relations significatives.
Il comprend l’autonomie, la maîtrise de l’environnement, la croissance personnelle, les buts dans la vie, les relations positives avec autrui et l’acceptation de soi. Ces dimensions traduisent une approche du bien-être axée sur la cohérence intérieure, la maturité et l’acceptation de soi. L’autonomie favorise la confiance en ses propres choix, par exemple, planifier son cheminement d’études. La maîtrise de l’environnement concerne la capacité à gérer efficacement son temps et ses ressources, comme organiser ses devoirs. La croissance personnelle se manifeste par la volonté d’apprendre et de se développer, par exemple, explorer de nouvelles matières ou activités. Les buts dans la vie impliquent d’avoir des objectifs clairs, comme le type d’environnement de travail pouvant le mieux répondre à ses besoins. Les relations positives avec autrui se traduisent par de bonnes amitiés ou de l’esprit d’équipe. L’acceptation de soi consiste à reconnaître ses forces et ses faiblesses, par exemple, accepter ses résultats scolaires tout en étant motivé à progresser.
Le concept de bien-être peut être un repère clinique et éducatif permettant d’évaluer comment la personne apprend à se connaître, à s’adapter et à donner du sens à ses expériences dans un mouvement de croissance personnelle et vocationnelle (Avedissian et Alayan, 2021; Mastorci et al., 2020; Orth et van Wyk, 2020). Un niveau élevé de bien-être favorise une exploration confiante, la persévérance et la gestion de l’incertitude (Mastorci et al., 2020; Ross et al., 2020; Russo et al., 2023). À l’inverse, un bien-être fragilisé peut freiner la motivation, accentuer l’indécision et nuire à la construction de l’identité professionnelle. Pour la personne conseillère, le bien-être devient un indicateur précieux de la dynamique interne du jeune. Il permet de saisir comment elle ou il se perçoit, s’engage, apprend à se connaître et construit du sens.
Les personnes conseillères sont invitées à demeurer critique à l’égard des différentes conceptions du bien-être.
Ses définitions peuvent parfois être floues, normatives ou idéalisées, au risque d’invalider les inégalités structurelles et de négliger les ressources propres aux contextes de vie des jeunes. Promouvoir le bien-être ne signifie pas viser une perfection psychologique, mais plutôt encourager une cohérence dynamique entre l’individu, ses besoins d’adaptation et ses projets de croissance.
Counseling de carrière et bien-être : pistes pour l’intervention
Dans une perspective de counseling de carrière, plusieurs stratégies d’intervention sont possibles pour soutenir et renforcer le bien-être des personnes adolescentes :
- Aider le jeune à reconnaître, comprendre et réguler ses émotions, tout en renforçant ses compétences psychosociales et en valorisant ses réussites, peut se faire à travers des activités psychoéducatives concrètes, comme des ateliers sur le stress, la gestion des émotions ou la reconnaissance des forces personnelles (Mastorci et al., 2020; Orth et van Wyk, 2020);
- Favoriser le développement de l’agentivité, soit la capacité du jeune à se sentir comme personne autrice, responsable et influente dans la construction de son parcours, en concevant l’entretien d’orientation comme un espace d’entraînement à l’action réfléchie, de clarification de ses valeurs, de questionnement continu de ses critères de décision, ainsi que d’apprivoisement de l’expérience d’incertitude (Avedissian et Alayan, 2021; Russo et al., 2023);
- Agir sur les contextes de vie en collaborant avec la famille, l’école et la communauté pour créer des environnements d’exploration et d’appartenance où le jeune se sent soutenu, compétent et reconnu, permet de transformer les activités éducatives, sportives, culturelles ou de bénévolat en véritables terrains d’expérimentation identitaire et vocationnelle (Ross et al., 2020; Viejo et al., 2018);
- Utiliser des outils d’évaluation du bien-être ou des entretiens exploratoires, sensibles aux aspects culturels et sociaux du concept (Orth et Wyk, 2020), portant sur les émotions, les relations sociales, le sentiment de compétence et la perception de sens, pour contribuer à explorer, mieux comprendre et mobiliser les forces et les besoins des jeunes, suivre leur évolution tout au long du processus, puis ajuster l’accompagnement, si nécessaire (Mastorci et al., 2020; Orth et van Wyk, 2020).
Penser le bien-être comme fil conducteur du counseling de carrière auprès de personnes adolescentes, c’est passer d’une logique de choix pour s’inscrire dans une logique de construction. Ce n’est plus seulement aider à « bien choisir », mais plutôt les accompagner à bien vivre ses choix, dans la cohérence avec soi, en relation avec les autres et dans l’ouverture à la complexité du monde. Pour les conseillères et conseillers d’orientation, intégrer cette perspective, c’est cultiver chez les jeunes une posture active, confiante et consciente de leur propre pouvoir d’agir sur leur avenir (Avedissian et Alayan, 2021; Mastorci et al., 2020; Orth et van Wyk, 2020; Ross et al., 2020; Russo et al., 2023; Viejo et al., 2018).
Références
Avedissian, T. et Alayan, N. (2021). Adolescent well-being: A concept analysis. International Journal of Mental Health Nursing, 30(2), 357–367. https://doi.org/10.1111/inm.12833
Cournoyer, L. (2019). Bien-être et orientation autodéterminée. MonEmpoi.com https://www.monemploi.com/magazine/bien-etre-et-orientation-autodeterminee
Mastorci, F., Bastiani, L., Doveri, C., Trivellini, G., Casu, A., Vassalle, C. et Pingitore, A. (2020). Adolescent health: A framework for developing an innovative personalized well-being index. Frontiers in Pediatrics, 8, 181. https://doi.org/10.3389/fped.2020.00181
Orth, Z. et van Wyk, B. (2020). Adolescent mental wellness: A systematic review protocol of instruments measuring general mental health and well-being. BMJ Open, 10(8). https://doi.org/10.1136/bmjopen-2020-037237
Ross, D. A., Hinton, R., Melles-Brewer, M., Engel, D., Zeck, W., Fagan, L., Herat, J., Phaladi, G., Imbago-Jácome, D., Anyona, P., Sanchez, A., Damji, N., Terki, F., Baltag, V., Patton, G., Silverman, A., Fogstad, H., Banerjee, A. et Mohan, A. (2020). Adolescent well-being: A definition and conceptual framework. The Journal of Adolescent Health, 67(4), 472–476. https://doi.org/10.1016/j.jadohealth.2020.06.042
Russo, A., Zammitti, A. et Zarbo, R. (2023). Career readiness and well-being: The mediation role of strategies for coping with career indecision. Australian Journal of Career Development, 32(1), 14–26. https://doi.org/10.1177/10384162221142747
Ryff, C. D. et Singer, B. H. (2006). Best news yet on the six-factor model of well-being. Social Science Research, 35(4), 1103–1119. https://doi.org/10.1016/j.ssresearch.2006.01.002
Viejo, C., Gómez-López, M. et Ortega-Ruiz, R. (2018). Adolescents’ psychological well-being: A multidimensional measure. International Journal of Environmental Research and Public Health, 15(10), 2325. https://doi.org/10.3390/ijerph15102325
Lise Lachance, Ph. D. est psychologue et professeure titulaire dans la section Counseling de carrière au Département d’éducation et pédagogie de l’Université du Québec à Montréal. Ses travaux de recherche se rattachent à la conciliation des rôles de vie et aux facteurs qui facilitent ou compromettent les projets personnels ainsi que les parcours scolaires et professionnels. Ils visent à mieux comprendre le processus d’adaptation et de prise de décision des individus dans l’accomplissement de leurs rôles multiples, d’importantes transitions ou d’événements de vie majeurs et à identifier les ressources et les stratégies les plus efficientes pour favoriser leur adaptation en regard de leur contexte.
Elise Martinez est étudiante à la maîtrise en counseling de carrière à l’UQAM. Elle travaille comme auxiliaire de recherche et d’enseignement et a également travaillé en tant que conseillère en développement de carrière auprès de jeunes adultes.
Louis Cournoyer est professeur titulaire à la section Counseling de carrière de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il occupe également les fonctions de directeur des programmes de premier cycle en développement de carrière. À ce titre, il enseigne au premier et au deuxième cycles des cours portant sur les théories du développement de carrière, la pratique et la supervision du counseling de carrière, ainsi que sur la santé mentale. Ses travaux de recherche s’articulent autour du modèle d’action décisionnelle adaptative, qui met en lumière le rôle des expériences de parcours de vie, des projets personnels, des contextes et de leurs forces, ainsi que des stratégies d’ajustement dans la satisfaction des besoins d’adaptation et de développement, tant sur le plan personnel que professionnel et de carrière.
Lise Lachance, Ph. D. est psychologue et professeure titulaire dans la section Counseling de carrière au Département d’éducation et pédagogie de l’Université du Québec à Montréal. Ses travaux de recherche se rattachent à la conciliation des rôles de vie et aux facteurs qui facilitent ou compromettent les projets personnels ainsi que les parcours scolaires et professionnels. Ils visent à mieux comprendre le processus d’adaptation et de prise de décision des individus dans l’accomplissement de leurs rôles multiples, d’importantes transitions ou d’événements de vie majeurs et à identifier les ressources et les stratégies les plus efficientes pour favoriser leur adaptation en regard de leur contexte.
Elise Martinez est étudiante à la maîtrise en counseling de carrière à l’UQAM. Elle travaille comme auxiliaire de recherche et d’enseignement et a également travaillé en tant que conseillère en développement de carrière auprès de jeunes adultes.
Louis Cournoyer est professeur titulaire à la section Counseling de carrière de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il occupe également les fonctions de directeur des programmes de premier cycle en développement de carrière. À ce titre, il enseigne au premier et au deuxième cycles des cours portant sur les théories du développement de carrière, la pratique et la supervision du counseling de carrière, ainsi que sur la santé mentale. Ses travaux de recherche s’articulent autour du modèle d’action décisionnelle adaptative, qui met en lumière le rôle des expériences de parcours de vie, des projets personnels, des contextes et de leurs forces, ainsi que des stratégies d’ajustement dans la satisfaction des besoins d’adaptation et de développement, tant sur le plan personnel que professionnel et de carrière.
