Un entretien avec Adrien Candiard, moine dominicain au couvent du Caire, paru dans la revue Sources de l’automne 2018, a suscité en moi cette réflexion concernant la place de la joie dans nos vies. La place qu’on y accorde ou pas, en accompagnant nos clients.
Adrien Candiard évoque la vocation comme étant un mystère à travers lequel se déploie la joie. La joie de donner, de se donner.
« Trouver sa vocation, c’est trouver l’activité, la vie dans laquelle on va pouvoir complètement se donner, tout donner. Le critère essentiel pour déterminer si l’on a trouvé sa vocation, c’est la joie, la joie que l’on a à se donner. Une vocation, c’est une sorte d’accomplissement. On a trouvé sa vocation quand on a trouvé cette place où l’on va pouvoir se donner avec joie. »
En tant que coach de carrière, est-ce que je donne dans la joie? Est-ce que je me donne, entièrement et avec la joie comme moteur de relation? Quelle réflexion intéressante!
À plusieurs reprises au cours de ma carrière, j’ai eu le plaisir de rencontrer de nouvelles recrues en entretien d’embauche. Deux questions coup de cœur leur étaient adressées : « Quelle perception avez-vous de votre rôle? » « Sur quoi appuyez-vous votre désir d’aider, d’accompagner? » Vous vous douterez bien que personne n’a jamais répondu : « Je souhaite donner, me donner avec joie et dans la joie! » J’aurais été profondément touchée, je crois, si on m’avait répondu quelque chose du genre.
Est-ce que je me donne entièrement avec et dans la joie? Est-ce que je permets cela en moi, à travers mon écoute? Est-ce que je porte cela dans ma présence à l’autre? Est-ce que j’accueille l’autre avec en moi un espace où la joie peut se vivre, se communiquer?
En fait, qu’est-ce que je devrais porter d’autre en moi, sinon la joie d’être en relation avec autrui, en contexte d’accompagnement. Pour ce moine dominicain porteur de joie, le terme « accompagnement » est important.
« Quand on accompagne quelqu’un, on va avec lui là où il veut aller. Il s’agit de l’aider à savoir où il veut aller. Certainement pas de savoir à sa place. La règle première est de n’avoir aucune idée du chemin qu’il va falloir emprunter. Il s’agit de laisser la personne échanger avec son accompagnateur. Il convient de l’aider à discerner où elle trouve la joie. »
Puis-je accompagner mon client, l’aider à discerner où il trouve la joie, si moi j’en suis dépourvue? Est-ce que ma joie est étouffée sous des piles de concepts ou de biais cumulés? Est-ce que mon ego, mon besoin d’accomplissement à moi aurait complètement saturé l’espace de joie? Si je n’ai pas la joie comme moteur d’accompagnement, qu’est-ce qui se trouve à sa place?
Aider. Donner. Se donner. Tout plein de gens vivent des burn-out en faisant cela. Est-ce que la joie ou plutôt son absence, pourrait y être pour quelque chose?
Quelle perception ai-je de mon rôle?
Sur quoi s’appuie mon désir d’aider, d’accompagner?
La joie est un puits. Le désir d’accompagner doit veiller à garder ce puits loin de l’assèchement.