Il est utile de connaître les retombées objectives du travail (Limoges, 1987, 2003, 2018) et de les mettre en parallèle avec les retombées subjectives du travail de façon à pouvoir évaluer son engagement dans une activité professionnelle. L’importance et l’utilité d’aborder les retombées du travail proviennent de leur caractère vital tant sur les plans matériel, psychologique et social. Les besoins psychologiques (plaisir, appartenance, croissance, créativité, autonomie, etc.) non comblés par la principale activité professionnelle pourront être comblés par d’autres formes d’activités professionnelles ou extra-professionnelles.
D’après Limoges, le travail, et dans une moindre mesure la formation continue, permet d’assurer sept retombées. Ce tableau illustré est un outil diagnostic. La première colonne indique ces 7 retombées. La seconde colonne propose le résultat d’une évaluation objective d’un emploi donné. Dans la troisième colonne, les retombées de cet emploi donné sont évaluées subjectivement. La quatrième colonne montre un exemple de diagnostic clinique basé sur les concordances et écarts entre visions objectives et subjectives.
Les sept retombées du travail | Retombées offertes | Retombées attendues | Évaluation de mon niveau d’engagement |
REVENUS | 1500 euros nets | 1700 euros nets | 2/10 car cette différence m’importe beaucoup pour accéder à mon autonomie financière |
RÉALISATIONS | Il faut réaliser des projets innovants et produire un service efficace | Je préfère exécuter des tâches prédéfinies sans pression | 3/10 car j’ai besoin de me développer dans l’action et l’exécution d’un projet déjà ficelé |
RELATIONS INTERPERSONNELLES | L’emploi exige beaucoup plus de relations interpersonnelles que je ne le souhaiterais | De nombreux collègues et partenaires mais les temps de travail en solitaire vont me manquer | 3/10 car le nombre de relations excède ce que je souhaite mais je pourrais me rééquilibrer en dehors du travail |
GESTION DU TEMPS ET DE L’ESPACE | Un bureau propre avec une fenêtre et un horaire flexible. Des déplacements quotidiens | De la diversité dans les lieux d’activité et de l’autonomie dans la gestion du temps | 9/10 car j’aime organiser mon quotidien et je pourrai modifier mes choix |
STATUTS | Mon diplôme est reconnu | Un statut social et une identité professionnelle qui me correspondent | 10/10 car je vais pouvoir me sentir reconnu aux niveaux social et professionnel |
RÔLES CLÉS | Participer à différentes réunions | Des rôles compatibles avec mes activités bénévoles | 10/10 car mes rôles me permettent d’assumer mes autres rôles (parent, consommateur…) |
SENS PAR RAPPORT À LA VIE | Une mission qui a une utilité et une signification sociale donne du sens à la vie | Une mission qui répond à mon besoin de sens | 9/10 car j’ai besoin de me sentir motivé par une mission significative qui me dépasse |
Mais Limoges rappelle que l’emploi parfait n’existe pas. L’atteinte de 2 à 4 retombées importantes serait essentielle pour atteindre un emploi considéré comme décent.
Le bonheur au travail est une notion bien trop difficile à définir. Aussi depuis la proposition de Diener (1984) le concept de bien-être subjectif lui est préféré. Ainsi nous pouvons aborder le bien-être subjectif au travail à travers l’autoévaluation de la qualité et du niveau de bien-être. Cette autoévaluation comprend l’estimation d’un degré de bien-être ou d’un niveau de satisfaction par exemple en pourcentage ou sur une échelle de 0 à 10. Elle comprend aussi l’évaluation de la nature émotionnelle de la satisfaction en qualifiant une émotion par exemple la joie, l’enthousiasme, la motivation, la stimulation…
Afin d’accroître le bien-être subjectif au travail et donc au fond optimiser le maintien professionnel (l’équilibre entre obsolescence et épuisement), chacune des 7 retombées du travail peut être associée à des exercices de gratitude issus du mouvement de la psychologie positive. Les données probantes se sont accumulées ces deux dernières décennies et avec le recul les résultats de plusieurs études nous amènent à enrichir nos interventions en développement de carrière. Selon Emmons (2003, 2010), Seligman (2006), Watkins (2016), les exercices de gratitude augmentent significativement le bien-être subjectif des individus. Certains exercices comme « les 3 bonnes choses » et la « lettre de gratitude envers quelqu’un » produisent un effet bénéfique à long terme y compris l’allongement de la durée de vie.
Par exemple, l’élément « Revenus » peut être revisité avec un sentiment de reconnaissance : aidant ou aidé, pensez à vos revenus et aux avantages qu’ils vous apportent sur le plan matériel mais aussi sur le plan de la conscience et de la concrétisation de certaines valeurs (autonomie, liberté, pouvoir…). Ressentez l’effet de ces bénéfices et rédigez une lettre de gratitude envers la ou les personnes à la source de ces revenus en précisant la façon dont ces revenus contribuent à votre bien-être en particulier et à votre vie en général. Ressentir un sentiment de reconnaissance peut aussi représenter une étape adaptative dynamique vers une retombée plus désirable. Cependant il n’est pas nécessaire de réaliser ce type d’exercice par écrit. Le simple fait de mentaliser et de ressentir cette reconnaissance produit un effet mesurable.
Un tableau-outil d’intervention :
DÉVELOPPER SON MAINTIEN PROFESSIONNEL avec la psychologie positive
Le travail permet d’assurer 7 retombées qui ont un caractère vital | Reconnaître les retombées et ressentir la gratitude au présent favorise un futur désirable | Ressentir la gratitude envers le futur désirable contribue à dynamiser positivement le présent |
REVENUS | ||
RÉALISATIONS | ||
RELATIONS | ||
TEMPS ET ESPACE | ||
STATUTS | ||
RÔLES | ||
SENS |
La gratitude (2e colonne) permet d’apprécier les bénéfices des retombées du travail. Se voir dans le futur (3e colonne) apporte un bien-être subjectif plus élevé et durable (Sheldon et Vansteenkiste, 2005 ; Roberts et al, 2007 ; Watkins, 2016 ; Seligman, 2016, 2019).
En conclusion, la reconnaissance de 2 à 4 retombées « hautes » permet :
- d’identifier un emploi décent (diagnostic)
- d’en apprécier les bénéfices matériels, psychologiques et sociaux (gratitude)
- d’en augmenter les bienfaits et de les faire durer (meilleur moi futur)
Références
Braconnier, A. (2019). La peur du futur. Comment ne plus s’angoisser. Paris. Pocket
Limoges, J. et al. (2001). Stratégies de maintien au travail et dans d’autres situations de vie. Québec. Les éditions Septembre
Limoges, J. (2018). La dynamique individu-étude-travail. Paris. Quiplusest
Seligman, M. (2016). S’épanouir. Pour un nouvel art du bien-être. Paris. Pocket