La recherche en intelligence artificielle fait des progrès considérables et avance au pas de course. Le développement de carrière est impacté par ces outils notamment par le robot conversationnel. Montréal est l’un des berceaux à la fois du counseling de carrière et de l’intelligence artificielle. Quelle va être la valeur de l’intelligence humaine dite naturelle?
Plusieurs dimensions humaines sont questionnées : la place du bon sens, de la philosophie, de la relation, de la découverte, de la compréhension, de l’action, de l’enthousiasme, de la conscience, de l’intentionnalité, du rêve, du désir, de la compassion, de la liberté, de l’autonomie, de la créativité, de l’empathie, de l’imagination, de l’émotion, de la pensée, du corps, de la finesse d’esprit mais aussi émotionnelle et corporelle, du discernement, de la subjectivité, de l’unicité, de l’imprévisible, de la responsabilité, de l’éthique, du bonheur, du sens de la vie, de la réalisation de soi, etc. Quelle est notre peur liée à un environnement inondé d’outils artificiellement intelligents? Jusqu’où ira le robot conversationnel (en anglais ChatBot) en orientation et en gestion de carrière des humains?
L’intelligence artificielle peut être définie comme un « ensemble de technologies visant à réaliser informatiquement des tâches cognitives traditionnellement effectuées par l’humain » (www.strategie.gouv.fr). L’intelligence naturelle est relative aux capacités d’adaptation proprement humaines décrites plus haut (bon sens, etc.). L’interface entre humains et machines est à l’œuvre depuis plusieurs décennies maintenant. Cette interaction humain-machine ne peut être ignorée. Mesurons-nous combien les évaluations et interventions en orientation, en développement de carrière sont impactées par ces outils ?
Réalité : la conseillère devant son écran, une cigarette électronique dans une main et la souris sans fil dans l’autre main interagit avec sa tablette. Une alarme sur son téléphone portable lui rappelle que la rencontre de counseling en ligne va commencer dans 5 minutes…
Fiction : Ema s’arrête au relai pour faire le point. En 2041, les points-relais sont répandus sur l’ensemble de la planète. Un ChatBot aide tout un chacun à faire le point à tout moment, en tout lieu, dans toutes les langues connues avec un menu de plusieurs centaines de méthodes. 5 minutes plus tard sa bague digitale lui donne l’heure juste de ses pensées, intérêts, valeurs, aptitudes, croyances, schémas du moment et des options ou opportunités offertes là où elle le souhaite ou à n’importe quel endroit de la terre voire au-delà. Qui sait?
L’écran et le clavier sont sur le point de rejoindre le musée de la technologie. Qu’est-ce qui pourrait empêcher une cliente ou un client comme à l’intervenante ou à l’intervenant de se projeter dans une évaluation digitale puis une intervention virtuelle? Cette réalité virtuelle serait par exemple un lieu de formation. La cliente ou le client pourrait simuler un processus d’admission. Dans un milieu de travail, la cliente ou le client pourrait simuler un entretien de carrière. Comment interagir humainement avec ces objets-assistants-interconnectés?
Les systèmes automatisés assistent les humains. La cybersubjectivité ressemble à un cybernous : une interconnexion Humain-Machine teintée d’espoirs mais aussi de peurs de perdre le contrôle. En 2046, un ChatBot holographique à domicile scanne la subjectivité la plus intime d’Ema et un logarithme sensoriel calcule ses opportunités en même temps que ses probabilités de satisfaction. Ema prend-elle le temps de ressentir la vie, de réfléchir sur son expérience, d’intégrer l’instantanéité de son expérience?
Quels sont la place et le poids d’un counseling de carrière lent, progressif, intersubjectif, interactionnel face à la puissance digitale? Des réponses se trouvent peut-être dans l’interface entre les machines et les dimensions humaines inaliénables dont la valeur resurgit. Qu’en pensez-vous?
Les produits de l’ère digitale ne peuvent penser à notre place, choisir une philosophie de vie à notre place, prendre des décisions à notre place, aimer notre formation ou notre travail à notre place. Une machine ne peut tout simplement pas occuper notre place de la manière unique, non réplicable que nous avons de l’incarner. Une machine ne peut avoir aucun regard pénétrant et ne peut saisir l’essentiel du point de vue de chaque individu, points de vue qui peuvent évoluer à chaque instant.
Finalement, pour le moment, l’intelligence artificielle ne peut remplacer l’intelligence humaine car elle ne développe ni conscience ni créativité ni esprit critique mais simplifie ou facilite, parfois grandement, la vie en formation, au travail, à partir du moment où cette interface est investie de façon choisie. Les produits de l’intelligence artificielle sont des systèmes automatisés donc des outils qui ne peuvent décider à la place d’un être humain. Composer avec la technologie ne signifie pas s’y soumettre. Par contre, lorsque la technologie est imposée il est possible de s’interroger sur la place de l’être humain puisque fondamentalement il est libre de ses choix. Les outils automatisés traitent les informations. Ce sont des humains qui décident d’explorer, d’interpréter, de retenir et de combiner les informations qui seront traitées. Aucun outil ne peut se substituer à la responsabilité humaine à moins que nous n’ayons décidé de confier notre pouvoir à un système, automatisé ou pas, qui nous prive ou au contraire nous permet de gagner en autonomie. Mais une interaction avec un robot conversationnel, soit une « relation » humain-machine, nous rendra-t-elle plus humain? Irons-nous vers un cybercounseling de carrière adapté aux nouveaux modes de vie ou vers le développement d’un «cyberanticounseling» qui consisterait à s’aider soi-même à l’aide d’outils artificiellement intelligents?
Références webographiques
https://www.cidj.com/emploi-jobs-stages/intelligence-artificielle-quel-impact-sur-l-emploi