Il y a bientôt dix ans, j’ai été happée par une vague qui m’a emportée sur une plage d’où, sous un angle différent, j’ai pu observer le ressac que provoquait l’indécision chez les clients qui me consultaient en counseling de carrière et qui peinaient dans leur choix de vie personnelle et professionnelle.
Cette vague, c’est la troisième des approches cognitivo-comportementales (TCC). Dans un courant psychothérapeutique, une vague constitue un ensemble d’énoncés, de méthodes et de buts qui organise la recherche, la théorie et la pratique autour de caractéristiques communes en ce qui a trait à leur philosophie. Abrégée par l’acronyme ACT, la Thérapie de l’acceptation et de l’engagement est une approche intégrative et expérientielle.
Selon l’ACT, la source des troubles mentaux et des problématiques que vit une personne, les difficultés qu’elle rencontre, petites ou grandes, y compris l’indécision chez nos clients, ne se situent pas à l’intérieur d’elle mais plutôt dans la relation qu’elle entretient avec ses pensées et ses émotions.
Ainsi, l’ACT s’articule autour de six processus conçus et organisés pour encadrer les interventions : Contact avec le moment présent – Clarté des valeurs – Défusion – Acceptation – Action engagée – Prise de perspective. Et les interventions pour aider nos clients à se donner une vie pleine et riche de sens s’articulent autour des deux axes fondamentaux suivants :
- accepter ce qui est hors de son contrôle personnel (pensées, émotions, sensations, souvenirs, etc.);
- et s’engager à agir en direction de ce qui est important pour soi.
Combiner l’acceptation et les actions que l’on pose en direction de ses valeurs permet à une personne d’agir de façon plus flexible selon les différents contextes de sa vie.
L’ACT a été adaptée à notre pratique de counseling de carrière afin d’ancrer nos interventions à ces processus et les structurer selon ce cadre théorique. L’ACT permet d’observer avec empathie et compassion le client qui lutte contre l’inconfort que lui apportent les vagues constantes et incessantes de ses pensées difficiles et de ses émotions désagréables. Car tout comme les vagues dans l’océan, on ne peut arrêter notre tête de penser, ni non plus arrêter les émotions qui émergent de notre expérience intérieure. Et avec l’ACT, on apprend à surfer sur les vagues de l’inconfort.
Passer à l’ACT dans ma pratique de counseling m’a appris à considérer mon client comme « un coucher de soleil à contempler plutôt que comme un problème de maths à résoudre ».
Que veut dire cette métaphore? J’observe mon client avec curiosité et bienveillance plutôt que de tenter de régler son problème. J’ai cessé de tenter de lui trouver des solutions (et Dieu sait que je suis bonne pour le faire!). J’ai cessé de vouloir et de faire à sa place.
Qu’il s’agisse de l’élève qui peine à répondre à mes questions, ou du client volubile dont la verbo-motricité scrute son expérience à l’infini; ou l’étudiant si anxieux qu’il procrastine et inonde ses propos de « oui, mais »; sans parler de l’étudiant démotivé devant ses études ou celui qui, rencontre après rencontre, revient sans avoir fait les activités prévues. Mes interventions psychologiques l’aident à sortir de la spirale inefficace de ses actions d’évitement.
L’ACT me donne les outils nécessaires pour évaluer de façon rigoureuse le fonctionnement et la situation de mon client. Elle encadre ma conception des interventions et me guide pour intervenir. Sans oublier qu’elle me permet aussi de mesurer l’impact de ces dernières chez mon client. Ces éléments sont essentiels puisqu’ils répondent à quatre des six compétences du profil du conseiller d’orientation tel qu’il est exigé par l’OCCOQ, mon ordre professionnel.
Alors j’ai cessé de tenter de mettre mon client en action en lui demandant d’exécuter des activités qu’il n’arrive pas à accomplir, et je ne tombe plus dans le piège d’acquiescer automatiquement à sa demande de passer des tests pour « mieux se connaître ».
Car se connaître, ce n’est pas seulement identifier mes caractéristiques personnelles, mes intérêts, mes forces, etc. C’est observer comment mon expérience intérieure me coince dans l’inertie et dans l’indécision et comment j’y réagis.
J’interviens en l’aidant à identifier les obstacles qui le freinent et les difficultés qui, souvent, le paralysent, et je clarifie ce qui donnerait un sens à ses études et à son travail. Cela lui permet d’enlever quelques étiquettes qui le stigmatisent et qui, bien souvent, augmentent son sentiment d’impuissance. Contextualiser, avec lui, son fonctionnement et sa situation lui permet d’identifier les comportements qui l’éloignent momentanément de son inconfort et qui le maintiennent dans une boucle d’indécision et d’émotions dans laquelle il est coincé.
J’observe et j’apprends à mon client à observer. Ainsi, j’agis sur son indécision et je contribue à l’outiller pour le reste de sa vie. Je lui apprends à observer ses comportements d’évitement et la souffrance qu’ils engendrent. Je l’aide à clarifier qui ou quoi est important pour lui et ce qui donne un sens à sa vie par le biais de ses actions quotidiennes, petites ou grandes. En fait, je lui apprends à surfer!