Nos villes accueillent des ressortissants de pays en guerre mais le trauma dépasse ces situations extrêmes. Pour Vanistendaël, la résilience est la
« capacité de vivre le traumatisme comme une étape normale de la vie, d’en accepter les conséquences, de tirer des leçons des expériences négatives et de continuer à avancer ».
La Fondation Canadienne pour le Développement de Carrière propose d’appliquer la résilience au développement de carrière.
Serait-il exceptionnel d’accompagner des personnes victimes d’un trauma direct ou indirect (témoins d’une scène violente ou affectées par un climat de violence)? Quand les conseillères et conseillers au fait des techniques neuro-organiques telles que Braingym, Psychothérapie Corporelle Intégrée (PCI), Tensions Releasing Exercices (TRE), Emotional Freedom Technique (EFT)… pourront-ils compter sur des données probantes? Fils d’un père torturé pendant la guerre et d’une mère brutalisée, enfant maltraité, auteur et victime de violences conjugales, papa parfois maltraitant, victime et témoin d’agressions physiques, verbales et psychologiques, harcelé au travail, j’ai exploré à titre personnel et professionnel le trauma.
La réduction du stress par exemple basée sur la pleine conscience (MBSR) bénéficie de données probantes depuis des années. La diminution de l’anxiété et du stress produit des résultats prévisibles en counseling de carrière. Cependant maintenir une alliance de travail avec une personne victime d’un trauma est un défi difficile à relever. Comment faire avec le possible? Quelle est l’utilité de proposer des techniques neuro-organiques au plus tôt?
Keleman considère que l’approche cathartique est potentiellement nuisible. Il propose de privilégier une approche éducative de gestion de soi qui réunit corps et esprit (en 5 étapes). Considérant le corps comme un réseau global associé à l’esprit, nous ouvrons la porte à de multiples manières d’accompagner la résilience professionnelle. L’abandon corporel, la gymnastique sensorielle, l’antigymnastique, le Qi Qong, le yoga… permettent une mobilisation de ressources internes autres que rationnelles ou émotionnelles.
Ces techniques psychocorporelles à visée éducative associant corps et esprit aux formes d’intervention habituelles facilitent l’accès à des informations utiles. Parfois les blocages se lèvent et ce, tout en permettant de développer l’équilibre personnel et professionnel. Elles mobilisent la pulsation et l’énergie du corps. Cette énergie sera fort utile au développement.
L’intégration par les mouvements oculaires (IMO) utilisée pour traiter les situations de stress post-traumatique a sa place en counseling de carrière au Québec. En France l’EMDR qui a bénéficié d’une validation scientifique trouve davantage sa place.
Voyons avec Yves et Nathalie deux pratiques exemplaires d’une technique neuro-organique intégrée dans une intervention qui reste au service du développement de carrière.
Yves, 34 ans, consulte pour définir un projet de formation continue. Au fur et à mesure des rencontres sa réflexion se précise. Entre chaque rencontre, il fait de nouvelles recherches correspondant à son principal centre d’intérêt et à son objectif professionnel. Il arrive à la quatrième rencontre bien informé sur les programmes de formation. Cependant il ne peut pas passer à la concrétisation. Il tourne en rond : une recherche d’informations générant une nouvelle recherche d’informations, etc. Comment intervenir à ce moment du processus, par la pensée, par l’émotion, par le corps, par une combinaison de techniques? Préalablement il est intéressant de nommer notre observation (confrontation), de lui demander comment il s’explique ce qu’il se passe. Il prend conscience d’une barrière interne puis d’un moi privé inaccessible pour le moment. Un mur intérieur se dresse entre la partie de lui qu’il contrôle et une partie de lui hors de son contrôle qui l’empêche d’aller vers la réalisation de soi. Comment l’accompagner? Comment l’aider à remettre sa capacité d’action au service de son objectif? Différentes techniques sont envisageables. Dans ce cas, la verbalisation reste limitée face à un mécanisme biologique d’action inhibé. Après avoir nommé ce mécanisme latent il est possible de lui proposer une technique inspirée d’exercices somatiques (S. E., Schore, 2008). Une application possible consiste à lui demander de parler de son intérêt et de son objectif tout en courant sur place, assis, conscient des mouvements et de sa respiration pour remobiliser son mécanisme inné d’action. Il appartient à l’intervenant de trouver un moyen adapté de restaurer les conditions de l’autonomie de l’individu.
Nathalie, 27 ans, vit chez ses parents. Elle est sans qualification et sans travail. Elle vient d’entrer en formation continue et n’a déjà plus la force de poursuivre. Elle commence à s’absenter et prend conscience qu’elle court à l’échec. Son état d’esprit est particulièrement négatif. Son cousin est mort en s’immolant après avoir immolé sa femme. Nathalie est en état de choc. Vivre chez ses parents devient insupportable. Son père crie quotidiennement. Sa formation exige du travail à la maison. À la bibliothèque son esprit est ailleurs. La séance se poursuit avec une série de mouvements oculaires. Elle revient sur un récit de sa situation. Nous lui demandons de l’écrire puis d’imaginer la suite de l’histoire. « Il est 15 h 40 et … ». Aucune issue ne lui vient à l’esprit. Nous maintenons l’exercice écrit avec l’intention d’aborder la notion de frontière mais avant de communiquer cette intention lui vient un désir que les cris à la maison cessent. Ensuite elle exprime l’envie de sortir d’elle la haine emmagasinée… Elle se surprend à sourire devant sa production : « Eh on dirait que ça prend forme! »…
Références webographiques et bibliographiques
https://www.capres.ca/wp-content/uploads/2015/01/Resilience-programme-detudes-mars07.pdf
https://trauma-informed.ca/wp-content/uploads/2013/10/Trauma-informed_Toolkit_fr_revised.pdf
Heller, L. et LaPierre, A. (2015). Guérir les traumatismes du développement. Paris. InterEditions
Schore, A. N. (2008). La régulation affective et la réparation du Soi. Montréal. Les Editions du CIG
