Est-il souhaitable et possible de limiter, voire d’optimiser, le temps durant lequel nos clients pataugent dans leur difficulté? Le counseling de carrière ne cesse de s’enrichir avec l’évolution des sciences et des pratiques. Serait-il utile d’aller chercher des ressources sans se préoccuper du problème, du moins dans un premier temps ? Dans l’affirmative, il ne s’agit pas de fuir le problème ou la difficulté mais de l’aborder différemment en stimulant le potentiel de développement. Lors de mon séjour pour études à Sherbrooke, Nicole Yergeau me fit découvrir le questionnaire des forces de caractère. Peterson et Seligman ont identifié 24 forces de caractère dont l’utilisation en counseling de carrière représenterait un apport bénéfique. Quel est cet apport pour les clients?
Seligman suggère une entrevue type basée sur la recherche autour des forces de caractère. Cette technique vise donc directement les ressources. Selon les résultats de ce courant de recherche, le simple fait d’utiliser régulièrement nos forces dans nos activités accroît notre bien-être. On pourrait parler ici de facteurs de protection qui constitueraient le point de départ et le point d’arrivée d’une entrevue ou d’une série d’entrevues. Lecomte et Savard de leur côté présentent 3 phases d’intervention bien connues des conseillers d’orientation formés en counseling de carrière au Québec. Pourquoi ne pas croiser la suggestion de Seligman et l’approche de Lecomte et Savard ? Leur approche du counseling de carrière fait référence à 3 phases d’intervention qui se succèdent en boucle. L’entrevue type suggérée par Seligman se déroule en 3 étapes auxquelles nous ajoutons 2 étapes d’évaluation et d’ajustement, au besoin, pour aligner davantage nos activités sur nos forces. Et pourquoi ne pas aider nos clients à augmenter leurs forces en les alignant sur les activités qu’ils aiment ou aimeraient! Quelles sont ces étapes et comment s’articulent-elles avec les 3 phases d’intervention du counseling de carrière qui ont pris forme au Québec?
1. Utiliser un questionnaire pour découvrir nos 3 ou 4 principales forces de caractère (les intervenants peuvent aussi s’appuyer sur leurs propres forces)
La première étape consiste à les identifier et à repérer nos 3 ou 4 principales forces à l’aide du questionnaire disponible en ligne gratuitement. La passation prend une quinzaine de minutes. Elle est offerte dans de nombreuses langues (dernièrement une cliente l’a passé en polonais). Aussi, il peut être intéressant de repasser le questionnaire 6 mois ou 1 an après la première passation ou encore quelques années plus tard pour constater l’évolution de nos principales forces. Pour le milieu scolaire, Seligman propose même une version du questionnaire pour les enfants (Seligman, 2015, p320).
2. Trouvez des tâches permettant de les utiliser dans nos activités régulières
Si ce n’est déjà fait précédemment, c’est à partir de cette 2e étape que la phase d’exploration (phase 1) peut commencer. Elle consiste à découvrir ensemble les tâches concrètes qui vont nous permettre d’utiliser nos forces et même parfois de les développer, augmentant d’autant plus les facteurs de protection. Cette recherche des tâches permettant d’utiliser nos forces est aussi l’occasion d’explorer nos intérêts, nos valeurs, nos aptitudes et nos croyances. Le croisement de cette 2e étape de recherche avec la phase d’exploration crée une synergie qui renforce les facteurs de protection. De plus, la phase de compréhension croisée avec cette recherche de tâches peut nous amener à nous interroger sur le sens de nos activités, sur ce qui fait qu’une activité est importante pour nous et qu’une tâche est plus importante qu’une autre pour nous.
3. Réservez plusieurs heures chaque semaine pour les utiliser
Arrive ici la phase de concrétisation, dite aussi phase Action, qui permet de définir un plan d’action et de mettre en œuvre ce plan d’action à savoir une ou plusieurs tâches qui vont occuper une place dans notre emploi du temps, et ce, de façon régulière.
4. Évaluer la pertinence de nos choix d’utilisation de nos forces
Si en counseling de carrière l’évaluation est partagée et continue tout au long du processus, il convient, pour le moins après la réalisation effective des tâches choisies, d’estimer si elles apportent le bénéfice escompté. Si la valeur ajoutée n’est pas au rendez-vous, il serait alors utile de passer à l’étape suivante.
5. Choisir de nouvelles tâches plus appropriées ou bien ajuster autant que nécessaire les tâches et/ou le temps consacré à les réaliser
Trouvez des tâches permettant d’utiliser nos forces peut prendre plus ou moins de temps selon les individus en fonction de leur parcours, de leur personnalité, de leur motivation et selon leur contexte familial, scolaire, professionnel, social, culturel et économique. L’étape d’ajustement peut représenter un processus d’apprentissage à lui seul pour non seulement réviser le choix des tâches mais aussi pour acquérir des aptitudes à la gestion de son nouvel équilibre tant personnel que professionnel.
La découverte de nos forces suscite la curiosité et l’ouverture quant à notre identité, ouvre le regard, crée de nouveaux schémas de pensée, rehausse l’estime de soi et facilite l’exploration de nos intérêts, de nos valeurs et de nos aptitudes. Elle donne plus de motivation à se connaître et à connaître l’environnement. Elle contribue aussi à alimenter notre désir d’action notamment en matière de choix de carrière, d’insertion et de maintien professionnel, c’est-à-dire d’équilibre en nous protégeant des émotions pénibles mais aussi des risques de sous-régime (zone et état d’obsolescence selon Vachon) et de surrégime pouvant conduire au burn-out. Après les avoir identifiées, utiliser nos forces suscite des émotions agréables, accroît la motivation à agir et fait émerger naturellement notre personnalité positive. Ces forces qui peuvent être appelées aussi valeurs représentent un aspect de ce que nous nommons personnalité positive. Un counseling de carrière qui s’appuie sur la personnalité positive produira encore plus de bienfaits pour les bénéficiaires ainsi que pour les intervenants et intervenantes.
Quelques références
Gérard Egan, La communication dans la relation d’aide, Beauchemin Chenelière Editeur, 2006
Jacques Limoges, Stratégies de maintien au travail et dans d’autres situations de vie, Septembre éditeur, 2007
Martin Seligman, Pratiquer la psychologie positive au quotidien, InterEditions, 2015