Dans l’article précédent “Pourquoi parler d’orientation à la retraite”, nous avons vu différents facteurs à considérer en fin de carrière afin de maintenir un bon niveau de satisfaction dans son quotidien. Différents besoins et considérations entrent en ligne de compte selon l’individu. Par exemple, un besoin de contribuer et de se sentir utile est souvent ressenti par les retraités souhaitant ne pas être retirés de la vie en se retirant de leur occupation professionnelle principale. Toutefois, si l’on voit la pertinence de parler d’orientation à la retraite, le fait-on de la même façon qu’avec des clients plus jeunes? Nous aborderons ici quelques nuances à apporter dans notre intervention.
Besoin de se redéfinir comme individu
Au cours du développement de la carrière, les objectifs de la personne sont appelés à changer à différentes étapes. Comme nous l’avons vu au premier article, il peut même arriver qu’une personne ayant gravi les échelons durant sa carrière préfère éventuellement une occupation plus modérée en termes de niveau de responsabilité ou de complexité. On entend parfois des gens souhaiter ne plus être au centre des décisions ou de la résolution de problèmes. Un repositionnement de leurs sources de satisfaction au travail est alors requis.
Il est également fréquent qu’une personne se retrouve à suivre sa carrière en fonction de ses obligations et responsabilités. Au fil du temps, si la personne n’est pas suffisamment vigilante, elle se laisse définir par ses obligations et ses descriptions de tâches. Par exemple, elle se retrouve dans une fonction plus ou moins choisie et y évolue pour ensuite réaliser qu’elle s’est bien éloignée de ses intérêts initiaux. Certains de ses intérêts, de ses compétences, voire même des volets de sa personnalité, se retrouvent mis de côté pendant plusieurs années au détriment de son épanouissement.
Selon ces perspectives, il semble essentiel que la personne en fin de carrière se redéfinisse comme individu pour se repositionner au cœur de ses choix. Cette réappropriation de son identité et de ses aspirations doit aussi s’accompagner d’un bilan de sa carrière jusqu’à ce point.
- Quelles sont ses expériences significatives, positives ou négatives? Qu’en retire-t-elle?
- Quelles sont les réalisations dont elle est le plus fière?
- Quel est son niveau de satisfaction global?
- Est-ce cohérent avec ses aspirations initiales?
- Qu’aurait-elle voulu réaliser qu’elle n’a pas fait? Pour quelles raisons?
- Est-il encore possible de le faire?
- Si non, y aurait-il une façon indirecte d’y arriver? Y a-t-il un compromis possible?
Limoges (2008)i complète la réflexion en référant à Riverin-Simard (1984) qui parle du “troisième tiers de carrière” comme étant “la période ultime pour boucler ce qui est à boucler” (p. 17). Il fait ressortir le besoin de l’individu à cette étape de donner et de transmettre ses savoirs (savoir, savoir-faire et savoir-être), comparant le leg professionnel au leg testamentaire. Il parle aussi de la réticence des gens à se pencher sur la question de leur leg professionnel et présente une méthode de “bilan professionnel approfondi” (p. 25) en support à la réflexion. Il parle aussi de deux nouveaux savoirs requis au troisième tiers de carrière, soit “savoir-rester et savoir-partir” en faisant référence à la période de “recherche d’une sortie prometteuse” de Riverin-Simard.
Choix et possibilités
Au cours des dernières décennies, le développement du secteur tertiaire a généré beaucoup de travailleurs du savoir. Statistique Canada (2017)ii observe d’ailleurs une augmentation de la proportion de personnes de 55 ans et plus ayant un diplôme universitaire, passant de 9 % en 1996 à 20 % en 2016. Plus éduquées, ces personnes sont plus en forme parce que moins usées par un travail physiquement ardu. Elles gardent donc le goût du défi et le désir de contribuer encore à la société en utilisant – et peut-être en transmettant – leurs savoir, savoir-faire et savoir-être. Le leg professionnel prend ici tout son sens.
Néanmoins, lorsque l’on parle d’avancer en âge, l’envergure des projets sera inévitablement influencée par les capacités de la personne qui pourront varier à travers le temps. Ces capacités pourront changer de façon temporaire, comme dans le cas d’une blessure ou d’une courte maladie, mais pourront aussi changer de façon plus définitive.
La détermination de nouveaux projets doit donc considérer des exigences physiques plus modérées, ainsi qu’envisager des accommodements possibles. On peut même établir un plan d’action en différentes étapes s’adaptant aux besoins de la personne. Par exemple, une personne peut souhaiter prioriser un projet qui lui tient à cœur pendant qu’elle a encore de grandes capacités, puis garder en banque des idées de projets à réaliser si ses capacités viennent à changer. Ainsi, la perspective longitudinale des projets sera différente qu’avec une clientèle plus jeune.
Pour ceux qui conservent une passion pour ce qu’ils font et qui souhaitent poursuivre la pratique de leurs activités professionnelles, ils ont la possibilité de le faire de différentes façons telles que :
- Poursuivre leur emploi au-delà de leur admissibilité à la retraite, peut-être dans des conditions plus souples;
- Reprendre leur activité professionnelle sous une base contractuelle selon leurs conditions et disponibilités;
- Partager leurs savoirs (savoir, savoir-faire et savoir-être) par le mentorat, la formation, le bénévolat d’expertise, etc.
Tout dépendant des intérêts et besoins de la personne, une grande variété de choix s’offre à elle. Elle peut retourner sur le marché du travail, démarrer une entreprise ou devenir travailleur autonome, s’impliquer bénévolement, faire du mentorat, faire du volontariat international, expérimenter de nouvelles activités, développer de nouvelles connaissances comme à l’Université du troisième âge, s’intégrer dans de nouveaux réseaux, etc. C’est l’occasion d’enfin faire ce dont elle a toujours rêvé, même de devenir une artiste! Plusieurs ressources sont disponibles aux retraités selon leurs milieux. Les municipalités et bibliothèques municipales sont de bonnes sources de départ, en plus de nos ressources habituelles en orientation.
Conclusion
Une démarche d’orientation en fin de carrière ou à la retraite a les mêmes fondements qu’une démarche faite plus tôt dans la carrière. Les types de personnalité, les intérêts, les valeurs, les aptitudes et les besoins sont toujours au cœur des réflexions. C’est principalement le bilan, la perspective longitudinale et les considérations de santé qui viennent influencer les projets. Cependant, si la pertinence de nos services est claire, le défi demeure de les faire connaître auprès de ces gens qui nous croient majoritairement dans les écoles!
Références :
[i] Limoges, J. (2004). Vade-Mecum – Pour un troisième tiers de carrière porteur de vie. Les Éditions GGC, Sherbrooke. [ii] Statistique Canada (2017). Regards sur la société canadienne – L’incidence du vieillissement de la population sur les taux d’activité du marché du travail. (En ligne) https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/75-006-x/2017001/article/14826-fra.htm
Pourquoi parler d’orientation à la retraite – Partie 1