Pour un accompagnement d’orientation au service du travail décent et de la dignité des travailleurs
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Pour un accompagnement d’orientation au service du travail décent et de la dignité des travailleurs

Les professionnels du développement de carrière sont de plus en plus invités à tenir compte, dans leurs accompagnements, de la qualité des emplois vers lesquels ils orientent leurs bénéficiaires. Ils ne peuvent en effet pas faire abstraction de nouvelles réalités du monde du travail, comme l’« uberisation » des emplois, les « jobs à la con », le « précariat » ou la multiactivité (slashing). Cela implique une compréhension fine des menaces à l’épanouissement dans la sphère professionnelle que ces réalités comportent. Ces menaces peuvent autant toucher la décence du travail exercé que la dignité des travailleurs qui l’exercent. Ultimement, elles soulèvent la question de la durabilité des carrières et des finalités de l’orientation.

Promouvoir le travail décent

Partant de la conception initialement proposée par l’Organisation internationale du travail, un emploi peut être considéré comme décent lorsqu’il est rémunéré adéquatement, qu’il s’exerce dans des conditions sécuritaires, qu’il propose des horaires permettant de se ressourcer et de s’investir dans d’autres sphères de vie, qu’il est associé à des protections de santé et qu’il véhicule des valeurs cohérentes avec celles de la personne et de sa communauté. La récente théorie de l’activité de travail (Psychology of Working Theory) et les recherches qui s’y appuient montrent que l’accès à un travail décent est souvent empêché par des facteurs contextuels (p. ex. un faible statut socioéconomique ou l’appartenance à des groupes sociaux marginalisés), mais aussi que des variables psychosociales, comme la volition de carrière, la conscience critique et le soutien social, peuvent jouer un rôle dans ce processus. En conséquence, le counseling d’orientation visant à promouvoir l’accès à un travail décent doit autant tenter de réduire les inégalités sociales (p. ex. en défendant les droits des personnes marginalisées et précarisées) que de renforcer les travailleurs dans leur pouvoir d’agir, dans leur capacité à rebondir face à l’adversité, voire à lutter contre les injustices dont ils sont victimes et à les dénoncer.

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Préserver la dignité des travailleurs

Toujours est-il que, pour être épanouissant, un emploi ne peut pas se limiter à être décent. De récentes recherches montrent qu’au-delà du respect de conditions objectivement acceptables et justes (salaire, horaires, sécurité, etc.), le travail devrait également permettre aux travailleurs de s’y identifier et de lui donner du sens, bref de préserver et soutenir leur dignité. La dignité au travail est alors garantie lorsqu’un emploi amène la personne à exercer des tâches intéressantes, significatives et perçues comme socialement utiles, à se développer et construire une identité professionnelle et personnelle positive, et à construire des projets d’avenir sans crainte de précarisation.

Dit autrement, un emploi peut être considéré comme digne s’il répond aux attentes du travailleur envers la sphère professionnelle et lorsqu’il contribue à donner un sens à sa vie.

À ce niveau aussi, les professionnels de l’orientation ont un rôle clé à jouer. Autant par du testing qu’en s’appuyant sur des outils qualitatifs, ils peuvent évaluer avec précision le sens et le rapport au travail des bénéficiaires, juger de la capacité de l’emploi exercé de répondre à ces attentes, et, au besoin, aider la personne à reconnaître et à intégrer une situation professionnelle susceptible de mieux répondre à ces attentes et, ultimement, de soutenir sa dignité.

Quid de la durabilité ?

Que ce soit pour promouvoir des conditions de travail décentes ou la dignité des travailleurs, l’accompagnement d’orientation contemporain ne peut pas non plus faire abstraction du contexte plus large dans lequel évoluent ses bénéficiaires et, plus particulièrement, des enjeux de durabilité qui menacent le monde contemporain. Un nombre grandissant d’auteurs en développement de carrière invite ainsi à considérer non seulement l’épanouissement individuel, mais également la manière dont tout travailleur peut contribuer au bien-être de tous et à un monde meilleur. Une dimension éthique et collective s’immisce alors dans les réflexions sur le counseling d’orientation. Ces réflexions sont aujourd’hui très fécondes et décisives pour ce qui a trait aux finalités et à l’avenir même de notre – noble – métier. Comme le suggérait Jean Guichard en 2016, orienter aujourd’hui reviendrait peut-être à faire en sorte « que chacun conduise sa vie active de manière telle que son travail, ses produits et les modalités de leurs échanges, contribuent au développement d’un bien vivre, avec et pour autrui, dans des institutions justes, assurant la pérennité d’une vie authentiquement humaine sur terre » (p. 187).

Pour aller plus loin
  • Guichard, J. (2016). Life- and working-design interventions for constructing a sustainable human(e) world. Studia Poradoznawcze/Journal of Counsellogy, 5, 179-190.
  • Masdonati, J., & Rossier, J. (2021). Vers une orientation au service de la durabilité. In V. Cohen-Scali (Ed.), Psychologie de l’orientation tout au long de la vie : Défis contemporains et nouvelles perspectives. Dunod.
Jonas Masdonati est professeur à l’Institut de psychologie de l’Université de Lausanne (Suisse), où il dirige le Service de consultations de conseil et d’orientation. Il est membre du Centre de recherche en psychologie du conseil et de l’orientation (CePCO).
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Jonas Masdonati est professeur à l’Institut de psychologie de l’Université de Lausanne (Suisse), où il dirige le Service de consultations de conseil et d’orientation. Il est membre du Centre de recherche en psychologie du conseil et de l’orientation (CePCO).
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