Raph se présente spontanément et profite d’un rendez-vous non honoré pour bénéficier d’une rencontre en counseling d’orientation. Son interrogation est : dois-je continuer d’étudier après ma formation professionnelle ou entrer sur le marché du travail, comme je serais tenté de le faire?
La maman arrive en avance. Nous commençons l’entrevue en attendant l’arrivée de Raph. Elle connaît bien son enfant. Elle sait pertinemment qu’il n’aime pas et qu’il n’a jamais aimé l’École. Son mari et elle l’ont toujours soutenu, encouragé, poussé à s’accrocher aux études. Et cela a très bien fonctionné jusqu’à présent. La maman l’a guidé dans le choix de sa formation professionnelle actuelle dans un moment où Raph n’en pouvait plus de l’enseignement général et qu’il ne savait pas quoi choisir. Et l’expérience actuelle de Raph démontre que la maman a fait un très bon choix pour lui. Dès le commencement de l’entrevue, elle affirme que l’alternance est le meilleur choix pour Raph. Raph arrive justement dans le bureau. Il écoute attentivement. La demande explicite de la maman prend la forme d’une demande d’information sur l’alternance. En fait, une affirmation mi-explicite, mi-implicite se trouve dans la demande « Comment fonctionne l’alternance et comment trouver l’alternance qui correspond à mon fils? » Après information de la maman, nous reprenons donc ce qui, de nos points de vue respectifs, conviendrait à Raph. Raph écoute attentivement. D’abord, la validation du point de vue de la maman s’impose. Ensuite, la validation du point de vue donné précédemment par Raph est également très importante. D’après mes perceptions, une recherche d’emploi après son diplôme conviendrait à Raph. Il l’a lui-même dit explicitement lors de la première rencontre et plusieurs messages corporels appuyaient ses paroles. Selon la maman, c’est l’alternance qui lui conviendrait. Nous échangeons donc nos points de vue en présence de Raph, qui n’a pas encore dit un mot.
Raph ne sait plus. Poursuivre des études, se former en alternance, trouver un emploi. Tout ça lui paraît bien compliqué. Il semble hésitant et dit se sentir perdu.
Pour ouvrir le dialogue, je propose de changer de niveau en soumettant une hypothèse de choix implicite, à savoir que le vrai choix est sous la table.
Il porte sur le fait de prendre sa vie professionnelle en main maintenant ou de laisser maman tenir le volant encore un certain temps. Cette hypothèse semble faire réfléchir l’un comme l’autre au-delà de l’objet mis sur la table. Bref, nous réfléchissons ensemble.
La question du « choix » apportée par Raph lors de la première rencontre est posée différemment par la maman. Apparemment, aucune interrogation autour du « choix » n’est présente dans les propos maternels. En fait, le choix est peut-être déjà fait dans sa tête. Et jusqu’à présent, elle ne s’est pas trompée. L’expérience penche donc en sa faveur. Mais l’expérience, aussi positive soit-elle, pourrait-elle nous conduire sur un chemin qu’au fond nous n’avons pas réellement choisi? Allons voir sous la table.
En me référant au choix qui se trouve sous la table, je suggère que la question du choix se pose bien. Mais Raph est-il prêt actuellement pour une autodétermination vocationnelle? Se sent-il assez solide pour affirmer son choix dans la rencontre à trois? Est-ce le bon moment? Est-ce le bon endroit?
Nous avons été paisiblement en désaccord sur la réponse (en matière de contenu) qui conviendrait à Raph avant d’arriver à une réflexion commune sur la question donnant un accès au processus de choix sous-jacent.
Tous les trois, nous avons été d’accord sur la bonne question. Raph est-il prêt actuellement pour une autodétermination vocationnelle? Voudrait-il accélérer le processus? Raph a besoin d’un temps pour y réfléchir.
La maman a pris conscience de l’enjeu sous-jacent qui apparaît dans la vie de Raph et de l’extrême subtilité de son rôle dans l’accompagnement d’un processus d’autodétermination vocationnelle.
On pourrait encore ouvrir le dialogue : entrer maintenant dans le processus d’autodétermination ou bien le différer (voire le nier un certain temps). L’enjeu temporel et l’enjeu d’autodétermination de sa vie personnelle et de sa vie professionnelle se discutent. Qui décide de quoi et quand? Qui choisit? Raph a le droit d’accepter l’option parentale. C’est un choix respectable et peut-être le meilleur choix qu’il puisse faire.