Autodétermination vocationnelle : Y réfléchir chacun pour soi, puis ensemble et inversement
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Autodétermination vocationnelle : Y réfléchir chacun pour soi, puis ensemble et inversement

Temps de lecture : 4 minutes

Raph se présente spontanément et profite d’un rendez-vous non honoré pour bénéficier d’une rencontre en counseling d’orientation. Son interrogation est : dois-je continuer d’étudier après ma formation professionnelle ou entrer sur le marché du travail, comme je serais tenté de le faire?

Qu’est-ce qui l’a amené à ce questionnement? Il en a assez des études. En fait, il n’en peut plus de l’enseignement professionnel, trop théorique.
Sa formation professionnelle lui convient dans la mesure où il aime la spécialité, mais le système scolaire le sature. La formation reste encore trop remplie de théorie, selon lui. Il semble tiraillé entre le fait de mieux préparer son avenir pour gagner plus d’argent plus tard et le fait d’être rapidement actif pour gagner de l’argent au plus tôt. En pesant les avantages et les inconvénients d’une poursuite d’études, il voit un avantage (gagner plus d’argent plus tard) et de nombreux inconvénients (s’ennuyer en cours, ne pas gagner d’argent avant longtemps, ne pas gagner assez rapidement en maturité, de ne pas avoir d’expérience professionnelle, côtoyer des élèves, et non des adultes, être démotivé…). Son visage s’assombrit. La frustration accumulée devient plus difficile à gérer. Il n’a manifestement plus envie dans ce moment de poursuivre des études. Comment a-t-il fait pour persévérer jusqu’à présent? Pas de réponse. Poursuivons l’évaluation des différentes options. En pesant les avantages et les inconvénients d’une entrée sur le marché du travail immédiatement après son diplôme professionnel, son visage s’éclaire. Il a hâte de travailler, de gagner de l’argent, d’être actif, de prendre des responsabilités, de quitter le centre de formation, d’apprendre par l’expérience (et peut-être de faire son propre choix de vie). De toute évidence, il penche pour l’option « Recherche d’emploi immédiatement après sa formation ». En pesant les avantages et les inconvénients d’une formation en alternance, les inconvénients sont encore trop présents et trop pesants, selon lui. La prise de décision semble facile. Nous validons ensemble cette option, mais un soupçon d’hésitation plane. Il va y réfléchir encore. Il souhaite revenir la semaine suivante pour en discuter avec sa mère.

La maman arrive en avance. Nous commençons l’entrevue en attendant l’arrivée de Raph. Elle connaît bien son enfant. Elle sait pertinemment qu’il n’aime pas et qu’il n’a jamais aimé l’École. Son mari et elle l’ont toujours soutenu, encouragé, poussé à s’accrocher aux études. Et cela a très bien fonctionné jusqu’à présent. La maman l’a guidé dans le choix de sa formation professionnelle actuelle dans un moment où Raph n’en pouvait plus de l’enseignement général et qu’il ne savait pas quoi choisir. Et l’expérience actuelle de Raph démontre que la maman a fait un très bon choix pour lui. Dès le commencement de l’entrevue, elle affirme que l’alternance est le meilleur choix pour Raph. Raph arrive justement dans le bureau. Il écoute attentivement. La demande explicite de la maman prend la forme d’une demande d’information sur l’alternance. En fait, une affirmation mi-explicite, mi-implicite se trouve dans la demande « Comment fonctionne l’alternance et comment trouver l’alternance qui correspond à mon fils? » Après information de la maman, nous reprenons donc ce qui, de nos points de vue respectifs, conviendrait à Raph. Raph écoute attentivement. D’abord, la validation du point de vue de la maman s’impose. Ensuite, la validation du point de vue donné précédemment par Raph est également très importante. D’après mes perceptions, une recherche d’emploi après son diplôme conviendrait à Raph. Il l’a lui-même dit explicitement lors de la première rencontre et plusieurs messages corporels appuyaient ses paroles. Selon la maman, c’est l’alternance qui lui conviendrait. Nous échangeons donc nos points de vue en présence de Raph, qui n’a pas encore dit un mot.

Raph ne sait plus. Poursuivre des études, se former en alternance, trouver un emploi. Tout ça lui paraît bien compliqué. Il semble hésitant et dit se sentir perdu.

Pour ouvrir le dialogue, je propose de changer de niveau en soumettant une hypothèse de choix implicite, à savoir que le vrai choix est sous la table.

Il porte sur le fait de prendre sa vie professionnelle en main maintenant ou de laisser maman tenir le volant encore un certain temps. Cette hypothèse semble faire réfléchir l’un comme l’autre au-delà de l’objet mis sur la table. Bref, nous réfléchissons ensemble.

Autodétermination vocationnelle : Y réfléchir chacun pour soi, puis ensemble et inversement

La question du « choix » apportée par Raph lors de la première rencontre est posée différemment par la maman. Apparemment, aucune interrogation autour du « choix » n’est présente dans les propos maternels. En fait, le choix est peut-être déjà fait dans sa tête. Et jusqu’à présent, elle ne s’est pas trompée. L’expérience penche donc en sa faveur. Mais l’expérience, aussi positive soit-elle, pourrait-elle nous conduire sur un chemin qu’au fond nous n’avons pas réellement choisi? Allons voir sous la table.

En me référant au choix qui se trouve sous la table, je suggère que la question du choix se pose bien. Mais Raph est-il prêt actuellement pour une autodétermination vocationnelle? Se sent-il assez solide pour affirmer son choix dans la rencontre à trois? Est-ce le bon moment? Est-ce le bon endroit?

Nous avons été paisiblement en désaccord sur la réponse (en matière de contenu) qui conviendrait à Raph avant d’arriver à une réflexion commune sur la question donnant un accès au processus de choix sous-jacent.

Tous les trois, nous avons été d’accord sur la bonne question. Raph est-il prêt actuellement pour une autodétermination vocationnelle? Voudrait-il accélérer le processus? Raph a besoin d’un temps pour y réfléchir.

La maman a pris conscience de l’enjeu sous-jacent qui apparaît dans la vie de Raph et de l’extrême subtilité de son rôle dans l’accompagnement d’un processus d’autodétermination vocationnelle.

On pourrait encore ouvrir le dialogue : entrer maintenant dans le processus d’autodétermination ou bien le différer (voire le nier un certain temps). L’enjeu temporel et l’enjeu d’autodétermination de sa vie personnelle et de sa vie professionnelle se discutent. Qui décide de quoi et quand? Qui choisit? Raph a le droit d’accepter l’option parentale. C’est un choix respectable et peut-être le meilleur choix qu’il puisse faire.

Psychologue de l’éducation nationale spécialisé en éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle, Laurent exerce en France dans un centre d’information et d’orientation. Depuis 20 ans, il accompagne tout type de public notamment les scolaires. Il a passé une année en qualité d’étudiant au Département d’orientation professionnelle de l’Université de Sherbrooke pour peaufiner ses compétences opérationnelles. Il mesure chaque jour la portée transculturelle d’un counseling au service de l’orientation et du développement de carrière. Il partage son expérience de l’accompagnement via l’écriture et la formation.
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Psychologue de l’éducation nationale spécialisé en éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle, Laurent exerce en France dans un centre d’information et d’orientation. Depuis 20 ans, il accompagne tout type de public notamment les scolaires. Il a passé une année en qualité d’étudiant au Département d’orientation professionnelle de l’Université de Sherbrooke pour peaufiner ses compétences opérationnelles. Il mesure chaque jour la portée transculturelle d’un counseling au service de l’orientation et du développement de carrière. Il partage son expérience de l’accompagnement via l’écriture et la formation.
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