Nous sommes, les conseillers d’orientation, fréquemment témoins d’une panoplie d’émotions chez nos clients. Ils nous partagent leurs craintes, leurs questionnements, leurs échecs, leurs incertitudes, leurs rêves, leurs espoirs. Ils vivent des pertes, des situations difficiles et des conflits intérieurs. Nous leur offrons un accompagnement personnalisé dans leurs processus de transition, afin qu’ils trouvent la meilleure option pour eux.
En 2016, j’ai rencontré une cliente pour la 2e fois. Cette femme vivait des situations difficiles dans son milieu de travail et n’arrivait pas à s’épanouir dans l’ambiance qui y régnait. Elle voulait se réorienter et préserver sa santé mentale. À son arrivée, elle m’a présenté l’activité de réflexion que je lui avais proposé de faire au dernier rendez-vous. Alors que je soulignais la qualité de son écriture, elle s’est mise à pleurer. Un torrent de larmes. À ce moment, j’ai eu l’impression que si mon chien avait été présent, la rencontre aurait été différente et plus apaisante pour cette cliente. J’en étais persuadée. J’ai donc fait des lectures et entamé des recherches de formations en zoothérapie, pour finalement ajouter cette pratique à mes interventions en orientation. Hé oui, la zoothérapie en orientation!
La zoothérapie est une intervention dirigée par un professionnel formé en zoothérapie, avec un animal entraîné et sélectionné.
Sachant que ma fidèle compagne canidé était sensible aux émotions des humains, elle est devenue mon principal APIZ (animal partenaire d’intervention en zoothérapie) et se joint aux rencontres en orientation. Elle accueille les clients, leur demande des gâteries, se colle près d’eux et parfois quitte simplement le bureau pour aller dormir ailleurs. Travailler avec les animaux, c’est travailler avec des êtres vivants et il arrive que ça ne leur tente pas de participer à nos intentions humaines. Mais quoi de plus facile que de briser la glace et de commencer à créer une alliance thérapeutique en parlant des animaux avec un client très timide?
La pratique de l’orientation avec un animal, c’est voir mon chien assis à la porte (ce qui signifie : besoin de sortir) et dire au client pendant cette première rencontre que le chien doit sortir immédiatement, considérant qu’il a été malade le matin même (lire ici : la diarrhée). Puis reprendre la rencontre avec le client en abordant brièvement l’importance du respect de soi et de ses besoins, et ainsi bonifier la connaissance de soi.
Travailler avec un animal en orientation, c’est voir mon chien qui dormait se lever spontanément et s’approcher du client, soudainement stressé en quête de solutions.
C’est voir mon chien se faire flatter vigoureusement (lire ici : se faire brasser) et, après quelques instants de contact avec la fourrure de l’APIZ, voir le client rassembler ses idées et commencer à nommer des pistes de solutions. Ce contact a contribué à diminuer la tension chez le client et favorisé la clarification de ses idées. Les vigoureuses caresses terminées, ma belle APIZ est retournée se coucher naturellement.
Travailler avec un animal en orientation, c’est avoir un hérisson qui se roule en boule dès qu’il y a une nouvelle odeur ou un bruit qui le fait sursauter, pour parler d’anxiété au travail ou lors d’un examen à l’école. C’est discuter d’avancer graduellement et avec incertitude dans le processus décisionnel, et faire des liens avec le hérisson qui découvre prudemment son environnement grâce à son nez (sachant qu’ils ont un excellent odorat et une mauvaise vue).
Dès la première rencontre, des signes sont appris aux clients pour qu’ils puissent signifier au chien le besoin d’espace et la fin des caresses. Travailler avec un animal en orientation, c’est voir mon chien collé sur une cliente qui a de la difficulté à s’affirmer pour lui signifier de se tasser ; et la cliente réaliser qu’elle a de la difficulté à s’affirmer aussi auprès de ses collègues de travail envahissants.
Avoir une cage pour chien dans le bureau et entendre un client mentionner que le chien doit être triste d’être en cage (considérant que la cage n’a pas de porte et que le chien peut entrer et sortir du bureau s’il le désire), est une belle opportunité pour demander au client s’il se sent lui-même pris « en cage » et pour ouvrir sur ce possible sentiment.
Travailler avec un animal en orientation, c’est aussi un chien qui laisse aller une flatulence odorante en dormant lors d’une première rencontre. Cela génère une belle occasion d’aborder le respect de ses besoins et la peur de ce que les autres pensent de soi, car le chien n’a eu aucune retenue!
Les animaux vivent dans le ici-et-maintenant et sans appréhension du futur. En orientation, les APIZ ramènent spontanément l’humain dans le présent. Les clients font de la projection sur les animaux et leurs comportements, et saisir chaque opportunité favorise la connaissance de soi en orientation.
La rencontre avec cette cliente en 2016 a déclenché ce désir de combiner deux volets qui m’interpellent, soit les animaux et l’orientation. J’ai une petite équipe d’APIZ, adaptée aux services offerts. Mon chien n’ira pas en CHSLD car elle n’est pas entraînée pour ça, mais accueillir « nos » clients dans son environnement pour faire de l’orientation, ça elle le pourra jusqu’à sa retraite.
Article publié pour la premières fois le 21 octobre 2020.