Accroître sa flexibilité psychologique pour mieux surmonter l'indécision vocationnelle et l'épuisement professionnel
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Accroître sa flexibilité psychologique pour mieux surmonter l’indécision vocationnelle et l’épuisement professionnel

Temps de lecture : 4 minutes

Si vous œuvrez en milieu postsecondaire, vous avez sûrement accompagné des personnes étudiantes aux prises avec une indécision vocationnelle alors qu’elles tentaient de définir ou de redéfinir leur projet d’avenir. Confrontées à une incapacité à faire des choix, ces personnes éprouvent souvent des difficultés d’ordre psychologique qui peuvent même mener jusqu’à l’épuisement professionnel. Vous est-il déjà arrivé de penser qu’en faisant preuve de flexibilité, elles pourraient traverser plus positivement ces périodes d’incertitude et de doute? C’est pour répondre à cette question que nous avons tenté de mieux comprendre cette problématique.

Que connaît-on de la relation entre l’indécision vocationnelle, l’épuisement professionnel et la flexibilité psychologique?

Se situant parmi les problématiques vocationnelles les plus courantes et complexes, l’indécision vocationnelle se manifeste chez plusieurs personnes alors qu’elles sont aux prises avec une incapacité à formuler leur projet d’avenir (Brioux, Villatte et Oubrayrie-Roussel, 2019; Faurie et Giacometti, 2017; Gati, 2013). À ce chapitre, une enquête longitudinale et pancanadienne (Statistique Canada, 2015) révèle que 13,3 % des jeunes Canadiens « étaient indécis à l’égard de leur carrière à 25 ans, ou avaient choisi une nouvelle carrière (38,3 %) » (p. 5).

Lorsqu’elle s’entremêle à des problématiques de santé mentale, l’indécision vocationnelle se complexifie, pouvant mener la personne à vivre des symptômes dépressifs (Walker et Peterson ,2012), voire un épuisement professionnel.
Au niveau postsecondaire, cet épuisement se manifeste habituellement par un manque d’engagement (Salanova, Schaufeli, Martínez et Bresó, 2010), qui pourrait mener jusqu’à l’abandon des études (Dryman, Gardner, Weeks et Heimberg, 2016).

Par ailleurs, la flexibilité constitue une habileté nécessaire permettant à la personne d’apprivoiser positivement l’incertitude et les ambigüités (Gelatt et Gelatt, 2003). En étant plus souple et ouverte, la personne s’adapterait plus facilement et réussirait, du même souffle, à mieux composer avec les événements fortuits qui se présentent au courant de sa vie (Krumboltz, Foley et Cotter, 2013). En psychologie clinique, la flexibilité est reconnue comme essentielle au bien-être de la personne (Kashdan et Rottenberg, 2010) et correspond au fait d’être en harmonie avec son expérience personnelle, tout en s’engageant dans des actions cohérentes avec ses valeurs (Bond, Flaxman et Bunce, 2008). Dans un monde où le travail se conjugue à une complexité grandissante et à des changements perpétuels (Arthur et McMahon, 2019), accroître sa flexibilité psychologique s’avère un ingrédient incontournable pour réaliser son projet d’avenir.

Ce que notre recherche révèle…

Au moyen de divers outils quantitatifs, des personnes étudiantes de niveau postsecondaire (79 hommes et 239 femmes), inscrites à temps plein dans différents programmes d’études de premier cycle universitaire, ont été interrogées afin de vérifier l’effet médiateur de la flexibilité psychologique dans le modèle à l’essai (Gallant et LeBreton, 2020).

Au moyen d’une analyse multivariée de régression multiple, les résultats révèlent que les sujets qui présentaient des signes d’indécision vocationnelle étaient plus portés à vivre de l’épuisement professionnel.

De plus, les résultats suggèrent que cette relation s’expliquerait en partie par un faible niveau de flexibilité psychologique. Malgré les limites de cette recherche, le regard croisé entre l’indécision vocationnelle, l’épuisement professionnel et la flexibilité psychologique s’avère une démarche novatrice et prometteuse en développement et en counseling de carrière.

Quelques pistes d’action…

En ayant accès à des interventions visant à améliorer la flexibilité psychologique, les jeunes adultes, dont les étudiantes et les étudiants universitaires, pourraient être mieux outillés pour apprivoiser plus positivement les périodes d’incertitude et, du coup, se sentir moins épuisés et en meilleure santé mentale. Ainsi, un programme d’intervention qui s’appuierait sur le développement de la flexibilité comme démarche préventive d’accompagnement en counseling et en développement de carrière s’avère une voie à explorer pour mieux surmonter l’indécision vocationnelle et l’épuisement professionnel.

Références

Arthur, N. et McMahon, M. (dir.). (2019). Contemporary theories of career development. International perspectives. New York : Routledge. 

Bond, F. W., Flaxman, P. E. et Bunce, D. (2008). The influence of psychological flexibility on work redesign : Mediated moderation of a work reorganization intervention. Journal of Applied Psychology93(3), 645-654. doi : 10.1037/0021-9010.93.3.645 

Brioux, K., Villatte, A. et Oubrayrie-Roussel, N. (2019). Perspectives temporelles passées et indécision vocationnelle chez les étudiants postsecondaires en transition vers l’âge adulteL’orientation scolaire et professionnelle, 48(1), 105-125. 

Dryman, M. T., Gardner, S., Weeks, J. W. et Heimberg, R. G. (2016). Social anxiety disorder and quality of life : How fears of negative and positive evaluation relate to specific domains of life satisfaction. Journal of Anxiety Disorders, 38, 1-8. 

Faurie, I. et Giacommetti, N. (2017). Effets de l’indécision de carrière et du sentiment d’efficacité personnelle sur le vécu de la transition lycée-université. L’orientation scolaire et professionnelle, 46(2). doi : 10.4000/osp.5378 

Gallant, L. et LeBreton, D. (2020). À la rencontre de l’indécision vocationnelle et de l’épuisement professionnel : la flexibilité psychologique comme levier d’intervention. Revue canadienne de développement de carrière19(2), 4-18. 

Gati, I. (2013). Advances in career decision makingIn W. B. Walsh, M. L. Savickas et P. J. Hartung (dir.), Handbook of vocational psychology (4e éd., p. 183-215). New-York, NY : Routledge.  

Gelatt, H. B. et Gelatt, C. (2003). Creative decision making using positive uncertaintyBoston, MA : Crisp Learning.  

Kashdan, T. B. et Rottenberg, J. (2010). Psychological flexibility as a fundamental aspect of health. Clinical Psychology Review, 30(7), 865-878. doi: 10.1016/j.cpr.2010.03.001 

Krumboltz, J. D., Foley, P. F. et Cotter, E. W. (2013). Applying the happenstance theory to involuntary career transitions. The Career Development Quarterly, 61(1), 15-26. 

Salanova, M., Schaufeli, W., Martínez, I. et Bresó, E. (2010). How obstacles and facilitators predict academic performance : The mediating role of study burnout and engagement. Anxiety, Stress & Coping23(1), 53-70. doi : 10.1080/10615800802609965 

Statistique Canada. (2015). Tendances liées au choix de carrière des jeunes Canadiens et les études postsecondaires qui lui sont associées (N81-599-X au catalogue). Repéré en ligne le 25 novembre 2019 de https://www150.statcan.gc.ca/n1/fr/pub/81-599-x/81-599-x2015010-fra.pdf?st=5nrPweiH. 

Walker, J. V. I. I. I. et Peterson, G. W. (2012). Career thoughts, indecision, and depression : Implications for mental health assessment in career counseling. Journal of Career Assessment, 20(4), 497-506. doi : 10.1177/1069072712450010 


Article publié pour la premières fois le 16 décembre 2020.

Lise Gallant est analyste principale à la recherche, au ministère du Développement social du Gouvernement du Nouveau-Brunswick. Elle détient un baccalauréat ès art en psychologie et une maitrise ès art en orientation de l’Université de Moncton. Diane LeBreton est professeure en orientation, à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Moncton. Parmi ses champs de spécialisation se trouvent le développement de carrière, les approches éducatives en orientation, l’indécision vocationnelle ainsi que la spécificité des femmes en matière d’insertion socioprofessionnelle.
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Lise Gallant est analyste principale à la recherche, au ministère du Développement social du Gouvernement du Nouveau-Brunswick. Elle détient un baccalauréat ès art en psychologie et une maitrise ès art en orientation de l’Université de Moncton. Diane LeBreton est professeure en orientation, à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Moncton. Parmi ses champs de spécialisation se trouvent le développement de carrière, les approches éducatives en orientation, l’indécision vocationnelle ainsi que la spécificité des femmes en matière d’insertion socioprofessionnelle.
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