Personnes atypiques et emploi : des défis et des possibilités
Marché du travail

Personnes atypiques et emploi : des défis et des possibilités

Temps de lecture : 4 minutes

Le contexte actuel du marché du travail n’a jamais été aussi favorable à un chercheur d’emploi. La pénurie de main-d’œuvre et la bonne santé économique du Québec font en sorte que, dans certains secteurs, il y a plus de postes à combler que de candidats intéressés. Cette situation peut aider les personnes jusqu’ici mises à l’écart du monde du travail en raison de difficultés associées à un trouble neurologique ou de santé mentale. La pandémie a également eu un effet important, notamment sur les conditions de travail, comme le télétravail, qui facilite grandement l’accès à l’emploi pour les personnes ayant des particularités neurologiques, comme les personnes autistes, car elles ont besoin souvent de calme et d’un horaire aménagé afin de pouvoir être productives.  

Aussi, les employeurs sont de plus en plus ouverts à la diversité. Ainsi, tout semblerait au beau fixe pour des personnes autistes, ou ayant un trouble anxieux, ou avec un TDAH si elles veulent trouver du travail. Mais en est-il réellement le cas? Bien que certains employeurs fournissent des efforts considérables pour recruter des travailleurs, sont-ils si accueillants envers les personnes ayant des besoins particuliers? Comment, de part et d’autre, peut-on tirer le maximum de cette conjoncture favorable? Y a-t-il encore beaucoup de défis, ou de plus en plus de possibilités pour ces personnes? 

cv

Chercheurs d’emplois accompagnés 

Il ne suffit pas qu’un employeur cherche de la main-d’œuvre pour qu’un chercheur d’emploi soit embauché. En plus de répondre aux exigences minimales du poste à pourvoir (diplôme, qualifications, expérience, etc.), il faut traverser le processus d’embauche et être jugé par le recruteur comme étant un bon fit dans l’organisation. C’est souvent à ces étapes que les personnes autistes, celles ayant un TDAH ou, encore, un trouble anxieux, rencontrent des écueils. Les processus de mise en candidature sont parfois complexes, passant par des sites sécurisés où l’on doit se créer un compte en ligne, impliquant de parcourir plusieurs étapes. Ensuite, les entrevues d’embauche sont souvent pénibles pour les personnes autistes ou anxieuses, car elles ont de la difficulté à s’exprimer oralement et à se faire valoir dans un échange verbal lorsqu’elles sont en situation de stress. Heureusement, il existe plusieurs organismes d’aide à l’emploi qui peuvent accompagner ces personnes à travers ces étapes. Elles pourront avoir de l’aide pour la rédaction du CV, on pourra les aider à déposer leur candidature, à faire des simulations d’entrevues et à se préparer aux premiers jours de travail, ce qui est essentiel au maintien en emploi. Une majorité de ces services sont gratuits et sont présents dans les différentes régions du Québec. Il faudra bien sûr que la personne qui veut cette aide fasse des démarches pour trouver un organisme près de chez elle et elle devra accorder plusieurs semaines à ces rencontres d’accompagnement afin de pouvoir décrocher l’emploi qui lui convient, et surtout, de maintenir cet emploi.  

Divulguer ou non… son diagnostic 

Et justement, le maintien en emploi est tout aussi important que l’obtention d’un emploi. À ce sujet, la personne autiste, celle ayant un TDAH ou un trouble anxieux aura à se poser la question de savoir si elle divulgue ou non son diagnostic. Tout dépendant de la nature de ses caractéristiques personnelles et psychologiques, il se peut que sa façon d’être soit remarquée dans l’environnement de travail et soit mal comprise par les gestionnaires ou les collègues. Une personne autiste pourrait être perçue comme rigide, asociale, voire hautaine, parce qu’elle ne prend pas de pauses avec les autres ou qu’elle reprend les erreurs techniques des autres, ou parce qu’elle est peut-être parfois plus lente. De savoir que ces comportements s’expliquent non pas par choix, mais en raison de sa structure neurologique, permet au milieu de comprendre et de trouver la bonne solution lorsqu’un problème survient. Mais quand il est question de divulguer un diagnostic, il faut faire preuve de prudence, car il y a encore des préjugés et de la stigmatisation.

Il est donc recommandé de divulguer son diagnostic si cela peut faire partie d’une solution, améliorer ses relations avec les autres ou obtenir des accommodements.

Un employé autiste qui est à l’aise dans son milieu et qui offre un bon rendement pourrait ne pas divulguer son diagnostic et se maintiendra très bien en emploi. Il faut également tenir compte de la culture d’entreprise et du niveau d’ouverture de l’employeur ou du milieu de travail. Cela peut se vérifier notamment par la présence d’autres personnes représentant la diversité, comme la diversité culturelle, de genre ou d’orientation sexuelle. Si la personne neuro-atypique est dans un milieu qui manifeste de l’ouverture, elle pourra être plus en confiance de divulguer son diagnostic sans en subir des conséquences négatives.  

Employeurs accompagnés  

Enfin, il n’y aura pas que le chercheur d’emploi qui gagnera à recevoir l’accompagnement d’un intervenant, d’un consultant ou d’un facilitateur. Généralement, l’employeur a peu de temps à consacrer à former et à adapter l’environnement de travail pour un nouvel employé. L’accompagnateur permettra de gagner du temps en précisant les besoins de la personne, en suggérant des accommodements simples et raisonnables et en offrant un suivi périodique sur l’évolution de la personne en emploi. Plusieurs organismes d’aide à l’emploi offrent ce type de service pour les personnes en situation de handicap et leur employeur. Finalement, il arrive que l’accommodement offert à l’employé ayant un trouble neurologique ou de santé mentale soit élargi à tous les employés, lorsqu’on constate que cet accommodement rend tout le monde plus productif. C’est ce qu’on appelle l’approche inclusive, où tous gagnent à adopter de nouvelles méthodes de travail plus flexibles. Que ce soit un horaire adapté, la possibilité de faire du télétravail ou d’être jumelé à un mentor (ex. : un employé d’expérience dans l’entreprise), tous peuvent y gagner.  

Somme toute, le monde de l’emploi fait face à de grands défis pour les prochaines années, en matière de main-d’œuvre principalement. Pour qu’une société soit plus forte, l’inclusion des personnes ayant des besoins particuliers s’avère un incontournable, où tous y bénéficient : les chercheurs d’emplois, les employeurs et les employés, qui côtoieront ces futurs collègues uniques et enrichissants.  

 

* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.   

Émilie Robert est conseillère d’orientation au collégial depuis plusieurs années. Elle œuvre spécifiquement auprès d’étudiants en situation de handicap au Collège Montmorency. Elle est l’auteure du livre « Les personnes autistes et le choix professionnel : Les défis de l’intervention en orientation » paru chez Septembre en 2015. Elle donne également des conférences sur l’intervention en orientation auprès de personnes autistes.
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Émilie Robert est conseillère d’orientation au collégial depuis plusieurs années. Elle œuvre spécifiquement auprès d’étudiants en situation de handicap au Collège Montmorency. Elle est l’auteure du livre « Les personnes autistes et le choix professionnel : Les défis de l’intervention en orientation » paru chez Septembre en 2015. Elle donne également des conférences sur l’intervention en orientation auprès de personnes autistes.