Pendant mes études, je suis tombée sous le charme de l’art-thérapie à l’occasion d’un cours d’introduction présenté à l’Université Concordia. C’est d’ailleurs ce qui a inspiré le sujet de mon mémoire en orientation réalisé à l’Université de Sherbrooke.
Dans le cadre de cette recherche, j’ai effectué des entrevues auprès de trois participantes qui sont à la fois conseillère d’orientation et art-thérapeute. Un des sujets abordés concerne les raisons expliquant la contribution des interventions en art-thérapie au cours du processus de prise de décision en counseling de carrière.
Je constate que plusieurs des raisons énumérées se réfèrent à l’acte de création artistique. Ce constat ouvre donc la porte à l’utilisation des arts en counseling de carrière, plutôt que l’art-thérapie exclusivement.
La pratique de l’art-thérapie requiert une maîtrise en art-thérapie, alors que les arts sont accessibles à tous.
C’est ainsi que mon mémoire a inspiré la rédaction de cet article qui présente cinq raisons expliquant pourquoi les interventions en art peuvent contribuer au counseling de carrière et pourraient être mobilisées dans la pratique de conseillers d’orientation qui ne sont pas art-thérapeutes.
La nouveauté des arts
L’acte de création artistique est une activité nouvelle pour les personnes qui pratiquent peu ou ne pratiquent pas un art. C’est dans ce contexte que l’on peut parler de la nouveauté des arts. Selon l’une des participantes, lorsque l’art est une activité nouvelle pour le client, cela augmente sa motivation à effectuer des choix de carrière et à participer au processus complet de counseling de carrière.
La participante ajoute que certains clients se découvrent un intérêt et un talent pour les arts, qu’ils continuent de mettre en pratique à la maison. D’autres reviennent même après avoir atteint leurs objectifs en counseling de carrière afin de cultiver ce côté artistique que les rencontres leur ont permis de développer et de découvrir.
L’accès au langage non verbal
L’acte de création donnerait en outre accès au langage non verbal. Lorsque la personne crée, il est possible pour l’intervenant et pour le client lui-même d’observer ses propres comportements. Ces comportements et réactions transmettent de l’information concernant les émotions et les processus cognitifs, ce qui facilite la connaissance de soi et les prises de conscience.
Le reflet des comportements, pensées et émotions
L’acte de création refléterait les comportements, les pensées et les émotions de la personne dans le cadre de sa vie personnelle et de sa carrière. La réalisation de l’activité artistique permettrait à l’intervenant de même qu’au client d’observer directement les comportements et les réactions.
Cette perspective aiderait l’intervenant à mettre en lumière ses constatations et à intervenir directement. Pour sa part, le client prendrait conscience de ses obstacles, de ses ressources et de ses limites. Il pourrait également apprendre des interventions effectuées par le conseiller d’orientation et développer des compétences.
L’accès au conscient et à l’inconscient
L’acte de création donnerait accès au conscient et à l’inconscient. Vues sous cet angle, l’activité de création artistique et l’image seraient une projection de soi. Celle-ci donnerait alors à la personne la distance psychologique nécessaire pour être capable de s’observer. Cette observation de soi favoriserait les prises de conscience. De plus, comme la création artistique est une activité ludique, elle réduirait le stress lié à la problématique afin de contourner les mécanismes de défense pour accéder à un soi plus authentique.
L’intervenant ne se fie pas uniquement à ce que dit la personne, et peut donc obtenir un portrait plus authentique de celle-ci. De plus, il peut intervenir directement sur les comportements et favoriser l’épanouissement des compétences du client. C’est pourquoi l’acte de création peut être comparé à un laboratoire pratique de prise de décision, qui faciliterait la connaissance de soi, les prises de conscience et le développement des compétences.
Par exemple, on peut observer la méthode de prise de décision d’une personne pendant une activité au cours de laquelle elle doit choisir des images et effectuer un collage. Dans ce contexte, on observe concrètement la méthode de choix des images. Comment la personne procède-t-elle pour choisir les images? Quel est son langage non verbal? Quels sont ses comportements? Quelles sont les émotions ressenties et les réactions? Quelles sont les images choisies? Qu’est-ce que ces images signifient pour la personne? Quelles images ramènent la personne à son vécu, et quel est ce vécu? Quelles croyances refont surface et quel rôle tiennent-elles dans le processus de prise de décision de carrière?
Le conseiller d’orientation peut en effet porter attention à tous ces éléments afin d’obtenir plus d’information sur la personne et sur ses obstacles. Ce contexte favorise l’intervention directe. Ces comportements ou réactions invitent également à une exploration et à une compréhension plus approfondie de ce qui n’aurait pas été dit consciemment et, de ce fait, deviennent prélude à l’action.
En somme, la nouveauté des arts, l’accès au langage non verbal, le reflet des comportements, des pensées et des émotions, l’accès au conscient et à l’inconscient ainsi que le rôle de laboratoire pratique dans l’acte de création justifieraient la mobilisation des interventions en art en counseling de carrière. En effet, les médiums d’art plastique sont accessibles aux conseillers d’orientation qui ne sont pas art-thérapeutes. Il s’agit donc d’une voie qui mériterait d’être explorée dans le cadre de la pratique en orientation.
* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.
Référence
Brisebois, H. (2021). La mobilisation des interventions en art-thérapie au cours du processus de prise de décision en counseling de carrière. Mémoire, Université de Sherbrooke.
