L’intégrité, le facteur éponge
Marché du travail

L’intégrité, le facteur éponge

Lorsque l’on m’a demandé de rédiger un article sur le bonheur au travail, j’ai tout de suite pensé aux deux premiers facteurs des dix qui le composent. Ceux ayant le plus d’impact sur le bonheur des travailleurs, c’est à dire la réalisation de soi et le climat de travail. Mais après une courte réflexion, j’ai révisé ma position. Tout le monde sait ou devrait savoir que l’absence de ces deux facteurs hypothèque grandement le bonheur au travail. Alors j’ai plutôt pensé à un autre facteur, moins connu et plus sous-estimé. L’intégrité. 

L’intégrité est un facteur qui a traversé notre radar il y a quelques années à peine. Pourtant, celle-ci apparait dans le top 5 des facteurs les plus influents sur le bonheur au travail. Mais l’intégrité, c’est quoi exactement? Tout d’abord, elle est en lien direct avec notre authenticité. C’est être soi-même, si l’on veut, fidèle à nos valeurs, à nos principes, à nos opinions et à nos croyances. Mais attention! On ne parle pas ici d’obsession, car quand cette dernière apparait, disparait alors la raison.

L’intégrité, c’est pouvoir fonctionner et exprimer notre personnalité sans toujours être conditionné, influencé ou limité dans nos agissements.  

Pas toujours facile de le faire dans la vie tant nos amis, notre famille, notre conjoint et la société en général nous dictent insidieusement nos façons de penser et de nous comporter. Plus difficile encore d’y arriver dans un environnement de travail ou au sein d’une organisation dont les valeurs sont parfois opposées aux nôtres.  

Malheureusement, et trop souvent, les véritables valeurs d’une entreprise (et non celles inscrites dans un profil organisationnel pour remplir des cases), le travailleur ne les découvre qu’une fois qu’il y est entré. Il est alors trop tard. De plus, les valeurs d’une entreprise sont souvent intangibles. « On est dans le mou », comme diraient certains. Pas toujours facile de les détecter. Et même si le futur employé les détecte, leur accordera-t-il toute l’importante qu’elles méritent? La volonté d’obtenir un emploi intéressant prendra-t-elle le dessus? Probablement. Mais alors, comment un travailleur qui accorde une grande importance à l’environnement peut-il bien vivre dans une organisation qui le bafoue? Comment un employé engagé socialement se sentira-t-il dans une organisation qui n’a ni plan ni intention de redonner un peu à la communauté? Comment une travailleuse le moindrement féministe s’épanouira-t-elle dans une organisation à tendance machiste? Les exemples du genre pourraient se multiplier. 

Et l’erreur que font la plupart des entreprises, c’est de ne pas tenir compte de leurs propres valeurs lorsque vient le temps d’embaucher de nouveaux candidats, particulièrement pour des postes de direction. On les escamote rapidement au profit de compétences jugées plus utiles et plus rentables à court terme. On favorise une personnalité connue dans le domaine qui apportera un bon bagage d’expérience, de notoriété, et peut-être même de nouveaux clients. Son sale caractère est connu… son penchant xénophobe aussi. On se dit : « Bah, les valeurs… c’est subjectif! Qui s’en soucie vraiment? » Alors tranquillement, insidieusement, souvent partiellement (par département ou par service), les valeurs changent, la dynamique aussi, rarement pour le mieux. S’ensuit une forme de déconnexion entre les valeurs écrites et souhaitées et les valeurs vécues et concrètes. Plusieurs travailleurs ne s’y retrouvent plus, ne s’y identifient plus. Cette situation influe évidemment sur leur sentiment d’appartenance et les incite à regarder chez le voisin. 

J’entends déjà vos commentaires. Mais comment peut-on accorder toute l’importance à ce facteur lorsqu’on est en pénurie de main-d’œuvre. Lorsque le bris de service ou les ruptures des stocks sont imminents? Lorsque les salaires augmentent plus rapidement que ce que l’organisation est en mesure de payer? Lorsque nos employés sont sollicités par les compétiteurs? Lorsqu’il faut embaucher à tout prix? 

C’est vrai, les impacts de la pandémie et la rareté de main-d’œuvre contribuent à escamoter ce facteur et, dans certains cas extrêmes, à passer outre, mais il doit s’agir vraiment d’exception. Ne pas tenir compte du facteur intégrité, c’est faire preuve d’une courte vue qui, tôt ou tard, reviendra vous hanter. Employeur comme employé.  

Les valeurs, n’en déplaise aux dirigeants, sont au centre de l’existence d’une organisation, que celle-ci ait une vocation commerciale ou sociale. Ce sont beaucoup plus que quelques lignes à remplir dans un plan stratégique. Chaque associé, administrateur, directeur, représentant syndical et employé devrait les connaitre et les partager. Dans une certaine mesure, à tout le moins. Et tout employeur devrait les défendre, les promouvoir et s’en servir pour prendre toute décision d’affaires significative. Pourtant, lorsqu’on demande aux employés et même aux gestionnaires de définir les valeurs de leur entreprise, les résultats sont souvent surprenants! Les entrevues d’embauche, ça doit servir aussi à installer dès le départ cette dimension.  

Les valeurs d’une entreprise et, conséquemment, son engagement, plus que jamais, constitueront une arme redoutable pour embaucher de futurs candidats.
Selon une étude d’Academos réalisée en 2019, 90 % des jeunes de 16 à 26 ans souhaitent que leur futur employeur contribue de manière positive à la société. Plus de 84 % désirent qu’il respecte les principes de développement durable. De son côté, une étude de Léger arrive à des résultats similaires : 87 % des Québécois âgés entre 18 et 34 ans jugent important d’évoluer dans une organisation qui améliore la société et 81 %, l’environnement et l’écologie.  

L’intégrité est donc directement liée aux valeurs de l’employeur et des employés. Il est important, voire nécessaire, que ces dernières concordent, sinon le bonheur au travail risque de n’être qu’un souhait parmi d’autres. Des questions fondamentales doivent être posées et résolues. Mes valeurs peuvent-elles s’accommoder de celles de mon employeur? Cet employé partage-t-il suffisamment les valeurs de l’entreprise pour les respecter, ou mieux, les défendre et les promouvoir? 

Et vous, quelles sont vos valeurs? Quelles sont celles de votre entreprise ou de votre employeur? Jusqu’à quel point celles-ci concordent-elles avec les vôtres? Poser la question, c’est y répondre. 

Note : Article inspiré du livre Souriez, vous êtes au travail  

* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre. 

 

Références :

Academos (2019). La génération Z du Québec et sa vision du milieu du travail.

Léger (2019). Les valeurs professionnelles des Québécois âgés entre 18 et 34 ans en parfaite harmonie avec l’économie sociale.

Pierre Côté Author
Pierre Côté est le fondateur des Indices de bonheur Léger (indice de bonheur personnel et au travail). Il est aussi consultant en marketing et communication, conférencier et auteur.
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Pierre Côté est le fondateur des Indices de bonheur Léger (indice de bonheur personnel et au travail). Il est aussi consultant en marketing et communication, conférencier et auteur.
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