L’expérience relationnelle au cœur du processus de counseling d’orientation
Marché du travail

L’expérience relationnelle au cœur du processus de counseling d’orientation

Temps de lecture : 4 minutes

Dans une démarche de counseling d’orientation, la mise en relation initiale se fait dès les premiers contacts avec le client (ex., appel téléphonique, échange de courriels, salle d’attente). Plusieurs composantes de ces contacts sont essentielles à prendre en compte ainsi qu’à réévaluer tout au long du processus afin d’éclaircir, chaque fois, la dynamique de la personne (ex., expressions verbales et non verbales, émotionnelles, somatiques, cognitives) et surtout, ses besoins en accompagnement. 

En considérant ces composantes, nous sommes attentifs à une saine construction de l’alliance; un prédicteur de premier plan pour la réussite du processus (Dubois et Goyer, 2013; Lecomte et al., 2004). Aux premières rencontres, il peut être tentant de se référer aux modalités techniques plutôt que d’apprivoiser l’atmosphère unique de chaque relation. Par exemple, injecter « entre nous » divers outils concrets (ex., questionnaires, tests, notes sur calepin) pour maximiser nos chances de « bien cerner » le client, ou même de nous sécuriser dans les moments d’incertitude, sinon d’impuissance. Évidemment, nous reconnaissons la pertinence et la rigueur de ces outils dans nos évaluations et interventions cliniques. 

De plus, il m’apparaît intéressant de poser un regard sur la place que nous accordons à la richesse expérientielle du contact humain en émergence, celle-ci favorisant le cheminement existentiel, scolaire et professionnel de la personne.

En étant motivés à saisir l’atmosphère et à « goûter » aux ingrédients que le conseiller d’orientation (c.o.) et le client déposent dans l’ici et maintenant du processus, nous nous engageons dans la co-construction d’une recette riche en nutriments et en sens.

Être en relation nous amène à vivre différentes émotions, certaines plus désagréables que d’autres, et c’est tant mieux! Les résistances, les ambivalences, les nuances ainsi que les confusions font partie intégrante de l’expérience du professionnel de l’orientation et les composantes implicites (ex., affects, non-verbal, transfert) y étant accolées méritent d’être identifiées, clarifiées et traversées. 

Pour ma part, le sentiment parfois dérangeant que représente le fait de continuer dans une direction plus ou moins bien définie en début de processus avec un client m’apparaît être un indispensable vecteur d’éclaircissement des besoins et des projets de ce dernier, et surtout de la consolidation de l’alliance. Métaphoriquement parlant, il nous faut (c.o. et client) parfois naviguer dans les tempêtes et le brouillard afin d’apprendre davantage à gouverner son propre bateau en vue d’y développer nos repères géographiques. 

En permettant à l’aidé de s’approprier une pluralité de parcelles expérientielles à travers notre présence, notre résonance affective et nos reflets, nous l’aidons à cheminer dans ses connaissances/représentations de soi, d’autrui et du monde scolaire et professionnel. Laisser le temps et l’espace au client de se déposer et de se centrer dans la direction du processus en émergence, tout en évitant de le « bombarder » de nos présupposés du monde académique et du marché du travail, voilà un terrain fertile à cultiver! 

Une diversité de moyens portés sur l’expérience existe pour tenter de nous rapprocher au plus près du monde interne de la personne ainsi qu’à l’aider à s’approprier davantage son expérience interne et externe. Je vous invite à tenir compte des réflexions cliniques suivantes afin de vous aider à accroître votre sensibilité à être en relation. 

Auprès de la personne 

      • Quelle est, pour elle, la signification des mots qu’elle emploie? 
      • Quels sont les besoins et désirs non comblés, cachés derrière le discours? 
      • Quels affects se déploient durant l’entrevue et quand se manifestent-ils davantage, ou moins? 
      • Quelles valeurs sont en jeu dans son histoire? 
      • Quelles sont les images et émotions se dégageant de ses mots? 
      • Quels sont les éléments transférentiels? 
      • Quelle est la qualité de sa prosodie et quand fluctue-t-elle; en a-t-elle conscience? 
      • Quels mots provoquent des réactions à son visage; en a-t-elle conscience? 
      • Quelles postures, attitudes et mimiques accompagnent ses propos; en a-t-elle conscience? 
      • Quelle est sa perception de mon rôle; un « conseiller » ou un accompagnateur? 
      • Quelle est son expérience affective à la lecture de documents ISEP; par quoi a-t-elle commencé et terminé, et combien de temps a été accordé à les assimiler? 
      • Parle-t-elle d’elle à l’instant même ou passe-t-elle « à travers les autres »? 
Métaphoriquement parlant, il nous faut (c.o. et client) parfois naviguer dans les tempêtes et le brouillard afin d’apprendre davantage à gouverner son propre bateau en vue d’y développer nos repères géographiques.
Auprès du c.o 

Un dialogue se construit à deux. Dès lors, il est plus que nécessaire d’observer notre manière d’influer sur la relation et d’y capter si nous la « nourrissons ou l’empoisonnons ». Dans notre cursus universitaire et professionnel, nous avons développé nos attitudes et compétences relationnelles, et il est nécessaire de questionner nos compétences affectives, réflexives et interactives. 

                                • Suis-je en train de soutenir l’expérience de la personne ou je m’ingère dans sa vie? 
                                • Comment je réagis lorsque la personne me parle de son expérience; contre-transfert? 
                                • Est-ce que j’éclaire suffisamment l’implicite dans mes interventions? 
      • Qu’est-ce qui me rapproche (chaleur) ou me distance (froideur) d’elle? 
      • Le ton et la vitesse de ma voix lui permettent-ils de bien assimiler mes propos? 
      • Lorsque l’alliance fluctue ou se brise, qu’est-ce que je mets en place pour la solidifier ou la réparer? 
      • Est-ce réellement « sa faute » si le processus avorte précocement, ou y suis-je pour quelque chose? Si oui, à quoi cela tient-il? 
      • Ma motivation à injecter un outil pragmatique dans l’accompagnement est-elle pour elle ou pour me sécuriser? 
      • Suis-je en lutte ou en accordage relationnel avec elle? 
      • Suis-je avec elle dans l’ici et maintenant ou dans un « ailleurs »? 
      • Suis-je en résonance affective ou plutôt dans mes présupposés intellectuels? 

En terminant, quels ont été vos ressentis à la lecture de cet article?

* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.   

 

Références

Dubois, A., et Goyer, L. (2013). Reflective dialogue, presence, and self-emergence. Journal of Mental Imagery. 37(1 et 2), 64-68. 

Lecomte, C., Savard, R., Drouin, M.-S., et Guillon, V. (2004). « Qui sont les psychothérapeutes efficaces? Implications pour la formation en psychologie ». Revue québécoise de psychologie, 25(3), 73-102. 

 

David est conseiller d’orientation et psychothérapeute en pratique privée à Québec ainsi qu’en formation à la psychothérapie du lien (PGRO) au Centre d’Intégration Gestaltiste (CIG). Il est récipiendaire du Prix Wilfrid-Éthier et membre de l’OCCOQ, de l’Association des conseillères.ers d’orientation du privé (A.c.o.P.), de RADAR.psy et du Groupe d’étude sur l’intersubjectivité (GEI).
davidcaronroyer@outlook.com
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David est conseiller d’orientation et psychothérapeute en pratique privée à Québec ainsi qu’en formation à la psychothérapie du lien (PGRO) au Centre d’Intégration Gestaltiste (CIG). Il est récipiendaire du Prix Wilfrid-Éthier et membre de l’OCCOQ, de l’Association des conseillères.ers d’orientation du privé (A.c.o.P.), de RADAR.psy et du Groupe d’étude sur l’intersubjectivité (GEI).
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