Il faut d’abord souligner que la gestion de la main-d’œuvre vieillissante est peu prise en compte dans les organisations. En effet, seulement 37 % ont des pratiques de gestion qui s’intéressent au maintien en emploi des personnes âgées de plus de 50 ans. Dans le secteur privé, il y en a un peu plus de (46 %) qui le font, et seulement 24 % ont des pratiques spécifiques aux 50+ dans le secteur public, et ce, malgré la pénurie de main-d’œuvre actuelle.
J’ai pu constater qu’il y a encore des préjugés à l’endroit de la main-d’œuvre vieillissante, et nombre d’entreprises sont alors tentées de se défaire de leur personnel plus âgé, ou en tout cas de ne pas l’inciter à rester. Cela peut se faire de diverses manières : en ne leur offrant plus de formation continue, d’adaptation aux nouveaux logiciels et outils de travail, en ne leur offrant plus de projets ou mandats intéressants, en ne les invitant pas à encadrer les plus jeunes ou les nouveaux alors que le mentorat est un des facteurs incitant à rester en emploi, car il donne du sens au travail.
Les gestionnaires manifestent donc souvent ce que l’on appelle des « biais implicites » ou des préjugés à l’endroit des travailleurs d’expérience, ce qui les conduit à ne pas les maintenir en emploi.
Parmi ces biais ou préjugés, nos recherches montrent qu’ils portent sur la capacité de recherche de solutions ou d’innovations, de même que la connaissance des nouvelles technologies. Par contre, il semble que les organisations reconnaissent que les travailleurs d’expérience sont engagés dans leur travail et sont compétents, notamment en matière de relations avec la clientèle (voir Tremblay 2022 pour les détails).
Un certain nombre d’obstacles au maintien en emploi des personnels d’expérience ne peuvent être corrigés par les organisations (santé, motifs personnels, prise de retraite du conjoint). Les organisations peuvent par contre agir sur d’autres éléments associés à l’organisation du travail, d’abord réduire la surcharge physique (surtout dans le privé) et mentale (plus dans le public) associée au travail et développer diverses formes de réduction (semaine de 4 jours, vacances allongées) ou d’aménagements du temps de travail : horaires flexibles, banques d’heures ou annualisation des heures de travail, etc.
Une autre manière de retenir la main-d’œuvre d’expérience consiste à s’assurer d’offrir de la reconnaissance pour le travail réalisé, ce qui manque dans plusieurs milieux de travail et aussi d’offrir des mandats intéressants, voire passionnants (pour contrer la tentation de la retraite, surtout si on a les moyens et un bon régime de retraite). Certains travailleurs interviewés nous ont dit que pour rester en emploi, il faut y trouver du plaisir, des collègues agréables (on quitte les milieux toxiques quand on en a les moyens!), et y trouver un sens (sentir qu’on rend service, qu’on est utile, voire indispensable, pour certaines personnes, par exemple dans le secteur des services). D’autres mentionnent qu’il faut adapter ou augmenter la rémunération et offrir de la formation pour continuer le développement de ses compétences et connaissances, voire les partager avec les autres, les nouveaux ou les jeunes dans l’organisation.
* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.
Référence
¹ Cette enquête a été réalisée par Diane-Gabrielle Tremblay, professeure à l’Université TÉLUQ, avec la collaboration de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés et grâce à la participation financière du gouvernement du Québec. L’enquête a été menée par la firme Léger, du 2 mars au 3 avril 2022; 279 entreprises localisées au Québec y ont participé.
Pour aller plus loin, autres références
Tremblay, D.-G. (2022a). Attirer et retenir la main-d’œuvre d’expérience; la situation au Québec. Rapport de recherche sur les aspirations des travailleurs d’expérience et les pratiques des entreprises. Montréal : Comité consultatif 45+ et Université TÉLUQ. 25 pages.
Tremblay, D.-G. (2022b). Comment attirer et fidéliser la main-d’œuvre d’expérience : Quelques propositions pour les employeurs. Rapport de recherche sur les pratiques des entreprises à l’endroit de la main-d’œuvre d’expérience remis au projet La compétence n’a pas d’âge. Rapport de recherche diffusé par LCNA et l’Université TÉLUQ. Montréal. 22 pages.
Diane-Gabrielle Tremblay est professeure à l’École des sciences administratives à l’Université Téluq (Université du Québec) et responsable de la concentration en gestion des ressources humaines du baccalauréat en Administration. Elle a également été professeure invitée dans plusieurs universités du monde.
Diane est aussi directrice de l’ARUC sur la gestion des âges et des temps sociaux. Elle a été titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les enjeux socio-organisationnels de l’économie du savoir de 2002 à 2016. En reconnaissance de la qualité et du rayonnement de ses recherches et enseignements, elle a été admise au Cercle d’excellence de l’Université du Québec en 2021 et comme membre de la Société royale du Canada en 2022.
Titulaire d’un doctorat en économie du travail et des ressources humaines de l’Université de Paris I, Panthéon-Sorbonne, elle mène des recherches sur la conciliation emploi-famille, le temps de travail, le télétravail, le cotravail (coworking) et l’organisation du travail. Elle fait aussi de la consultation, de la formation et de l’animation dans ces divers domaines.
Diane-Gabrielle Tremblay est professeure à l’École des sciences administratives à l’Université Téluq (Université du Québec) et responsable de la concentration en gestion des ressources humaines du baccalauréat en Administration. Elle a également été professeure invitée dans plusieurs universités du monde.
Diane est aussi directrice de l’ARUC sur la gestion des âges et des temps sociaux. Elle a été titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les enjeux socio-organisationnels de l’économie du savoir de 2002 à 2016. En reconnaissance de la qualité et du rayonnement de ses recherches et enseignements, elle a été admise au Cercle d’excellence de l’Université du Québec en 2021 et comme membre de la Société royale du Canada en 2022.
Titulaire d’un doctorat en économie du travail et des ressources humaines de l’Université de Paris I, Panthéon-Sorbonne, elle mène des recherches sur la conciliation emploi-famille, le temps de travail, le télétravail, le cotravail (coworking) et l’organisation du travail. Elle fait aussi de la consultation, de la formation et de l’animation dans ces divers domaines.