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L’arrivée de la COVID-19, en mars 2020, a grandement chamboulé les activités des organismes qui offrent des services publics d’emploi au Québec. Les nouvelles consignes sanitaires ont forcé ces établissements à changer leurs pratiques habituelles, à s’adapter et à réinventer leurs méthodes de travail. Dans ce contexte, on a assisté à une croissance rapide du recours à la télépratique groupale. Toutefois, peu de recherches ont été menées sur l’intervention en ligne en counseling de carrière et, conséquemment, peu de ressources existaient alors afin de soutenir les professionnelles et professionnels de l’emploi dans la transformation de leurs services de groupe. C’est donc dans ces circonstances particulières qu’AXTRA, l’Alliance des centres-conseils en emploi, les professeurs Patricia Dionne et Francis Milot-Lapointe du Département d’orientation professionnelle de l’Université de Sherbrooke ainsi que plusieurs partenaires ont décidé de réaliser une recherche descriptive et exploratoire sur la télépratique en groupe dans les organismes en employabilité au Québec.
La recherche, dont les résultats ont été publiés en mars 2023, s’est déroulée en deux volets distincts. Le premier a consisté à réaliser une revue des écrits scientifiques en counseling de carrière et dans des domaines apparentés de la relation d’aide. Cette recension a permis de constater que l’étude de la télépratique groupale constitue un champ de recherche émergent. Dans l’ensemble, les données semblent conclure que cette modalité d’intervention peut être pertinente, à condition que certains éléments soient pris en compte, comme les caractéristiques des clientèles ciblées par les services ainsi que l’accès à du soutien informatique pour les équipes d’intervention et les personnes participantes. Un soin particulier doit également être porté à l’accès universel aux services, sans égard aux conditions socioéconomiques des individus (niveau de littératie numérique, accès à du matériel informatique, etc.).
Le deuxième volet a consisté à recenser et à documenter les pratiques en matière d’intervention à distance au sein des organismes qui offrent des services publics d’emploi. La collecte de données a été effectuée par le biais de deux outils, soit un questionnaire en ligne (149 réponses) et quatre groupes de discussion (26 personnes) visant les intervenants qui pratiquent le counseling groupal, en ligne ou en personne.
La démarche a permis de mettre en lumière l’aspect précipité de l’implantation de la télépratique groupale dans les organismes. Alors que seulement 10 % des personnes répondantes avaient déjà expérimenté l’intervention à distance avant la pandémie, 65 % d’entre elles ont assuré la prestation de services de groupe en ligne après le début de la pandémie. La mise en œuvre de l’intervention à distance a posé des défis à 81 % des répondants, qui ont notamment trouvé difficile et demandant de gérer les nombreux outils technologiques et les différents niveaux de littératie numérique des personnes participantes.
Toutefois, il en ressort que cette modalité d’intervention a permis à plusieurs personnes participantes d’acquérir des compétences numériques qui leur seront utiles sur le marché de l’emploi.
Une adaptation des rencontres groupales
Le passage au virtuel des rencontres groupales comporte des défis propres à cette modalité. Afin de répondre à ces particularités, les intervenants ont dit avoir effectué plusieurs ajustements en lien avec le contenu et le format des séances. D’abord, on note une diminution des heures d’intervention directe en raison de la plus faible capacité de concentration des personnes participantes. Ensuite, plusieurs ont procédé à une diminution du nombre de personnes par groupe dans le but de faciliter les échanges. Malgré tout, la fluidité de la communication en ligne et la distance entre les membres du groupe font en sorte que le spectre des thèmes abordés au cours des rencontres a été réduit aux sujets qui sont plus directement liés à la recherche d’emploi. Ainsi, des sujets plus sensibles, tels que le deuil d’un emploi, ont été retirés des discussions ou ont donné lieu à moins d’autodévoilements, comme en témoigne cette personne répondante :
« Je réalise qu’il y avait une dynamique de groupe qui s’installait clairement. On retrouvait pas mal le même genre de dynamique de groupe, d’entraide puis de groupe de soutien, de partage. Par contre, dans les derniers groupes [en présentiel] ça arrivait assez régulièrement qu’il y avait certaines activités où des gens qui allaient s’exprimer au point de pleurer, quand on parle d’émotions. Dans les groupes virtuels, c’est jamais arrivé. »
Finalement, l’intervention en ligne a augmenté la charge de travail des personnes intervenantes afin d’assurer la confidentialité et le bon déroulement des interactions. Les équipes d’intervention ont notamment dû sensibiliser les personnes participantes au décorum requis au cours des rencontres en ligne (fond d’écran, tenue appropriée, tour de parole, etc.). Toutefois, les intervenants ont souligné que l’ensemble des imbroglios en lien avec le passage au virtuel a donné lieu à des occasions de soutien entre pairs pour le développement de compétences numériques, comme le mentionne cette personne répondante :
« Il y a eu de beaux échanges, parce que, il y en a… ceux qui réussissent à se [connecter] avec nous autres, il y en a qui sont moins habiles. Là, les autres : “Ah bien regarde, je vais te le montrer, je vais te partager mon écran!” Fait que, ça a donné lieu à plein de belles situations comme ça. Des fois, très drôles, très humaines… »
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Comment en apprendre plus sur le passage à la télépratique groupale pendant la pandémie? AXTRA vous démontre la recherche complète.
* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.