Les défis auxquels font face les personnes réfugiées faiblement scolarisées lorsqu’elles s’installent au Canada et au Québec
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Les défis auxquels font face les personnes réfugiées faiblement scolarisées lorsqu’elles s’installent au Canada et au Québec

Temps de lecture : 4 minutes

Ce deuxième article d’une série de cinq présente des contenus qui proviennent d’un ouvrage collectif, L’accompagnement visant l’intégration des personnes réfugiées faiblement scolarisées. Rédigé par un comité composé de trois professeures (Bengaly M., Goyer L., Dionne P.) et deux c.o. candidates au doctorat (Morissette J., Gourde A.), le projet à l’origine de cet ouvrage a été financé par le CERIC (ci-après nommé «le guide»).


Une personne réfugiée faiblement scolarisée qui arrive au Canada devra faire face à plusieurs défis afin de s’intégrer dans cette nouvelle société. Son périple avant d’arriver dans notre pays a souvent été parsemé d’embuches, de conditions difficiles et parfois de traumatismes. Dans l’ouvrage collectif L’accompagnement visant l’intégration des personnes réfugiées faiblement scolarisées (Morissette, Gourde, Goyer, Dionne et Bengaly – sous presse) sept défis sont recensés et expliqués afin d’aider les conseillers et conseillères en orientation et en développement de carrière à comprendre ce que vivent les personnes réfugiées. En voici un aperçu.

Dès leur entrée dans la société d’accueil, les personnes réfugiées faiblement scolarisées vivent un sentiment d’urgence à trouver du travail afin de pouvoir subvenir aux besoins de leur famille. Cet objectif n’est pas nécessairement simple, car elles doivent tout apprendre sur le fonctionnement du marché du travail au Québec.

« L’absence de réseau de contacts; des exigences élevées en ce qui a trait à la maitrise du français; […] l’exigence d’un diplôme ou d’une expérience acquise au Québec » (Conseil supérieur de l’éducation, 2021, p. 145-148) compliquent leur intégration et retardent le moment où les personnes réfugiées faiblement scolarisées peuvent subvenir aux besoins de leur famille.

Étant faiblement scolarisée, la personne réfugiée doit relever dans le processus d’immigration le défi de « la scolarisation et les compétences langagières » (Morissette et al., sous presse, p. 15). Une fois au Québec, plusieurs apprentissages sont à réaliser et chaque personne vit la situation de manière différente. L’apprentissage de la langue, combiné aux obligations familiales et à la difficulté à lire et écrire dans leur langue maternelle, ajoute une difficulté supplémentaire aux familles nombreuses qui doivent concilier les cours de francisation et les responsabilités familiales. De plus, un deuxième défi de « la communication et la compréhension de l’information » (Morissette et al., sous presse, p. 19) est également lié à la francisation. En plus de la barrière de la langue, la personne réfugiée doit « s’intégrer dans une société sans en comprendre les codes linguistiques » (p. 19). Que ce soit pour l’école des enfants, la location d’un appartement ou les instances gouvernementales, plusieurs informations sont communiquées par écrit, notamment en ligne, ce qui devient un obstacle à comprendre et à traiter l’ensemble des informations pertinentes. La littératie numérique – souvent prise pour acquis dans le passage en ligne des services gouvernementaux – peut devenir une entrave à l’accès à de l’information nécessaire à l’insertion sociale et professionnelle.

Afin de pouvoir s’intégrer, suivre les cours de francisation et démarrer la recherche d’emploi, la personne réfugiée faiblement scolarisée doit apprendre le fonctionnement d’une nouvelle culture. Entre autres, la manière d’entrer en contact avec l’autorité peut différer entre la personne réfugiée et les personnes natives du Québec, ce qui amène des défis sur le plan de la communication. De plus, en lien avec le rôle des genres, les femmes réfugiées peuvent vivre un défi supplémentaire dans la conciliation des impératifs familiaux et les démarches d’emploi pour leur intégration. Enfin, « la discrimination et le racisme font partie des défis majeurs que les personnes réfugiées, particulièrement celles racisées, peuvent vivre » (Morissette et al., sous presse, p. 32). Cette réalité peut compliquer l’intégration des personnes dans la société d’accueil (Conseil supérieur de l’éducation, 2021; Moisan, 2020; Lamar et al., 2019). Ainsi l’accompagnement devant ces obstacles devient essentiel pour les aider à les surmonter et à sensibiliser les acteurs de la société d’accueil.

Liées aux premiers défis, les problématiques touchant la santé mentale et la santé physique peuvent affecter les personnes réfugiées faiblement scolarisées. Dans leur pays d’origine, dans les camps de réfugiés et pendant le processus d’immigration, les personnes réfugiées peuvent avoir été témoin de situations particulières (agression physique ou sexuelle, meurtre de proches, etc.) ou avoir vécu des situations difficiles (guerre, génocide, torture, etc.) ayant causé des traumatismes (American Psychological Association, 2024). Face à ces situations, elles n’ont pas  nécessairement eu accès à des soins de santé. Ainsi, ces traumatismes peuvent « altérer la mémoire des personnes réfugiées, tout comme leur capacité d’attention, de traitement de l’information et de concentration » (Morissette et al., sous presse, p. 25), ce qui rend plus difficiles les apprentissages à effectuer dans la société d’accueil.

Le dernier défi, et non le moindre, pour les personnes réfugiées faiblement scolarisées est lié à « la connaissance des ressources gouvernementales et communautaires et des modalités d’accès à celles-ci » (Morissette et al., sous presse, p. 37). Développer une bonne compréhension du fonctionnement des instances du Québec et du Canada représente un défi important et les personnes réfugiées peuvent être victimes de mauvaises informations (Marchioni, 2016). De plus, certaines ressources sont inconnues ou incomprises des personnes réfugiées. Cela fait en sorte qu’elles ne les utilisent pas alors qu’elles en auraient besoin. La peur de ne pas être comprise peut également expliquer pourquoi la personne réfugiée ne va pas vers les ressources disponibles (Arsenault, 2020). Les personnes réfugiées faiblement scolarisées ont besoin d’aide, de conseils et d’accompagnement afin de pouvoir mieux comprendre les options qui s’offrent à elles et qui pourraient faciliter leur intégration (Conseil supérieur de l’éducation, 2021).

L’ensemble de ces défis viennent teinter l’intervention auprès de ces personnes.

Les conseillers et conseillères d’orientation, en emploi et en développement de carrière ont à adapter leur intervention. Pour ce faire, il peut être pertinent de développer les connaissances des différences culturelles. Le prochain article de cette série abordera cette thématique. De plus, le guide ayant pour titre L’accompagnement visant l’intégration des personnes réfugiées faiblement scolarisées (Morissette et al.) vous donnera plus d’informations sur les différentes thématiques abordées dans cette série d’articles.

Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.

American Psychological Association (2024). Trauma. Consulté le 5 janvier 2024

Arseneault, S. (2020). Mieux comprendre l’accueil des réfugiés pris en charge par l’État dans les régions du Québec à travers le regard des intervenants qui les accompagnent. Ediqscope, (14).

Conseil supérieur de l’éducation. (2021). L’inclusion des familles immigrantes : pour une synergie accrue en éducation des adultes. Le Conseil, 233 p.

Lamar, M.R. Frobes, L. K. Capasso, L.A. (2019) Helping working mothers face challenges of an intensive mothering culture. Journal of mental health counseling, 4(3), 203-220.

Marchioni, R. (2016). La réunification familiale : un enjeu essentiel. Droits et libertés, 35(1), p. 21-25.

Moisan, M. (2020). Le téléphone de Mamadou sonne moins, Le Soleil. Consulté le 15 mars 2022

Morissette, J., Gourde, A., Goyer, L., Dionne, P. et Bengaly, M. (sous presse). L’accompagnement visant l’intégration des personnes réfugiées faiblement scolarisées : une perspective interculturelle en orientation. CERIC

 

Julie Morissette est conseillère d’orientation et formatrice en employabilité dans le programme d’intégration socioprofessionnelle du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Depuis plus de 15 ans, elle travaille auprès des personnes réfugiées faiblement scolarisées en vue de les aider à intégrer le marché du travail. Au cours de ces années, elle s’est intéressée au développement de différentes méthodes d’animation de groupe pour les personnes réfugiées ayant un niveau de maîtrise de la langue française très variable. Elle a aussi défini des différents culturels du quotidien pour aider les personnes à mieux comprendre la culture du marché du travail québécois et à mieux vivre leur intégration au travail. Chargée de cours en counseling de carrière au baccalauréat en orientation professionnelle, superviseure en counseling auprès de personnes étudiantes, elle poursuit un doctorat professionnel en enseignement supérieur afin de former les personnes conseillères à l’intervention interculturelle. 

Annie Gourde est conseillère d’orientation, chargée de cours, formatrice et doctorante en sciences de l’orientation, elle s’intéresse à la supervision et la formation des personnes professionnelles en plus d’avoir de l’expérience dans l’intervention avec une clientèle diversifiée. Elle a également une expérience dans le recrutement et le coaching de gestionnaire en transition de carrière.  Impliquée, elle est active dans la profession et s’assure d’être à l’affut des nouveautés, particulièrement en matière de technologie. Elle a une excellente connaissance du marché du travail et des différents enjeux que doivent affronter les organisations et les différentes populations.  

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Julie Morissette est conseillère d’orientation et formatrice en employabilité dans le programme d’intégration socioprofessionnelle du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Depuis plus de 15 ans, elle travaille auprès des personnes réfugiées faiblement scolarisées en vue de les aider à intégrer le marché du travail. Au cours de ces années, elle s’est intéressée au développement de différentes méthodes d’animation de groupe pour les personnes réfugiées ayant un niveau de maîtrise de la langue française très variable. Elle a aussi défini des différents culturels du quotidien pour aider les personnes à mieux comprendre la culture du marché du travail québécois et à mieux vivre leur intégration au travail. Chargée de cours en counseling de carrière au baccalauréat en orientation professionnelle, superviseure en counseling auprès de personnes étudiantes, elle poursuit un doctorat professionnel en enseignement supérieur afin de former les personnes conseillères à l’intervention interculturelle. 

Annie Gourde est conseillère d’orientation, chargée de cours, formatrice et doctorante en sciences de l’orientation, elle s’intéresse à la supervision et la formation des personnes professionnelles en plus d’avoir de l’expérience dans l’intervention avec une clientèle diversifiée. Elle a également une expérience dans le recrutement et le coaching de gestionnaire en transition de carrière.  Impliquée, elle est active dans la profession et s’assure d’être à l’affut des nouveautés, particulièrement en matière de technologie. Elle a une excellente connaissance du marché du travail et des différents enjeux que doivent affronter les organisations et les différentes populations.  

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