Un non-évènement en counseling de carrière peut-il en cacher un autre souhaitable?
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Un non-évènement en counseling de carrière peut-il en cacher un autre souhaitable?

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Du non-évènement à l’autosupervision

Un non-évènement peut provoquer des changements chez nos clients. Élaboré notamment par Nancy Schlossberg, ce modèle des transitions, offre aux intervenants une perspective intéressante pour éclairer autrement l’accompagnement de carrière de certaines personnes. Plus précisément, que peut apporter à l’intervenant cette théorie du non-évènement à la lumière de la dynamique Individu-Étude-Travail définie par Jacques Limoges?

Quels avantages pourraient en retirer les intervenants dans une perspective centrée spécifiquement sur l’orientation et le développement de carrière?

Autrement dit, en tant qu’intervenant, que pourrions-nous apprendre du croisement de la théorie du non-évènement en prenant pour exemple l’occasion en carriérologie de type 1? Nous découvrirons en cours de route que l’analyse d’une occasion en carriérologie peut nous conduire vers l’éclairage de nos attitudes et techniques en tant qu’intervenant.

 

L’occasion en carriérologie de type 1 est cet espace-temps qui peut conduire l’individu à prendre une décision reliée à la dynamique Individu-Étude-Travail.

Si cette première occasion de carriérologie consiste à prendre une décision, nous pouvons nous demander ou demander à la personne « quelle décision n’a pas été prise? » Selon la réponse apportée à cette question par le client, l’étape suivante consistera peut-être à aider le client à en explorer les conséquences sur son vécu et ses croyances ainsi que sur son orientation et sur son développement de carrière.

Concernant cette occasion de type 1, Jacques Limoges nous propose d’utiliser les phases de l’ADVP pour l’aborder. Ainsi nous pouvons aller plus en détail dans le constat de ce qui ne serait pas présent ou en excès dans chaque phase de l’ADVP.

Phase d’exploration

– Quel évènement n’aurait pas été abordé au cours de la phase d’exploration?

– Quel évènement aurait été mis trop en avant au cours de cette phase?

– Quelles en seraient les conséquences sur la personne et sur son processus?

Précisons davantage avec en sous-entendu l’autre polarité « excès » :

– Quel mode de pensée n’a pas été utilisé par la personne durant l’exploration?

– Quelle attitude n’a pas été adoptée?

– Quelle habilité n’a pas été utilisée?

– Quelles en seraient les conséquences sur la personne et sur son processus?

 

Phase de cristallisation

– Quelle donnée n’aurait pas été traitée durant la phase de cristallisation?

– Quelle donnée aurait été traitée au détriment des autres au cours de cette phase?

– Quelles en seraient les conséquences sur la personne et sur son processus?

Précisons davantage :

– Quel mode de pensée n’a pas été utilisé par la personne durant cette phase?

– Quelle attitude n’a pas été adoptée?

– Quelle habilité n’a pas été utilisée?

Quelles en seraient les conséquences sur la personne et sur son processus ?

 

Phase de spécification

– Quelle donnée n’aurait pas été abordée durant la phase de spécification?

– Quelle donnée aurait été excessivement, voire abusivement, spécifiée?

Quelles en seraient les conséquences sur la personne et sur son processus?

Précisons davantage :

– Quel mode de pensée n’a pas été utilisé par la personne durant cette phase?

– Quelle attitude n’a pas été adoptée?

– Quelle habilité n’a pas été utilisée?

Quelles en seraient les conséquences sur la personne et sur son processus?

 

Phase de réalisation

– Quelle donnée n’aurait pas été effectuée durant la phase de réalisation?

– Quelle donnée aurait été réalisée dans un temps et un espace adéquats?

Quelles en seraient les conséquences sur la personne et sur son processus?

Précisons davantage :

– Quel mode de pensée n’a pas été utilisé par la personne au cours de la réalisation?

– Quelle attitude n’a pas été adoptée?

– Quelle habilité n’a pas été utilisée?

Quelles en seraient les conséquences sur la personne et sur son processus?

 

Aborder la prise de décision de cette manière représente une intervention à visée préventive. En effet, cette analyse diminue les risques de fragiliser cette prise de décision.

Elle augmente les chances de ne pas avoir à revisiter la décision (occasion de type 6). Aussi, l’analyse de l’occasion 1 me conduit à m’interroger sur l’autosupervision de l’intervenant. Est-ce votre cas? Dans l’affirmative, nous pourrions reprendre les phases du counseling de carrière élaborées par Lecomte et Savard.

Ce qui donnerait du côté du client, par exemple : Quel évènement manque dans la phase d’exploration du scénario actuel du client? Un diplôme qui n’a pas été obtenu? Un rêve ou un projet professionnel qui n’a pas été réalisé? Quel en est l’impact sur l’éventuel projet actuel, sur la confiance en soi et sur l’espoir d’une solution? Le non-évènement est-il nommé? Est-il conscientisé et intégré? Le deuil lié à ce non-évènement a-t-il été fait? Ces questions supposent que l’intervenant écoute avec « une troisième oreille » comme nous le suggère Schlossberg. De plus, selon moi, ces questions renvoient à l’autosupervision de l’évaluation et de l’intervention de l’intervenant.

Cette « troisième oreille » pourrait-elle être dirigée également vers notre évaluation et notre intervention? Ainsi l’intervenant pourrait-il lui-même explorer un non-évènement dans son évaluation et son intervention en orientation et en développement de carrière? Pourrait-il découvrir un éventuel excès d’exploration dans une direction donnée? Ce qui donnerait du côté de l’intervenant, par exemple : L’accueil du client a-t-il été réalisé? L’accueil du vécu de la personne a-t-il été réalisé dans plusieurs dimensions (affective, cognitive, relationnelle, somatique…)? Le soi du client a-t-il été exploré avec l’intervenant? La rencontre a-t-elle permis d’ouvrir de nouvelles perspectives?

Au fond, quelles attitudes et techniques n’ont pas été mobilisées par l’intervenant? A contrario, quelles attitudes et techniques ont été trop mobilisées? L’autosupervision consiste en un ajustement permanent de sa posture d’intervenant, ce qu’Egan nomme « évaluation continue » des phases du counseling.

 

Autrement dit, quelles attitudes (côtés client et intervenant) et techniques (côté intervenant) seraient favorables à la recherche de ressources et de solutions?

 

Références

Egan, G. (2005). Communication dans la relation d’aide. 2e édition. Montréal. Éd. Beauchemin

Limoges, J. (2018). La dynamique Individu-Étude-Travail. L’orientation et le développement de carrière. Paris. Éd. Quiplusest

Nancy K. Schlossberg, « Aider les consultants à faire face aux transitions : le cas particulier des non‑événements », L’orientation scolaire et professionnelle  34/1 | 2005, en ligne depuis 28 septembre 2009, consulté le 16 mars 2024.

* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.  

 

 

Psychologue de l’éducation nationale spécialisé en éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle, Laurent exerce en France dans un centre d’information et d’orientation. Depuis 20 ans, il accompagne tout type de public notamment les scolaires. Il a passé une année en qualité d’étudiant au Département d’orientation professionnelle de l’Université de Sherbrooke pour peaufiner ses compétences opérationnelles. Il mesure chaque jour la portée transculturelle d’un counseling au service de l’orientation et du développement de carrière. Il partage son expérience de l’accompagnement via l’écriture et la formation.
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Psychologue de l’éducation nationale spécialisé en éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle, Laurent exerce en France dans un centre d’information et d’orientation. Depuis 20 ans, il accompagne tout type de public notamment les scolaires. Il a passé une année en qualité d’étudiant au Département d’orientation professionnelle de l’Université de Sherbrooke pour peaufiner ses compétences opérationnelles. Il mesure chaque jour la portée transculturelle d’un counseling au service de l’orientation et du développement de carrière. Il partage son expérience de l’accompagnement via l’écriture et la formation.
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