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Travail et turbulences du milieu de la vie

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Jusqu’à présent, j’ai été une bonne élève. J’ai fait tout ce qu’on attendait de moi : études, famille et boulot. Tout faire pour les autres, toujours, jusqu’à l’épuisement, au burnout et même à la dépression.– Sara, 45 ans 

Le milieu de la vie, le mitan, est cette longue traversée du parcours de la vie, entre 45 ans et 60 ans environ, depuis la fin de la vie de jeune adulte jusqu’à l’entrée dans la retraite.  

Au mitan, la majorité des quarantenaires-cinquantenaires sont bien installés dans la vie avec leurs petits et grands bonheurs, et leurs petits et grands malheurs. Ils profitent des efforts déployés pendant toutes ces décennies pour se tailler une place au soleil, atteindre leurs ambitions professionnelles et matérielles, et pour la majorité d’entre eux, fonder une famille. Ils savent qu’ils ont fait de leur mieux pour atteindre cette stabilité, parfois une façade, en se conformant aux standards du succès et de la réussite, en plus de tenter de satisfaire tout le monde autour d’eux. 

S’oublier sur le chemin de la réussite? 

En 2022, près d’un Canadien sur trois accusait sa vie professionnelle de trop empiéter sur sa vie personnelle et familiale. (Statistique Canada, 2024) 

Les quarantenaires-cinquantenaires sont nombreux à s’interroger sur l’étendue des sacrifices et des renoncements qu’ils ont consentis pour en arriver là, notamment des besoins, des désirs, des projets et des rêves.

Parfois, ils ont tout investi dans leur travail, au détriment de leur santé et de leur famille. 

Ils se demandent alors ce qui les a poussés à s’oublier ainsi en chemin et comment ils pourraient accorder plus de place à leurs propres besoins et bien-être. Ils s’inquiètent aussi à propos de leur avenir professionnel alors qu’on commence à les trouver trop âgés pour occuper certains postes. Ils sont pourtant au sommet de leurs compétences et de leurs expériences, et ont encore beaucoup à offrir et à transmettre.  

Alors, ils déposent dans la balance leurs bons coups et leurs moins bons coups, leurs réussites, leurs échecs, les plus et les moins concernant leurs relations affectives et sociales ainsi que leur santé. Cela pourra les attrister ou au contraire leur confirmer qu’ils ont bien mené leur vie jusqu’à présent et qu’ils peuvent être fiers de ce qu’ils sont devenus.  

Une puissante prise de conscience 

Les quarantenaires-cinquantenaires s’ennuient parfois dans le confort de leur quotidien et de leurs habitudes sécurisantes alors qu’ils n’ont pas grand-chose de nouveau, d’emballant et même d’excitant en vue, tant au travail que dans leur vie de couple ou dans leurs loisirs. Ils voient le peu de temps qu’il leur reste pour rattraper les occasions perdues ou pour tout recommencer. Ils se demandent parfois aussi s’ils ne se sont pas carrément fait avoir par la vie et ses paillettes. 

Cette puissante prise de conscience en poussera plusieurs à réaménager leur vie, juste ce qu’il faut pour rétablir l’équilibre entre leurs propres besoins et les attentes de l’extérieur; d’autres vont la chambouler totalement. Plusieurs retourneront aux études, prendront une année sabbatique, quitteront leur emploi pour créer leur propre entreprise ou pour faire le tour du monde, à pied, à vélo ou en voilier. D’autres vont acquérir une minimaison, s’engager dans des actions bénévoles à l’étranger, former une nouvelle union et mettre des enfants au monde ou en adopter.  

D’autres encore continueront sans rien changer, puisqu’ils ne s’imaginent pas être quelqu’un de différent.

Ils ne ressentent pas du tout le besoin de cacher qui ils sont vraiment, car cette crise du milieu de la vie ne les atteint pas. Non seulement leur personnalité et leur histoire de vie ne les y prédisposent pas, mais ils ont surtout su équilibrer toutes leurs sources de bien-être.  

Enfin, il y a ceux qui n’ont ni le temps ni l’envie d’y penser tant ils sont pris dans le tourbillon et les exigences de leur vie, de leurs plaisirs et de tout ce qu’il y a à faire d’intéressant et d’amusant, ici et maintenant, même si, en chemin, ils subissent quelques turbulences et accrochages. Il ne leur reste que peu de temps et de place pour l’introspection et l’évaluation de l’impact que pourraient avoir leurs décisions d’aujourd’hui sur leur vie de demain.  

L’épuisement et l’obsolescence pour plusieurs… 

Au Canada, chaque année, une personne sur cinq souffre d’un problème de santé mentale, ce qui équivaut à 500 000 personnes incapables de travailler chaque semaine, en plus de représenter un coût économique estimé à 51 milliards de dollars. (La Société canadienne de psychologie, 2024) 

C’est aussi à cette étape du cycle de la vie que l’obsolescence, l’épuisement et les absences au travail en raison de problèmes de santé mentale sont les plus fréquents. L’obsolescence, c’est le désengagement et le désinvestissement, le repli sur soi et sur ses propres intérêts, dont les vacances, les loisirs, les avantages sociaux et les absences répétées pour maladie. Cependant, l’entreprise et ses gestionnaires pourraient parfois s’interroger sur leurs propres responsabilités dans ce désinvestissement de leurs employés qui préfèrent se trouver ailleurs qu’au travail. 

En effet, un salaire, surtout lorsqu’il est assuré, mais ne permet pas à l’employé de se réaliser ni d’obtenir de reconnaissance pour ses compétences (lire : être parfois mis sur une voie de garage en raison de son âge), n’est plus vraiment une source de motivation pour donner le meilleur de soi.  

Pour toutes ces raisons, je suis persuadée que nous devrions offrir des formations aux gens dans la cinquantaine, travailleurs ou non, afin de les accompagner dans cette délicate transition de vie vers la retraite. Ils pourraient réfléchir à ce qu’ils pourraient consolider, améliorer, changer ou carrément abandonner pendant qu’ils en ont encore le temps. 

* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre

 

Références

Extraits du livre Les sept piliers du bien-être à la retraite. Pourquoi et comment les consolider dès la quarantaine. 

Docteure en sciences de l’éducation, Marie-Paule Dessaint est auteure de 17 livres consacrés au bien vieillir, à la crise du milieu de la vie, à l’entretien de la mémoire et au bonheur.
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Docteure en sciences de l’éducation, Marie-Paule Dessaint est auteure de 17 livres consacrés au bien vieillir, à la crise du milieu de la vie, à l’entretien de la mémoire et au bonheur.