Quand le trauma devient un tournant
Après la résilience et le gai-rire abordés précédemment, qu’est-ce que le développement post-traumatique? Nos clients traversent des zones de turbulences déclenchées par un changement organisationnel, une maladie, un accident, le départ d’un membre de la famille, une remise en cause identitaire et des crises provoquées par un deuil, une longue maladie ou une maladie grave, un attentat, une perte d’emploi, un grave accident. Les zones de turbulences et les crises, sources de désorganisation et de détresse, ponctuent différentes étapes de carrière et plus souvent un parcours de vie. Quel est l’impact d’évènements graves sur nos clients? Comment les aider à développer leur capacité à faire face aux inévitables turbulences et crises de la vie scolaire et professionnelle en particulier et de la vie en général? Quelles sont les stratégies envisageables en counseling de carrière?
La résilience est un concept multidimensionnel. Le développement post-traumatique concerne « les changements psychologiques positifs provoqués par des évènements graves » d’après Cathoun et Tedeschi. Selon eux, le développement post-traumatique consiste donc non seulement à dépasser les traumas mais aussi à en tirer des bénéfices psychologiques. Ainsi une épreuve n’est pas présente dans notre vie seulement pour être dépassée. Elle est là pour nous révéler à nous-mêmes notre personnalité positive. Plusieurs chercheurs conçoivent la résistance psychique comme une construction psychologique à la fois d’état et de trait. Expliquons-nous. Les notions de résilience de trait et de résilience d’état font référence à 2 processus complémentaires bien connus en psychologie. Ces 2 processus ne sont pas nécessairement reliés : le système 1, non conscient, rapide et le système 2, conscient, lent.
- Le système 1, processus automatique qui se situe davantage sur les plans sensoriel et kinesthésique, par exemple prendre une tasse de thé chaud entre ses mains, être exposé à des bruits de feuilles dans la nature, à des couleurs d’automne, à une odeur agréable, à la présence d’un animal réceptif, à l’air marin…
- Le système 2, processus intentionnel dit contrôlé, par exemple sur le plan comportemental « sourire », sur le plan cognitif « réinterpréter la situation », sur le plan affectif « imaginer une émotion agréable », sur le plan relationnel « exprimer de la reconnaissance à quelqu’un ».
Les stratégies de résilience s’inscrivent au sein de ce double processus : l’humour, la réinterprétation cognitive, l’attribution de bénéfices, le sens positif des évènements, la prise de conscience d’émotions agréables.
Aussi, des évènements graves peuvent toucher profondément notre système de valeur. Selon Janoff-Bulman, la confrontation au traumatisme vient briser 3 de nos croyances fondamentales :
- Les êtres humains sont fondamentalement bons
- Les évènements ont du sens et sont contrôlables
- Je suis quelqu’un de bien et d’honorable
De cette confrontation au traumatisme peut naître un nouveau processus de vie, une nouvelle perspective, une nouvelle profondeur, de nouveaux schémas, une nouvelle vision de la vie. Cette vision peut correspondre davantage à notre personnalité positive. Ainsi un psychotrauma peut nous pousser à aller chercher et à mobiliser des ressources inattendues pour aller au-delà de nous-mêmes, en fait en nous-mêmes. Sans ce trauma serait-on allé chercher ces ressources? Difficile de répondre à cette question? Ces ressources (compétences, confiance, espoir, optimisme, valeurs) vont permettre de dépasser le trauma.
De plus, du point de vue de la psychologie positive, la capacité à faire face à l’adversité peut se développer en expérimentant des émotions positives (joie, amour, curiosité, motivation autonome, passion harmonieuse, intérêt) aussi au sein des inévitables turbulences de la vie scolaire, professionnelle et sociale, autrement dit dans des circonstances parfois pénibles.
Aussi, les émotions positives engendrent une attention étendue, une flexibilité mentale et génèrent de la créativité selon Fredrickson. L’effet « étendu » se traduit au bout du compte par une vision élargie de la situation et conséquemment par des potentialités accrues d’action. En phase Action du counseling de carrière, les possibilités de concrétisation sont donc plus larges. L’intervention en counseling de carrière peut s’appuyer sur cet effet « étendu » pour accompagner dans un climat de sécurité psychologique l’exploration de soi et de l’environnement des clients. Cet élargissement du champ de l’attention, par opposition au rétrécissement de l’attention provoqué par des émotions pénibles (peur, anxiété, haine), fait donc partie des mécanismes adaptatifs et de survie de l’être humain. Ainsi, les mécanismes adaptatifs facilités par des émotions positives permettent de faire émerger les ressources psychiques des individus.
Finalement à la lumière du double processus, de la psychologie évolutionniste et de la psychologie positive, le processus conscient exige un effort (processus intentionnel) et l’autre (processus automatique) très peu voire pas du tout. Une méta-stratégie consisterait à automatiser la mentalisation et l’expression émotionnelles positives par la répétition des stratégies évoquées plus haut. Du point de vue de la psychologie positive, vivre des émotions agréables face à l’adversité peut représenter une forme de résilience et pas forcément une pathologie. Alors aidons nos clients à trouver les avantages (croissance personnelle, compétences renforcées, valeurs affirmées, ouverture à la modération) à traverser une zone de turbulence voire une crise et à se remémorer régulièrement les bénéfices de façon à automatiser la mentalisation et l’expression positives : amour, curiosité, ouverture d’esprit…
Référence bibliographique
Martin-Krumm, C. et Tarquinio, C. (2011). Traité de psychologie positive. Bruxelles. Editions de boeck.