Résumé
Le contrôle que nous pouvons exercer sur notre propre carrière est limité. Nos carrières ressemblent davantage à des montgolfières, qui ne peuvent pas naviguer, qu’à des ballons dirigeables. Pourtant, le discours ambiant laisse entendre que nous devrions assumer le contrôle de notre propre carrière, poursuivre des objectifs clairs et chercher constamment à les atteindre.
Avez-vous déjà volé dans une montgolfière?
Une montgolfière est un énorme ballon à air chaud, qui permet de flotter dans le ciel. Inventée par les frères Montgolfier en 1783, la montgolfière fut le premier objet volant capable de transporter des personnes. Elle a fait fureur au 18e siècle et demeure populaire aujourd’hui. Au Québec, on peut voir de nombreuses montgolfières s’envoler, l’été, durant des festivals qui leur sont dédiés, notamment à Saint-Jean–sur–Richelieu et à Gatineau.
Si vous en avez fait l’expérience lors d’un de ces festivals, vous savez déjà qu’une envolée en montgolfière est toute une aventure. Une montgolfière peut facilement gagner ou perdre de l’altitude, simplement en réchauffant l’air à l’intérieur du ballon ou en le laissant s’échapper. Naviguer, tourner à droite ou à gauche, c’est toute une autre histoire. La montgolfière dépend des vents pour se diriger. Si le vent change subitement, votre destination vient de changer elle aussi. Un bon pilote peut changer d’altitude pour profiter d’un vent soufflant dans la bonne direction, mais il est impossible de contrôler efficacement le trajet d’une montgolfière. On ne sait donc pas où se terminera son envolée.
Les ballons dirigeables, qui sont apparus un siècle plus tard, ont permis de dépasser cette limite. Ces ballons remplis de gaz possédaient de petites hélices et un gouvernail qui leur permettaient de naviguer. Les dirigeables furent les premiers engins volants capables d’atteindre des destinations précises, peu importe la direction des vents.
La carrière, ce dirigeable!
Selon le discours ambiant sur la carrière, celle-ci ressemblerait plutôt à un dirigeable qu’à une montgolfière. En effet, la carrière consisterait d’abord en une destination qu’on désire atteindre : un emploi qui nous correspond, bien rémunéré, avec d’excellentes conditions de travail, mais qui nous laisse suffisamment de temps et d’énergie pour notre vie familiale et sociale. Il s’agit ensuite d’atteindre cette destination et toute une panoplie de conseils nous sont offerts pour y parvenir : comment choisir l’emploi qui nous convient, créer son réseau d’influence, écrire un CV gagnant, réussir son entrevue, devenir irremplaçable, et ainsi de suite.
Sur un dirigeable, on se sert des hélices et du gouvernail pour contrôler son vol vers sa destination. De la même façon, suivre tous ces beaux conseils, c’est prendre le contrôle de sa carrière. Grâce à ce contrôle, vous atteindrez votre destination, l’emploi de vos rêves, enfin!
La carrière, cette montgolfière!
Pour la plupart d’entre nous, néanmoins, nos carrières ressemblent plutôt à des montgolfières; on ne sait pas toujours où on va se retrouver. Tout comme les vents qui poussent les montgolfières de gauche à droite, nos carrières sont soumises à des forces qui échappent à notre contrôle. Par exemple, vous pourriez diplômer d’un programme de formation et commencer à chercher un emploi au moment où une récession commence; il a été montré que cela peut longtemps nuire à la « progression » de la carrière. Vous pouvez perdre l’emploi que vous avez occupé pendant plusieurs années pour vous rendre compte que la demande pour vos compétences et votre expérience a fortement diminué. Vous devez, malgré vous, occuper les dernières années de votre vie active par des petits boulots qui paient mal et n’offrent pas de sécurité d’emploi.
Bien sûr, les plus débrouillards et les plus résilients d’entre nous verront ces obstacles comme des défis à affronter et sauront s’adapter. Ils sont comme les bons pilotes de montgolfières, qui s’adaptent aux changements de vents en changeant d’altitude. Malheureusement, tous ne sont pas de bons pilotes, et même eux ne peuvent garantir le succès de leurs manœuvres.
Nous avons donc un certain contrôle sur notre carrière, mais pas assez pour « voler » vers une destination précise et savoir avec certitude où nous nous retrouverons.
L’art de la montgolfière
Puisque notre contrôle sur notre propre carrière est limité, voici deux importants principes à retenir.
1. La carrière se construit « en allant »
Dans une montgolfière, le fait de ne pas connaître son point d’arrivée n’est pas si important. C’est plutôt l’envolée en elle-même qui compte. Il en est de même avec la carrière. Il est futile de la considérer comme un effort pour atteindre une destination incertaine. Il est suffisant de simplement expérimenter son envolée, d’apprécier l’aventure et d’apprendre de l’expérience. C’est souvent seulement lorsqu’on atterrit, à la fin de sa carrière, qu’on réalise combien notre voyage en a valu la peine. Pour utiliser une autre image, mieux connue, la carrière est une construction, qui s’érige progressivement au gré de nos expériences, et dont la forme ultime nous est révélée que lorsque la construction est terminée.
2. Gérez l’expérience
Il ne s’agit pas cependant de laisser sa carrière suivre son cours, de rester passif. Un bon pilote de montgolfière, après tout, cherchera à rendre son envolée aussi agréable que possible, à en faire une belle expérience. De la même façon, lorsque votre carrière devient trop difficile, vous devrez exercer votre contrôle, faire ce que vous pouvez pour améliorer la situation autant que possible. Ce contrôle sera néanmoins toujours limité.
Pour en savoir davantage
Peavy’s Socio-dynamic, contructivist Counseling. http://www.sociodynamic-constructivist-counselling.com/
Charley Stone, M.P.P., Carl Van Horn, Ph.D., Cliff Zukin, Ph.D. Chasing the American Dream: Recent College Graduates and the Great Recession. John J. Heldrich Center for Workforce Development, May 2012. https://www.heldrich.rutgers.edu/products/chasing-american-dream-recent-college-graduates-and-great-recession
Article publié la première fois le 11 novembre 2019.