Alors que les commentaires oraux et écrits quant à ma dernière publication ayant pour titre La Dynamique Individu-Étude-Travail, l’orientation et le développement de carrière[1] se font aussi nombreux qu’élogieux, je ne peux m’empêcher de revenir sur ce qui est socialement considéré comme mes années de vie active, en particulier mes 26 années comme professeur-chercheur à l’Université de Sherbrooke et, du coup, de penser à celles et à ceux qui font relève.
Pour ce faire, les « joueurs » doivent acquérir et maîtriser un style littéraire hautement codé : dépersonnalisation du texte entre autres par l’usage de la troisième personne et par l’inversion des sujets et objets, par la « truffation » presque excessive de leur texte avec des statistiques et des références probantes, par de nombreuses citations d’auteurs fétiches[2], etc. Il en résulte un texte on ne peut plus hermétique! Et afin de s’assurer que leur article sera conforme au moindre de ces codes, cet article sera évalué –de préférence à l’international– par des pairs, d’où la nécessité de l’écrire en anglais et de maintenir ici la formulation anglaise pour résumer cette injonction. Conséquemment, cela ajoute un handicap[3] supplémentaire pour les auteurs dont la langue maternelle n’est pas l’anglais!
Ayant été actif dans les deux camps de cette joute, c’est-à-dire qu’au cours de ma carrière j’ai soumis moutle fois des articles comme auteur (et il m’arrive de le faire encore) d’une part et je fus président pendant plus de 6 ans du comité international de lecture de la revue Carriérologie[4]d’autre part, je connais très bien ce jeu et j’avoue sans gêne que, d’un camp à l’autre, ce jeu peut être stimulant voire grisant!
L’entrée dans ce sport extrême est conditionnée par un besoin plus ou moins conscient : celui d’être lu et, ultimement, d’être cité.
Or, il est maintenant démontré que de tels articles n’attirent en moyenne que 6 lecteurs –à espérer en plus du comité de lecture–, le plus souvent des émules de l’auteur comme ses collègues, ses étudiants et ses doctorants!
Conséquemment, si un auteur souhaite élargir son lectorat et, entre autres, recevoir des commentaires comme ceux mentionnés en début de ce billet, il n’a pas d’autres choix que d’opter pour une forme de vulgarisation scientifique et ainsi s’adresser à un public plus large ce qui, inévitablement, le conduira à utiliser une langue vernaculaire comme le français pour le public francophone.
En somme, il serait plus que dommage si la brillante relève qui se pointe mettait tous ses œufs –lire investir tout son égo– dans le même panier, celui d’être publié plutôt que d’être lu, parole d’un vieux routier!
[1] Éditée par les éditions Qui-plus-est de Paris et distribuée en Amérique par www.septembre.com
[2] En particulier ceux ayant déjà publié dans cette revue ou chez cet éditeur!
[3] Au sens de défi supplémentaire comme au golf.
[4] J’ai également dirigé pendant plusieurs années la rubrique « Recherche » du magazine L’orientation de l’Ordre de conseillers et conseillères d’orientation du Québec.