Dans une acceptation générale et tandis que l’indécision traduit « l’incapacité d’une personne à exprimer un choix quand elle est incitée à le faire » (Forer, 2007, p.214), cette dernière peut traduire un état particulièrement déconcertant, frustrant et douloureux à vivre. Considérée à l’origine comme une forme d’inadaptation sur le plan personnel et teintée alors très négativement, l’indécision a même été associée à des troubles d’ordre psychologique (Forner et Dosnon, 1991 ; Dosnon, 1996). De manière très schématique, l’indécision traduisait au départ un trait de personnalité, puis a constitué une étape dans le développement de la vie et, depuis plus récemment, traduit un état de dysfonctionnement chez l’individu, notamment au niveau de la manière dont il traite les informations avant de prendre une décision, de faire un choix (Forer, 2007), en l’occurrence un choix de carrière.
Face à un évènement stressant comme peut l’être une prise de décision, il apparaît que le stress alors vécu découle de l’évaluation que l’individu fait à la fois du caractère menaçant de la situation elle-même et de l’évaluation de ses propres ressources à pouvoir y faire face adéquatement. C’est à la suite de cette évaluation qu’il met alors en place des moyens de s’adapter.
Centré sur les stratégies d’adaptation basées sur l’émotion, l’évitement consiste alors à l’aider à gérer la tension émotionnelle qui découle de la situation elle-même (« il faut que je fasse un choix et je ne parviens pas à savoir lequel »).
Il peut se traduire alors par un évitement direct de la confrontation au problème, mais aussi par un évitement plus indirect en prenant, par exemple, la forme d’une fuite dans le sommeil, la nourriture, l’alcool, etc.
Bien que de très nombreuses recherches soulignent en quoi l’évitement s’avère être une stratégie novice pour l’individu (favorisant l’anxiété et la dépression notamment), il apparaît pourtant être l’une des stratégies d’adaptation les plus utilisées (Paulhan, 1992) et cela parce qu’il apporte un répit temporaire à ceux qui y ont recours. Plus largement et alors que l’évitement traduit un désir de reprendre en fait le contrôle sur la situation d’indécision qui est stressante, il semble que ce soit ce principe même du contrôle qui pose problème. En effet, un tel principe, inciterait l’individu à évaluer en termes qualitatifs (Dionne et Neveu, 2010) le contenu de ses pensées et de ses émotions inconfortables au moment ou celles-ci surgissent en lui (Hayes et al., 2009), le conduisant, lorsqu’il les juge douloureuses et inadéquates, à tenter de les éliminer en exerçant sur elles un contrôle (par exemple via l’évitement) et cela de manière à atténuer l’inconfort qu’elles lui font vivre (Neveu et Dionne, 2009).
Pourtant, il paraît bien délicat, voire hasardeux de chercher ainsi à vouloir gérer ses propres ressentis intérieurs et comportements pour faire face à une situation aussi aversive et stressante telle que peut l’être un état d’indécision vocationnel. N’y aurait-il alors pas lieu de voir les choses autrement?
Dans la continuité des approches basées sur la méditation de la pleine conscience, le modèle de l’acceptation et de l’engagement considère, à l’inverse, que le contrôle face aux situations stressantes n’est pas la solution, mais bien le problème!
En effet, c’est en cherchant à contrôler les ressentis intérieurs négatifs qui découlent d’une situation stressante ((par exemple « je suis nul, je ne parviens même pas à savoir ce que je veux ») que précisément le risque s’accroît de nourrir ainsi ces ressentis et de les voir se développer en soi, les conduisant alors à exercer une influence sur les agissements et les comportements qui s’en suivent (notamment d’évitement). Avec l’approche d’acceptation et d’engagement, il est question non plus d’éviter, mais, au contraire, d’accueillir de manière ouverte, non résignée, attentive et bienveillante les ressentis négatifs qui se trament derrière cet évitement (par exemple la peine et la culpabilité) et à travers la pratique méditative elle-même. L’enjeu dans cette pratique est alors de faire suffisamment de place en soi pour accueillir ces ressentis et de manière à instaurer progressivement une distance entre ceux-ci et les comportements « conditionnés » qui peuvent alors en découler.
Cet article est paru à l’origine sur le site Orientaction.ca le 5 septembre 2018.