L’importance de l’acceptation face au changement
Marché du travail

L’importance de l’acceptation face au changement

Temps de lecture : 5 minutes

Cet article, composé de deux parties, aborde le rôle, l’influence et possiblement l’impact parfois négatif du besoin de contrôle sur nos trajectoires de vie (professionnelles). Dans la continuité, la seconde partie présente la notion d’acceptation comme levier utile pour sortir de cet « agenda du contrôle » et de manière à réaligner nos vies professionnelles en phase avec nos valeurs.

Face à des difficultés, notamment d’ordre professionnel (…), les individus cherchent alors et avant tout à restaurer leur contrôle.
Le contrôle, un besoin fondamental et bénéfique  

Lorsqu’ils songent à leur avenir, par exemple à l’occasion d’une démarche de réorientation de carrière, les individus sont spontanément orientés vers l’atteinte de buts qu’ils se fixent alors (Martin-Krumm et Tarquino, 2011). Pour y parvenir, le besoin de contrôle est essentiel et s’exprime comme un désir de maîtrise sur le résultat de leurs actions (Dubois, 1987; Schulz, 1976; Morin, 2010). Le besoin de contrôle semble donc être inhérent et fondamental à la condition humaine. À cet égard, une littérature foisonnante témoigne du désir humain de contrôle du résultat de ses propres actions (Giddens, 1991), en tant que pouvoir d’agir, l’identité elle-même et son développement se construisant par le contrôle (Piaget, 1956 ; Berzonsky, 1988). À ce sujet, il est autant question du besoin de contrôle effectif que du sentiment de contrôle (Dubois, 1987). Wallston (1987) précise qu’il est tout aussi important de se savoir capable de trouver les réponses adaptées pour contrôler une situation (p. ex., atteindre un objectif professionnel qu’on s’est fixé) que d’avoir à y recourir réellement. Il est alors question du besoin de « contrôle perçu », (Lazarus et Folkman, 1987).  

À l’inverse, le fait de se savoir incapable de contrôler le résultat de ses actions ou de croire en la possibilité d’y parvenir, peut conduire à vivre de l’anxiété, de la détresse psychologique et à développer des problèmes de santé mentale, tels que de la dépression (Maier et Seligman, 1976 ; Courty, Bouisson et  Compagnone, 2004). Au niveau professionnel et face à des difficultés pouvant se traduire, par exemple, par de l’ennui, de la perte de sens ou du plafonnement de carrière, la perte ou la privation de contrôle qui peut être ressentie, s’accompagne, en particulier, d’un sentiment d’impuissance (Lhuillier, 2006) et de désespoir (Maier et Seligman, 1976). 

Face à des difficultés, notamment d’ordre professionnel (perte d’emploi ou démarche de réorientation de carrière subie à la suite d’un accident du travail), les individus cherchent alors et avant tout à restaurer leur contrôle.

Pour y parvenir, ils ont souvent tendance à surévaluer leurs possibilités de maîtrise sur leur environnement, leurs possibilités, refusant parfois d’admettre que des facteurs qui leur apparaissent comme incontrôlables puissent expliquer ce qui leur arrive et déterminer leurs options (Dubois et Leyens 1994).

Dans ces conditions, ils sont susceptibles d’entretenir une forme d’illusion quant au pouvoir, exagéré, qu’ils croient avoir sur leur environnement, mais aussi sur les comportements qu’ils adoptent de manière à pouvoir tenter de maîtriser à nouveau le résultat de leurs actions (Langer et al., 1983). Dans ce contexte, le postulat du contrôle semble poser problème puisqu’il inciterait les individus à tenter de gérer à la fois leurs actions, leurs comportements, mais aussi les pensées et les émotions qui les accompagnent. Cependant, de telles tentatives semblent avoir un effet notoirement nuisible au niveau de leur santé psychologique : de nombreuses études soulignent en effet l’effet paradoxal du contrôle des pensées et des émotions et de son impact négatif sur le plan psychologique (Wilson et Murrell, 2004). Ainsi,  plus les individus cherchent à contrôler et faire taire les pensées et les émotions pénibles associées à une difficulté, plus leur fréquence d’apparition et leur intensité risquent d’augmenter (Monestès, Villatte et Loas, 2009;  Wegner et Erber, 1992).  

L’approche d’acceptation et d’engagement (ACT) propose une alternative intéressante pour sortir de cette tendance au contrôle (Hayes et al., 2012).  

Selon l’ACT et puisque le fait « d’accepter plutôt que lutter, d’observer avec distance plutôt que croire nos pensées difficiles est plus efficace que de tenter de s’en débarrasser » (Monestès, Villatte, 2011, p.2), le travail sur l’acceptation cherche donc à limiter l’influence de ses pensées et de ses émotions sur ses comportements (Butler et Ciarrochi, 2007). Hayes et al., (2012) précisent que l’acceptation consiste non pas à se résigner, mais plutôt à demeurer ouvert et bienveillant à l’égard de ce qui se passe en soi, dans le moment présent et sans chercher à modifier ses ressentis, même lorsqu’ils sont négatifs et douloureux. 

Sur le plan empirique, et tandis que le fait de ne pas accepter ses pensées est associé à plus de pensées intrusives et d’obsessions, plusieurs études soulignent en quoi une attitude d’acceptation envers ses pensées et ses émotions négatives quand elles surviennent aurait pour effet d’en diminuer la fréquence et l’intensité (Shallcross, Troy, Boland, et al., 2010 ; Wolgast, Lundh, et Viborg, 2011), l’acceptation de ses émotions négatives contribuant même au développement de la santé psychologique (Ford, Lam, John et al., 2017).   

Nous verrons dans un prochain article, comment mettre en pratique cette notion d’acceptation auprès des personnes.  

* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.  

 

Références

Berzonsky, M. D. (1988). Self-theorists, identity status, and social cognition. In D. K. Lapsley & F. C.Power (Eds.), Self, ego, and identity: Integrative approaches (pp. 243-262). New York: Springer. 

Butler, Jodie, et Joseph Ciarrochi. “Psychological acceptance and quality of life in the elderly.” Quality of life Research 16.4 (2007): 607-615. 

Courty, B., Bouisson, J., Compagnone, P. (2004). Risque d’épuisement professionnel chez les soignants en gériatrie: une approche centrée sur la personne. Psychologie & Neuropsychiatrie du vieillissement, 2(3), 215-224 

Dubois, Nicole, and Jacques Philippe Leyens. La norme d’internalité et le libéralisme. Presses universitaires de Grenoble, 1994. 

Ford, B. Q., Lam, P., John, O. P., & Mauss, I. B. (2018). The psychological health benefits of accepting negative emotions and thoughts: Laboratory, diary, and longitudinal evidence. Journal of personality and social psychology, 115(6), 1075. 

Hayes, Steven C., Jacqueline Pistorello, et Michael E. Levin. “Acceptance and commitment therapy as a unified model of behavior change.” The Counseling Psychologist 40.7 (2012): 976-1002. 

Langer, Ellen J., et Robert P. Abelson. The psychology of control. SAGE Publications, Incorporated, 1983. 

Lazarus, R. S., Folkman, S. (1987). Transactional theory and research on emotions and coping. European Journal of personality, 1(3), 141-169. 

Lhuillier, D. (2006). Compétences émotionnelles: de la proscription à la prescription des émotions au travail. Psychologie du travail et des organisations, 12(2), 91-103. 

Maier, S. F., Seligman, M. E. (1976). Learned helplessness: Theory and evidence. Journal of experimental psychology: general, 105(1), 3. 

Martin-Krumm, Charles, et Cyril Tarquinio. « L’optimisme: simple confiance en l’avenir ou stratégie? Quelle réalité. » Traité de psychologie positive: fondements théoriques et implications pratiques. De Boeck, Bruxelles (2011): 201-232. 

Monestès, J. L., Villatte, M., Mouras, H., Loas, G., Bond, F. W. (2009). Traduction et validation françaises du questionnaire d’acceptation et d’action (AAQ-II). European review of applied psychology, 59(4), 301-308. 

Monestès, Jean-Louis, et Matthieu Villatte. La thérapie d’acceptation et d’engagement. Elsevier  

Masson, 2011. 

Wolgast, M., Lundh, L. G., Viborg, G. (2011). Cognitive reappraisal and acceptance: An experimental comparison of two emotion regulation strategies. Behaviour research and therapy, 49(12), 858-866. 

Piaget, J. (1956). Les stades du développement intellectuel de l’enfant et de l’adolescent. PUF. 

Shallcross, A. J., Troy, A. S., Boland, M., Mauss, I. B. (2010). Let it be: Accepting negative emotional experiences predicts decreased negative affect and depressive symptoms. Behaviour Research and Therapy, 48(9), 921-929. 

Wallston, K. A., Wallston, B. S., Smith, S., Dobbins, C. J. (1987). Perceived control and health. Current Psychology, 6(1), 5-25. 

Wegner, Daniel M., et Ralph Erber. “The hyperaccessibility of suppressed thoughts.” Journal of  personality and social psychology 63.6 (1992): 903. 

Wilson, Kelly G., et Amy R. Murrell. “Values work in acceptance and commitment therapy.” Mindfulness and acceptance: Expanding the cognitive-behavioral tradition (2004): 120-151 

Après un MBA et plusieurs années passées dans des organisations en tant que gestionnaire et au développement d’affaires, Frédéric Piot a décidé de réorienter sa carrière dans le domaine de la relation d’aide en devenant conseiller d’orientation, profession qu’il exerce aujourd’hui dans le cadre d’une pratique privée. Frédéric s’intéresse particulièrement aux effets de la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) combinée à d’autres approches issues de la psychologie positive auprès d’individus qui sont confrontés à une impasse sur le plan professionnel.
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Après un MBA et plusieurs années passées dans des organisations en tant que gestionnaire et au développement d’affaires, Frédéric Piot a décidé de réorienter sa carrière dans le domaine de la relation d’aide en devenant conseiller d’orientation, profession qu’il exerce aujourd’hui dans le cadre d’une pratique privée. Frédéric s’intéresse particulièrement aux effets de la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) combinée à d’autres approches issues de la psychologie positive auprès d’individus qui sont confrontés à une impasse sur le plan professionnel.
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